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  • : Le blog de Alain Rajaonarivony
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  • Alain Rajaonarivony

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3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 23:20


Les Européens se ruent en ce début du mois d’août sur les routes, les gares et les aéroports pour profiter des vacances d’été. Tout le monde veut changer d’air et oublier un peu la crise. Quelques Malgaches vont aussi prendre l’avion, direction Maputo. L’atmosphère risque d’y être moins au farniente. Sous l’égide de la communauté internationale (regroupant la Sadec, les Nations Unies, l’Union africaine, la Francophonie etc…), ils vont tenter de sortir Madagascar de l’impasse. Joaquim Chissano, ancien Président du Mozambique et chef du groupe de contact  semble même avoir réussi à persuader Andry Rajaoelina d’y retrouver les autres leaders politiques, le Président Ravalomanana et les anciens présidents Didier Ratsiraka et Albert Zafy. Ayant fait faux-bond à Addis-Abeba au dernier moment, on attend de voir si le pouvoir transitoire honorera sa promesse. Néanmoins, pour sauver ce qui peut l’être, Andry Rajoelina  devrait faire le déplacement bien qu’il ait proclamé qu’il n’assisterait plus à aucune réunion.

 

La HAT se fissure de partout. Le « premier ministre » Roindefo Monja est attaqué de l’intérieur et certains ne voient pas d’un bon œil ses ambitions présidentielles. Les menaces de «balancer» ses agissements tenant plus du racket que de la politique ne sont plus voilées et sortent dans les médias qui soutiennent le régime. C’est donc la panique qui, comme on sait, est mauvaise conseillère. Dans la confusion, les kalachnikovs risquent d’être pointées dans la mauvaise direction… En tout cas, les scandales financiers n’ont rien à envier à ceux des pouvoirs précédents. L’image d’une HAT luttant pour la probité s’écroulera quand les langues se délieront. Le psychodrame qui se joue entre la Mairesse désignée d’Antananarivo, Michèle Ratsivalaka, et ses collaborateurs exigeant sa destitution, l’accusant d’incompétence et de corruption, n’en est qu’un avant-goût.

 

Pour l’instant, le peuple subit. Madagascar, qui a calqué son calendrier scolaire sur la France a connu un léger retard à cause des bouleversements politiques. Les élèves ont donc passé leurs épreuves du BEPC il y a quelques jours. Le sujet proposé en malgache peut être transcrit ainsi : «Le pouvoir de Transition accomplit actuellement des efforts pour le développement rapide du pays. Lesquels, selon vous ? Justifiez votre point de vue par des exemples, en 15 phrases rédigées correctement et sans fautes d’orthographe» («Misy ezaka ataon’ny Fitondrana Tetezamita hampandrosoana haingana ny firenena amin’izao fotoana izao. Inona avy ireo ezaka ireo araka ny hevitrao ? Tohano amina ohatra mazava izany ao anaty fehezanteny dimy ambin’ny folo, manaraka rafitra sy drafitra ka tsy ahitana tsipelina diso»)

 

Sujet difficile, en particulier pour trouver des exemples. Comme Niry de Sobika.com, un site de la diaspora, l’a relevé en premier, c’est tout simplement une violence faite aux enfants, impliqués de gré ou force dans la lutte de pouvoir actuel. Tous les psychologues pourront le confirmer mais très peu de journaux de la place ont osé franchement condamner au début. Dans l’atmosphère de répression qui prévaut, l’autocensure est un reflexe. Les professeurs et les parents d’élèves, montés au créneau, ont finalement permis de dénoncer l’inanité de l’Education. Aucun responsable n’a daigné reconnaître cette faute gravissime qui aurait entraîné un remaniement du gouvernement dans une nation démocratique. Ils se sont succédés au micro pour tenter de se justifier, y compris le directeur de cabinet du ministre, le professeur Jean Théodore Ranjivason, ex-ministre de l’enseignement supérieur.

 

Ce pouvoir déplace tous les repères moraux sans même s’en rendre compte. Ces comportements sont finalement dans la logique de son arrivée aux commandes du pays. Ce 1er août, une convention a été signée à l’hôtel Panorama entre les différentes tendances qui composent la HAT, un rassemblement d’intérêts dont les seuls points communs sont la volonté d’éliminer le Président élu et de perdurer au pouvoir sans élections. Cette charte contredit tous les principes fondamentaux défendus par la communauté internationale. Elle va aussi à l’encontre de la volonté du chef de la HAT d’organiser les présidentielles avant la fin de l’année. Elle associe toutes les forces obscures qui ont enfoncé Madagascar dans la misère et l’opprobre depuis le 17 mars. Elle fera tout pour empêcher un rapprochement Andry Rajoelina – Ravalomanana. La convention du Panorama vise à contrecarrer tout retour du Président mais aussi à piéger son jeune successeur.

 

Le salut pour le jeune putschiste passerait par un accord avec le Président, qui permettrait à tous les deux de retrouver une dignité et un peu de marge de manoeuvre. Contrairement à ce qui a été largement véhiculé par les «amis» français de la HAT, le retour de Ravalomanana ne déclenchera pas la guerre civile, mais stabilisera la situation pour peu qu’il soit organisé en accord avec Andry Rajoelina et les autres forces politiques. Cela suppose un partage des responsabilités qu’en aucun cas les signataires du Panorama ne veulent. Tout retour à la normalité signifie pour eux le retour vers le néant. Adieu gros 4x4, train de vie fastueux (à leur niveau) et abus de toute sorte. Remplacer l’assemblée nationale et le Sénat élus par des individus désignés on ne sait sur quels critères, pour 18 mois, c’est permettre à des centaines de politiciens véreux de se partager le gâteau, en éliminant toute forme de démocratie représentative. Les fameux «Congrès» de la transition ne sont que de la corruption à grande échelle. Si ces personnes réussissent à imposer leurs idées, Madagascar est perdu. Cette convention est la démonstration de ce que la malgachie politicienne peut produire de pire en matière de traîtrise et d’hypocrisie. La nation est sciemment sacrifiée car un tel montage ne peut recevoir l’assentiment de la communauté internationale.

 

Andry Rajoelina a pour l’instant montré le plus néfaste de la jeunesse : l’inconscience, l’incompétence, le «bling-bling». Il doit maintenant en faire ressortir les qualités : le courage, les capacités de réaction, d’adaptation et de remises en cause. Ce ne sera pas pour le fun. Il tient entre ses mains le salut de la nation mais pour ce faire, il devra lutter contre la bande d’affamés qui constitue sa cour. Paradoxalement, dans ce combat, Ravalomanana devient son allié objectif. S’il fait l’impasse sur Maputo, ou s’il en revient sans un accord, le jeune chef de la transition aura signé son arrêt de mort mais ce ne sera pas le fait des légalistes.

 

Depuis que Ravalomanana a oublié ses principes bibliques, «fahamarinanana » et « fahamasinana» («vérité» et «sainteté»), slogans qui lui ont valu l’adhésion du peuple en 2002, les mauvais génies hantent le pouvoir. Tous les arrivistes sont restés dans le sérail, les autres sont partis. Dès que le Président s’est retrouvé en état de faiblesse, ceux là-même qui ont profité jusqu’au dernier moment de ses largesses, l’ont trahi sans aucun scrupule. Ils se retrouvent maintenant au sein de la HAT et papillonnent autour d’Andry Rajoelina, en tentant de le manipuler. Si ce dernier ne fait pas montre d’une très forte personnalité pour se défaire de cette emprise, il sombrera définitivement. Maputo est vraiment la dernière chance…

 

 

Alain Rajaonarivony

 


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commentaires

N
Brillant article. Surtout rédigé avant Maputo I. En le relisant, à posteriori, on se rend compte que les analyses s'avèrent toutes exactes. D'abord ultra-méfiant au début de la crise, j'ai appris à vous lire et à faire confiance à cette lumière que vous allumez dans cette obscurité dramatique qui étouffe et enveloppe tout Madagascar.. Je vous souhaite une bonne continuation et je ne manque pas de comprendre les réalités de la vie politique malgache, grâce à votre prisme. Bravo M. Rajaonarivony! 
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