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30 décembre 2008 2 30 /12 /décembre /2008 00:53


La nouvelle année risque d’être pour La Grande Ile une période de turbulences au  niveau politique. Pour bien saisir les futurs évènements, un coup d’oeil en arrière s’impose.

Tout a commencé il y a un an avec l’arrivée « surprise » de Andry Rajoelina à la mairie de la capitale aux élections du 12 décembre 2007.  Sûr de sa victoire, le pouvoir est pris de cours. Néanmoins, le jeune Maire n’est pas considéré comme un adversaire menaçant et bien qu’irrité, le Président de la République pense maîtriser facilement cet élu novice en politique.

La première rencontre des deux personnalités au palais d’Ambohitsorohitra  au début du mandat du maire vire d’ailleurs à la tragi-comédie. « Décroises tes jambes » ordonne le chef de l’Etat à son cadet qui s’exécute sans s’offusquer. L’info très people fait le tour des salles de rédaction. Si on y retrouve le caractère autoritaire de Ravalomanana, les milieux politiques y voient aussi un signal : faire comprendre qu’il est toujours le chef à respecter. Ce geste paternaliste visait à montrer son ascendant. Dans ce même ordre d’idée, le Président  convoque la belle mère de Andry Rajoelina, Nicole Razakandisa, et lui demande de le mettre en garde contre les manœuvres de récupération des partis politiques de l’opposition. C’était un conseil qui sonnait comme une menace pour ces opérateurs économiques.

Mais le Maire ne désire pas une confrontation avec le pouvoir central bien que lors de la passation, il soit en connaissance d’un trou de 36 milliards dans la caisse de la commune et que le gouvernement ait délibérément bloqué le crédit de la Banque mondiale destiné à la ville d’Antananarivo.

Au début du deuxième semestre 2008, deux faits importants poussent le pouvoir à tenter de se débarrasser du jeune édile. Tout d’abord, ce dernier a pris de l’envergure et  fait montre d’une grande indépendance. On sent qu’il est plus à l’aise avec les politiciens de l’opposition et semble proche de l’archevêque d’Antananarivo.

Il y eut ensuite les décisions de tenir les sommets de l’Union Africaine et de la Francophonie à Antananarivo en 2009 et 2010. La réussite de ces deux rendez-vous internationaux profiterait sans conteste à l’image du Président. Sa popularité se trouve pour l’instant au fond du gouffre avec la paupérisation et l’insécurité généralisées.

Mais il n’est pas commode de recevoir ces réunions prestigieuses en dehors de la capitale. Le  pouvoir enclenche à contre cœur  le projet Grand Tana qui englobe les périphéries dans un rayon de 15 kilomètres autour de la ville. En tout état de cause, Andry Rajoelina ne doit pas être  bénéficiaire de cet immense projet. Très logiquement, les autorités centrales chercheront les moyens de le destituer.

Vers le mois de septembre, le gouvernement lance une campagne de dénigrement à l’encontre du premier magistrat tout en cherchant à diminuer progressivement son champ d’action. L’Etat fait main basse sur l’organisme  de ramassage d’ordures SAMVA qui vient de signer avec la coopération française un projet de recyclage des détritus ménagers d’une enveloppe de 20 millions d’Euros. Parallèlement, il enlève à la commune la gestion de la gare routière de l’Est. Le décret de destitution du maire était, selon des informations recueillies en haut lieu, sur le point d’être promulgué. Dos au mur, Andry Rajoelina doit faire face (voir interview du 8 septembre 2008 sur Sobika.com).

 Dans une série de déclarations, il fait preuve d’une détermination qui désarçonne ses détracteurs. Le Président joue l’apaisement et désavoue ses ministres mais Andry Rajoelina, échaudé, multiplie alors les contacts avec les politiciens de l’opposition et les associations représentant la société civile.
 
C’est ainsi que la mairie s’allie avec un partenaire de taille, la «Savonnerie Tropicale»,  pour ses actions humanitaires en faveur des habitants les plus défavorisés des zones basses de la capitale. En quarante ans d’existence, cette société  n’a jamais failli à son devoir de bienfaisance. Son sponsoring est régulièrement sollicité pour ce genre de manifestations.

La Savonnerie Tropicale,  c’est aussi André Ramaroson, son PDG, qui porte également la casquette de président du Conecs, la puissante plate-forme de la société civile regroupant  plus de trois mille membres à travers l’île.

Or justement, tout au long de cette année 2008, le Conecs n’a cessé de dénoncer les dérives dans la gestion des affaires nationales. L’assemblée générale de cette organisation en présence d’une centaine de journalistes a pris l’allure d’un grand déballage (voir vidéos plus bas ). Le Conecs se fait l’avocat  des pauvres et  des victimes du non droit. Son message appelle d’abord chaque citoyen à ne plus avoir peur de prendre ses responsabilités, ce qui n’est pas sans quelque similitude avec celui des évêques des églises catholiques.

C’est dans cette atmosphère tendue que le pouvoir se piège lui-même. Suite à la diffusion par la station VIVA d’une interview de l’ancien Président Didier Ratsiraka, le gouvernement prend la décision de fermer cette chaîne de télévision dont le propriétaire n’est autre que le Maire. Les réactions seront virulentes ainsi bien de la part des politiques que de l’opinion publique. Les fêtes de fin d’année sont un petit répit pour les responsables qui doivent trouver une sortie honorable.

Pour Andry Rajoelina,  les pertes financières sont réelles. Mais en termes d’image et de popularité, le gain est énorme. Un ralliement s’est opéré autour de lui. Les sociétés civiles sont aux premières loges. L’ombre de l’église catholique est omniprésente. C’est dans ce contexte que se crée la FCD (Force de Changement pour la Démocratie) à l’instigation d’une forte personnalité, Alain Ramaroson, ancien ministre et démocrate invétéré, destinée à faire respecter la Constitution et empêcher les arrestations arbitraires.

Quelques jours auparavant, le 12 décembre, le régime a destitué les deux maires d’Ivato Aéroport et d’Ivato Firaisana, élus depuis à peine un an, et transformé les deux petites localités en Commune Urbaine. Cette nouvelle entité, qui sera dirigé par un Président de la Délégation Spéciale (PDS) nommé par l’exécutif, a été déclarée illico « capitale des sommets ».

Et dans son édition en ligne du dimanche 28 décembre, sous la plume d’Alphonse Maka, « La Vérité » rapporte que le pouvoir cogite sur une stratégie pour destituer Andry Rajoelina au plus vite et le remplacer lui aussi par un PDS. Si l’Etat franchit cette nouvelle étape dans l’escalade, on n’ose imaginer ce qui peut se passer ! Il est fort probable qu’une confrontation très dure s’en suivra alors, qui s’étendra à tout Madagascar.
 
Pour l’instant, la fermeture de Viva TV a déjà eu une conséquence bien concrète pour le régime. Elle a jeté le discrédit sur le projet de loi sur les partis politiques que le Chef de l’Etat a voulu faire cautionner par l’ensemble des acteurs politiques dans une rencontre solennelle au palais d’Etat vers la mi-décembre .Des responsables d’envergure ont boudé la rencontre pour protester contre l’arbitraire de la décision.


Alain Rajaonarivony / Gilbert Raharizatovo



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