La fenêtre «Edition Spéciale» s'est affichée sur l'écran le 25 avril au soir suscitant les interrogations des téléspectateurs de TVM sur l'événement qui nécessitait une annonce si urgente. Concernait-elle l'ancien Vice-premier ministre Pierrot Rajaonarivelo qui venait de rentrer d'exil et avait atterri le matin à Ivato malgré les réticences de la HAT (Haute Autorité de Transition)? Ou la déclaration la veille de Maître Avoko, responsable de l'association «Kung-Fu Wisa» qui avait lancé un ultimatum à Andry Rajoelina, président du régime issu du coup d'état? Il avait donné 24 heures (week-end non compris, avait-t-il précisé) à ce dernier pour arrêter les répressions sanglantes envers la population tananarivienne. Faute de quoi, les adeptes des arts martiaux promettaient de la défendre contre les exactions d'individus qui ne respectent ni la loi, ni la discipline, ni surtout la vie humaine.
Ce sont 3 officiers de la police, de la gendarmerie et de l'armée qui apparaîtront finalement. Parmi eux se trouvait le chef d'état-major auto-proclamé. Ils ont d'abord présenté leurs condoléances aux victimes des violences des militaires avant de passer aux menaces, en déclarant que les forces de l'ordre ne se laisseront pas faire et en rejetant la faute sur une poignée d'agitateurs.
Des morts et des dizaines de blessés dans les manifestations du 20, 23 et 24 avril, cela ressemble à un massacre à la petite semaine. Les commanditaires de ces crimes devront payer au même titre que ceux de la fusillade du 7 février. Jusqu'à preuve du contraire, c'est bien le gouvernement de la HAT qui en est responsable. Une marchande de journaux qui prend une balle en plein crâne, en marge d'une marche pacifique de femmes réprimée par la soldatesque à coup de grenades lacrymogènes et de tirs à balles réelles, c'est inexcusable!
Roindefo Monja, le Premier ministre de la HAT a justifié les actes de ces militaires par des arguments qui insultent l'intelligence : les manifestants se seraient tirés dessus entre eux le 20 avril. Et la déclaration de ces 3 officiers ressemble à une véritable provocation et une déclaration de guerre envers les Tananariviens. Ils n'ont pas hésité à affirmer que des contestataires avaient des grenades et des armes de guerre. Témoignages, photos et vidéos démontrent pour l'instant le contraire.
Les différents membres du gouvernement de la HAT se sont succédés à la tribune le vendredi 24 avril pour dénoncer les méfaits économiques de Ravalomanana. Les dossiers étaient bien préparés mais l'impact de cette prestation sur l'opinion publique fut très limité, voire quasi-nul. Les esprits étaient accaparés par les morts et les blessés.
La HAT parle de désinformation pour expliquer le désaveu et le rejet dont elle fait maintenant l'objet. La fermeture des médias de l'opposition, l'interdiction de manifester, les répressions sanglantes des rassemblements «légalistes» ne sont pas des élucubrations de journalistes. La propagande pro-HAT passe en boucle sur TVM (télévision nationale) pour justifier le coup d'état.
Le nouveau régime a réussi en quelques semaines à faire regretter un Président honni pour ses dérives. Mais on est passé d'abus économiques et de délires mégalomaniaques à des assassinats au quotidien. Ces pauvres gens n'avaient commis d'autre pêché que d'être présents dans la rue ou d'exercer leur liberté d'opinion. Andry Rajoelina devra assumer les attaques du Capsat envers les citoyens dont il était, il y a peu encore, le Maire adulé. La déclaration de ces 3 officiers risque de déclencher une réaction épidermique des Tananariviens. Tenir le verbe haut face à une population traumatisée relève de l'inconscience. Toute la capitale a remarqué que les éléments du Capsat qui se comportent comme des bourreaux sont des Côtiers du Sud. Les Tananariviens ont le sentiment d'être agressés chez eux par des «étrangers» qui ne témoignent d'aucune compréhension. La haine envers le Capsat et leurs donneurs d'ordres est en train de prendre des proportions qui pourraient être fatales à la HAT.
Dans la nuit du samedi au dimanche 26, un blindé immatriculé BRM 222 a été détruit par un cocktail molotov au camp de gendarmerie de Fort Duschesne. D'après les explications officielles, les explosions entendues seraient dues aux munitions que contenaient le véhicule.
La malédiction continue pour les Malagasy. La liberté et la joie se dérobent depuis 1972. Ils continuent de lutter mais le temps passe inexorablement et seul le cauchemar est pour l'instant au rendez-vous. Le soleil sera peut-être pour la future génération...
Alain Rajaonarivony