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10 mai 2009 7 10 /05 /mai /2009 22:55


 

Le ciel de Paris était grisâtre, avec parfois une ondée qui passait. Cela n’a pas entamé la bonne humeur des participants à la marche pour la liberté qui se déroulait de la Place de la République à celle de la Bastille. Ce fut une foule estimée à 3000 personnes selon la police, donc sans doute un peu plus, qui s’étira sur les grands boulevards jusqu’au génie juché sur sa colonne.

 

Au soleil près, les slogans, rires et chansons de ce samedi 9 mai était presque un remake du 29 juin 2002, jour d’une autre marche historique qui avait emprunté le même itinéraire et rassemblé 5000 personnes. Les mobilisations massives de la diaspora sont rares et constituent un signal fort. Elles indiquent une prise de conscience du danger qui menace la nation. Cela signifie surtout que désormais un travail de lobbying sera effectué contre les politiciens désignés comme responsables. En 2002, Didier Ratsiraka s’était enfui quelques jours après la marche.

 

 

La diaspora s’est ensuite retirée pour plusieurs années.  Blasée et dégoûtée des dérives de Ravalomanana en matière de bonne gouvernance, elle a été de toute façon mise à l’écart et n’a pas obtenu le droit de vote contrairement aux promesses de 2002. Outre les grandes démocraties, la plupart des pays africains, y compris les plus pauvres (Sénégal, Mali, Maroc, Algérie…) accordent cette possibilité à leurs ressortissants.

 

Mais la HAT, au fur et à mesure des arrestations, répressions et délires de «jeunesse», a fini par la faire sortir de sa réserve. La désapprobation a grandi jusqu’à finalement entraîner cet engagement collectif. Il s’agit moins d’un soutien à Ravalomanana que d’un rejet de la HAT, et surtout de ses méthodes (tirs à balles réelles, arrestations illégales, humiliations publiques de personnalités). Vers 17h30, le Président «en titre» a annoncé une fois de plus son retour par téléphone aux manifestants qui ont applaudi à la nouvelle. Ils ont dansé l’ «afindrafindrao», la traditionnelle farandole devant l’Opéra Bastille. L’ambiance était festive et décontractée mais les conversations empreintes de gravité.

 

 

On aura remarqué la présence de beaucoup de jeunes au milieu des «anciens combattants» de 2002. Ces derniers ont eu pour la plupart le même cheminement dans leurs réflexions : une grande sympathie pour Andry Rajoelina au début de son combat qui s’est mué en une énorme déception puis en une attitude critique devant les violences perpétrées par l’Autorité qu’il préside.

 

 

 

Le 8 mai, une stèle a été inaugurée à Ambotsirohitra par la HAT en mémoire des victimes du 7 février. J’avais condamné cette tuerie innommable (voir article : «Carnage devant le palais»). Le comportement de la HAT consistant à récupérer cette tragédie pour légitimer son arrivée au pouvoir oblige à dire que ce jour là, sur la place du 13 mai, tout n’était pas «clean». Andry Rajoelina a fait dans la surenchère : « ni les fusils, ni les canons ne nous feront reculer ! » avait-il clamé. Ensuite, Monja Roindefo s’est empressé de demander à la foule de s’emparer du Palais d’Ambotsirohotra. Elle s’est alors scindée en deux car beaucoup n’approuvaient pas cette démarche. Devant le Palais, le Général Dolin a tenté une médiation de la dernière chance. Il est revenu vers les manifestants en disant : «ils vont tirer». C’est à ce moment que l’homme désigné par les forums comme celui «au complet gris» demandera aux jeunes gens des premiers rangs d’avancer malgré tout. La suite, on la connaît. Quand le moment sera venu de juger les responsables de cet épisode, Andry Rajoelina, Roindefo Monja et cet individu identifié comme un membre du parti «Tambatra» auront une petite place dans le box. Car ce drame semble avoir été souhaité par certains politiciens pour accélérer la chute du Président Ravalomanana.   

 

L’Union Européenne a réitéré solennellement sa condamnation du coup d’état le 7 mai.

L’Autorité de transition est dans l’impasse totale mais s’obstine à refuser toute négociation. C’est une phase par laquelle elle devra pourtant passer. Plus tôt elle sera engagée et plus vite le pays sortira d’une crise qui n’a pas lieu d’être. Ce serait le signe d’un vrai courage politique de la part du président de la HAT…

 


Photo 1 : une banderole parmi beaucoup d'autres

Photo 2 : l'"Afindrafindrao" devant l'Opéra Bastille 

Photo 3 : Jeune et ancien "combattants": Vony, responsable juridique du GTT (Gasy Tia Tanindrazana), organisateur de la marche, et Lucien, déjà là en 2002.


Alain Rajaonarivony

 

 


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7 mai 2009 4 07 /05 /mai /2009 00:01


La rentrée parlementaire n’a pas eu lieu le 5 mai à Antananarivo. La HAT (Haute autorité de transition) avait pris soin de faire interdire l’entrée de l’Assemblée nationale par des militaires. Les manifestants «légalistes» étaient là pour rappeler le calendrier au nouveau pouvoir qui avait «dissous» ou «suspendu» le Parlement on ne sait trop sur quelle base légale. Pour une fois, ces contestataires pacifiques n’ont pas été pourchassés par les forces de l’ordre.

 

Le message qu’un réseau d’intellectuels malagasy a fait transmettre à Alain Ramaroson, responsable de la commission «Défense et sécurité» de la HAT serait-il passé ? Ces derniers lui ont demandé de «lever le pied» pour préserver l’avenir. Une modération de la «violence officielle» ne peut que faciliter une cohabitation future. Inversement, un «climat de terreur» enclencherait un cycle de violence dont tôt ou tard les membres de la HAT seraient aussi victimes.

 

Il règne une atmosphère étrange à Antananarivo en ce mois de Mai. Plusieurs mondes s’y côtoient sans se comprendre ni se mélanger. Le peuple, dans sa définition première, subit des crises d’angoisse. Le chômage a explosé, l’insécurité est omniprésente et le mal-être perceptible. Les affrontements politiques ont des incidences directes sur la vie quotidienne. A plusieurs reprises, on me parlera de craintes de tensions ethniques. Cette préoccupation était totalement absente il y a simplement quelques mois mais le comportement de certains militaires a ravivé des blessures à peine cicatrisées (voir article précédent : «sales impressions»). Les politiciens qui s’appuient sur cette fraction de l’armée jouent aux apprentis-sorciers.

 

Totalement imperméables à ces sentiments ressentis par la population, les responsables de la HAT sont encore dans l’euphorie de la victoire arrachée le 17 mars. Ils sont convaincus de leur bon droit et de leur réussite. De fait, leur seul véritable soutien demeure l’armée, en particulier la garnison mutinée du Capsat. Le 29 avril en soirée, des éléments de ce corps ont arrêté Manandafy Rakotonirina, Premier ministre «légal», et quelques uns de ses compagnons à l’hôtel Carlton. Agé de 71 ans, le vieux politicien était armé d’un redoutable pyjama, ce qui justifie sans doute la brutalité du Commandant Charles Andrianasoavina , déjà célèbre pour l’épisode de l’Episcopat du 17 mars (voir article : «ce n’est pas encore le mot de la fin»). Pour les partisans du nouveau régime, le «terroriste», c’est Manandafy. Il est depuis en résidence surveillé à Mantasoa.

 

Les «légalistes» attendent toujours le retour de «Dada», surnom qu’ils ont donné à Marc Ravalomanana. Le Président a annoncé depuis l’Afrique du Sud son retour imminent à plusieurs reprises. Mais le chef de l’Etat tarde à concrétiser sa promesse et la ferveur de ses partisans tend à se déliter. Le risque d’une arrestation, voire d’un assassinat est sans doute réel, mais manquer de courage en ces circonstances signifie à coup sûr sa mort politique.

 

Après quelques signes de sympathie pour Andry Rajoelina au début de la crise, les provinces se désintéressent et se lassent d’une affaire «entre Mérina». La famine dans le Sud, les zones balnéaires sinistrées depuis la disparition des touristes sont des motifs d’inquiétude plus immédiats et plus importants.

 

La HAT se raccroche à toute invitation reçue de n’importe quelle organisation possédant un tant soit peu une dimension internationale pour se prévaloir à chaque fois d’un début de reconnaissance internationale. La réalité est moins brillante. Les condamnations du coup d’état sont toujours d’actualité. Les méthodes de gouvernance sont maintenant aussi sur la sellette. Les arrestations, fermetures de médias ou répressions des manifestations ont entraîné des rappels sur la nécessité de respecter les Droits de l’homme. Les cas des prisonniers politiques, en particulier celui du Premier ministre «légal» ont été rapportés à Amnesty International et à l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture).

 

La célébration de la journée de la presse du 3 mai a été suivie de l’arrestation d’un journaliste de Radio Mada. Andry Rajoelina, président de la HAT, a disparu des écrans depuis une quinzaine de jours mais se plaint en privé de l’attitude de certains de ses ministres qui commenceraient déjà à «taper» dans les caisses. Les arrêts-maladie se multiplient dans l’administration. C’est le moyen que les fonctionnaires ont trouvé pour échapper aux pressions tout en préservant leurs jobs.

 

Internet est la bête noire des nouvelles autorités. Ce serait un outil de désinformation utilisé par la partie adverse. Or, le Tim (parti présidentiel) a porté exactement les mêmes accusations au début de la crise contre Sobika.com ou ce blog par exemple, maintenant vilipendés par les TGV (partisans du Maire). La vérité est plus prosaïque. Une mauvaise politique ne peut jamais être rattrapée, sauf ponctuellement, par une communication, si performante soit-elle. Les informations passent en temps réel, les sources sont multiples et impossibles à contrôler par des Etats du Tiers-monde.

 

La HAT est aux commandes d’un pays en ruines. Les engagements arabes suscitent des inquiétudes tant ils rappellent les «financements parallèles» de l’époque Zafy Albert, qui furent un véritable fiasco. Ravalomanana est reconnu par les autres Etats et a les capacités de débloquer toutes les aides et accords de coopération suspendus. Cela représente des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers d’emplois. Mais les gouvernants actuels ne veulent d’aucun compromis ou dialogue. La crise risque dans ce cas de perdurer. Le FFKM (Confédération des Eglises), habituel recours moral, est complètement discrédité. Le comportement de quelques officiers a porté atteinte à l’unité de l’armée qui a perdu sa neutralité. Quel espoir reste-t-il pour les Malagasy, sinon de s’en remettre une fois de plus à Dieu ?

 

 Alain Rajaonarivony



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29 avril 2009 3 29 /04 /avril /2009 18:22

 

 

Air France n'assure plus qu'une rotation sur deux et pourtant l'avion n'était pas rempli. La Grande Ile est à la peine et on se demande comment le ministre du tourisme de la HAT (Haute Autorité de Transition) a fait sa prévision de 150.000 touristes pour cette année.

 

Antananarivo est relativement propre. On m'explique que le nettoyage a commencé il y a quelques jours. Profitant d'un arrêt à une station-service, j'offre le café aux quelques personnes qui sont avec moi. L'un d'eux me glisse alors à l'oreille : «On n'a jamais vu cela, M. Alain. On ne mange plus qu'une fois par jour». Celui qui me fera cette confidence n'est ni un chômeur, ni un marginal. Il travaille, et beaucoup!

 

L'angoisse et l'atmosphère oppressante sont assez vite ressenties pour peu que l'on soit à l'écoute de ses interlocuteurs. Au fur et à mesure de mon séjour, on me parlera des manifs quotidiennes, des répressions... et du Capsat. Loin d'être des héros, ils seraient plutôt considérés comme des milices sans états d'âme. «Ce sont pour la plupart des Antandroy. Ils obéissent à ceux qui les paient», me dira-t-on. Effectivement, je sais que ces militaires ne se sont pas simplement mutinés par patriotisme, comme l'affirme la propagande pro-HAT. Ils ont été rémunérés, parfois largement. Cela explique la violence exercée à l'égard des rassemblements «légalistes», mais aussi le comportement assez spécifique des éléments de ce corps. Ils ont pris goût au pouvoir et à l'argent. Les officiers se sont parfois servis en véhicule de service hors de toute démarche légale. Sur la route d'Antsirabe, j'ai été dépassé par deux 4x4 qui roulaient à tombeau ouvert. Ils sortaient manifestement de la concession et étaient non immatriculés, donc interdits de circulation, Mais aucun gendarme ne prendra le risque d'arrêter un chauffard en uniforme qui prend la route du Sud. En ville, certains soldats ont pris l'habitude de consommer sans payer. Quand on a le pouvoir, on ne s'embarrasse pas de la loi.

 

Le Capsat se comporte comme en pays conquis et cristallise la haine des Tananariviens. Si la rivalité Côtiers-Mérina était connue, elle était plutôt de l'ordre du folklore. Elle est train de prendre une autre dimension avec cette crise. Les habitants de la Capitale ne supportent plus ces individus qui n'hésitent pas à utiliser leurs kalachnikovs pour tirer sur des femmes qui font une marche pacifique. Un professeur de sport est sans illusions : «Tout cela se terminera par une guerre ethnique». La HAT continue d'opposer la Capitale aux provinces, y compris dans les discours officiels, pour essayer de se donner une légitimité qui n'existe plus.

 

Un de mes écrits a fait «tilt» auprès de certains de mes lecteurs (voir article : «La HAT et le Capsat défient Antananarivo»). Quelques uns m'ont soupçonné de racisme. Pour se faire une idée de mes convictions propres, on peut se reporter à mon article : «Obama, Métis, Côtiers, Mérina et Pouvoir». J'ai dû alors répondre à des personnes qui m'accusaient de trahir la cause Mérina en défendant des idéaux. Aborder certains problèmes semble politiquement incorrect. Plutôt qu'une justification, je préfère un article d'atmosphère qui rendra le vécu des Tananariviens et pourrait expliquer leurs réactions.

 

La HAT gouverne comme une junte militaro-civile. Censures, répressions, violences attisent la frustration et la haine. La tension ethnique qui monte repose sur des faits. C'est pour cela qu'elle est dangereuse. L'autorité de transition en est en grande partie responsable.

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

 

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27 avril 2009 1 27 /04 /avril /2009 15:33

 

 

Le nouveau chef de région, Paul Razanakolona, placé par la HAT (Haute Autorité de Transition) n'a pas pu prendre ses quartiers à Antsirabe à cause de l'opposition de la population. Néanmoins, il a pris une de ses premières mesures : interdire les manifestations pacifiques quotidiennes des «légalistes». Le lundi 27 avril, dès 7h30 du matin, les militaires quadrillaient la place de l'Indépendance. La foule agglutinée dans toutes les artères avoisinantes affirmait que plusieurs éléments de ces forces de l'ordre étaient venus en renfort d'Antananarivo. Ceux d'Antsirabe étaient considérés comme trop compréhensifs envers les contestataires.

 

 

Le face-à-face durera plusieurs heures. Les opposants entonneront des chants patriotiques puis un de leurs responsables prendra la parole au micro en mettant en cause Alain Ramaroson, «chef des milices Capsat». «Les militants doivent montrer aux forces armées qu'ils sont des gens dignes» dira-t-il. Un gendarme perdra son bouclier sur la chaussée, ce qui déclenchera les quolibets. L'ambiance restera assez bon enfant jusqu'à 14 heures, où se produiront les premiers jets de pierres et de bouteilles. Les «légalistes» affirment que des provocateurs se seraient infiltrés pour tenter de déclencher des heurts. A partir de là, tout s'enchaînera très vite. Les explosions vont retentir : coups de semonces et grenades lacrymogènes seront utilisés pour disperser les rassemblements pendant environ une demi-heure. Une heure après, plusieurs jeunes seront arrêtés après une nouvelle course-poursuite.

 

Il n'y aurait pas eu de blessés, à part un militaire légèrement touché au pied par une pierre. L'atmosphère est en train de changer dans la ville. La violence, inconnue jusque là (voir article : «Antsirabe, l'autre résistance»), est en train de s'installer.

 








 

 

 

 

 

Photo 1 : Les militaires à la place des "légalistes" le 27 Avril à Antsirabe


Photo 2 : La foule s'enfuit dès le début des heurts


Photo 3 : Les militaires en action

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Alain Rajaonarivony

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27 avril 2009 1 27 /04 /avril /2009 11:56

 

 

La fenêtre «Edition Spéciale» s'est affichée sur l'écran le 25 avril au soir suscitant les interrogations des téléspectateurs de TVM sur l'événement qui nécessitait une annonce si urgente. Concernait-elle l'ancien Vice-premier ministre Pierrot Rajaonarivelo qui venait de rentrer d'exil et avait atterri le matin à Ivato malgré les réticences de la HAT (Haute Autorité de Transition)? Ou la déclaration la veille de Maître Avoko, responsable de l'association «Kung-Fu Wisa» qui avait lancé un ultimatum à Andry Rajoelina, président du régime issu du coup d'état? Il avait donné 24 heures (week-end non compris, avait-t-il précisé) à ce dernier pour arrêter les répressions sanglantes envers la population tananarivienne. Faute de quoi, les adeptes des arts martiaux promettaient de la défendre contre les exactions d'individus qui ne respectent ni la loi, ni la discipline, ni surtout la vie humaine.

 

Ce sont 3 officiers de la police, de la gendarmerie et de l'armée qui apparaîtront finalement. Parmi eux se trouvait le chef d'état-major auto-proclamé. Ils ont d'abord présenté leurs condoléances aux victimes des violences des militaires avant de passer aux menaces, en déclarant que les forces de l'ordre ne se laisseront pas faire et en rejetant la faute sur une poignée d'agitateurs.

 

Des morts et des dizaines de blessés dans les manifestations du 20, 23 et 24 avril, cela ressemble à un massacre à la petite semaine. Les commanditaires de ces crimes devront payer au même titre que ceux de la fusillade du 7 février. Jusqu'à preuve du contraire, c'est bien le gouvernement de la HAT qui en est responsable. Une marchande de journaux qui prend une balle en plein crâne, en marge d'une marche pacifique de femmes réprimée par la soldatesque à coup de grenades lacrymogènes et de tirs à balles réelles, c'est inexcusable!

 

Roindefo Monja, le Premier ministre de la HAT a justifié les actes de ces militaires par des arguments qui insultent l'intelligence : les manifestants se seraient tirés dessus entre eux le 20 avril. Et la déclaration de ces 3 officiers ressemble à une véritable provocation et une déclaration de guerre envers les Tananariviens. Ils n'ont pas hésité à affirmer que des contestataires avaient des grenades et des armes de guerre. Témoignages, photos et vidéos démontrent pour l'instant le contraire.

 

Les différents membres du gouvernement de la HAT se sont succédés à la tribune le vendredi 24 avril pour dénoncer les méfaits économiques de Ravalomanana. Les dossiers étaient bien préparés mais l'impact de cette prestation sur l'opinion publique fut très limité, voire quasi-nul. Les esprits étaient accaparés par les morts et les blessés.

 

La HAT parle de désinformation pour expliquer le désaveu et le rejet dont elle fait maintenant l'objet. La fermeture des médias de l'opposition, l'interdiction de manifester, les répressions sanglantes des rassemblements «légalistes» ne sont pas des élucubrations de journalistes. La propagande pro-HAT passe en boucle sur TVM (télévision nationale) pour justifier le coup d'état.

 

Le nouveau régime a réussi en quelques semaines à faire regretter un Président honni pour ses dérives. Mais on est passé d'abus économiques et de délires mégalomaniaques à des assassinats au quotidien. Ces pauvres gens n'avaient commis d'autre pêché que d'être présents dans la rue ou d'exercer leur liberté d'opinion. Andry Rajoelina devra assumer les attaques du Capsat envers les citoyens dont il était, il y a peu encore, le Maire adulé. La déclaration de ces 3 officiers risque de déclencher une réaction épidermique des Tananariviens. Tenir le verbe haut face à une population traumatisée relève de l'inconscience. Toute la capitale a remarqué que les éléments du Capsat qui se comportent comme des bourreaux sont des Côtiers du Sud. Les Tananariviens ont le sentiment d'être agressés chez eux par des «étrangers» qui ne témoignent d'aucune compréhension. La haine envers le Capsat et leurs donneurs d'ordres est en train de prendre des proportions qui pourraient être fatales à la HAT.

 

Dans la nuit du samedi au dimanche 26, un blindé immatriculé BRM 222 a été détruit par un cocktail molotov au camp de gendarmerie de Fort Duschesne. D'après les explications officielles, les explosions entendues seraient dues aux munitions que contenaient le véhicule.

 

La malédiction continue pour les Malagasy. La liberté et la joie se dérobent depuis 1972. Ils continuent de lutter mais le temps passe inexorablement et seul le cauchemar est pour l'instant au rendez-vous. Le soleil sera peut-être pour la future génération...

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

 

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25 avril 2009 6 25 /04 /avril /2009 13:11

 

 

Le 23 avril, Antananarivo s'est de nouveau embrasée et n'en finit plus de défier la HAT (Haute Autorité de Transition). Le résultat : une trentaine de blessés par balles, dont des enfants, parmi les contestataires, un garde de corps d'un responsable de la HAT dans le coma, la violence est désormais à chaque fois au rendez-vous. Les manifestations «légalistes» sont maintenant quotidiennes. A l'interdiction du pouvoir répond la détermination des opposants. Pendant ce temps à Paris, Mialy Rajoelina, la femme du président de la HAT recevait un accueil «enfariné» de la part de membres de la diaspora à l'aéroport.

 

Il existe un autre pôle de résistance dont on parle moins mais qui donne des migraines au nouveau pouvoir. Antsirabe, à 170 kilomètres de la capitale connaît aussi des rassemblements «légalistes» importants et quotidiens. La HAT n'a réussi à imposer aucune des personnes qu'elle a nommée dans cette région : directeurs régionaux de l'éducation, de la santé ou chefs de circonscriptions scolaires, tout le monde a été «dégagé» de manière pacifique par la foule.

 

Solo Rabemizana, président du Conseil régional affirme que tout s'est toujours déroulé dans le calme dans la ville car un accord avait été passé avec les forces de l'ordre. Tant qu'il n'y avait pas de débordements, elles n'intervenaient pas et observaient une stricte neutralité. Raison pour laquelle le vendredi 24 avril, un vent de panique avait soufflé, car le bruit avait couru que la HAT allait envoyer des militaires plus «militants» pour mater les opposants. Les responsables du mouvement estiment que ce serait une «erreur» de leur part. D'après eux, Antsirabe serait à 80% «légaliste». Les usines Tiko faisaient vivre des milliers de familles.

 

Les employés de l'unité d'Andranomanelatra, située à l'entrée de la ville, racontent comment le Capsat a fait une descente pour voler les stocks de fromage. Maintenant, les chaînes de production sont à l'arrêt et la totalité du personnel au chômage. Les camions de livraison ont été brûlés à Tanjombato, dans la banlieue d'Antananarivo.

 

La mairesse d'Antsirabe était à la manifestation d'Antananarivo le 23 avril. Son mari a été arrêté.

La HAT a décidé de recourir à la force pour tenter de réduire les rassemblements de plus en plus importants. Le 24 avril, la marche des femmes «légalistes» à Antananarivo a été sévèrement réprimée. Le pouvoir reconnaît qu'une femme a été tuée par une «balle perdue» et des dizaines de personnes blessées. L'ordre des médecins rappellent à ses membres l'obligation du respect de la déontologie, en particulier en ce qui concerne les blessés. Des pressions ont été exercées sur le personnel soignant afin qu'il ne prenne pas en charge aux urgences les victimes des forces de l'ordre.

 

«Reporters sans frontières» a condamné les entorses à la liberté d'expression, des fermetures de médias aux menaces sur les professionnels. Les journalistes de TVM (Télévision nationale) font ce qu'ils peuvent. Le ton des informations en français est plus neutre que celui en malgache, sans doute pour une question d'image vis-à-vis des étrangers. La HAT s'appuie de plus en plus sur la partie de l'armée qui lui est fidèle au fur et à mesure que sa popularité s'effrite. La population remarque que les éléments du Capsat qui participent aux répressions violentes dans la Capitale sont pour la plupart originaires du Sud. A tous les malheurs risquent bientôt de s'ajouter des tensions ethniques.

 

Pour l'instant, la HAT fait semblant de rien et tente de gouverner. Comme Ravalomanana avant son départ...

 

 

Photo 1 : Rassemblement «légaliste» le 24 avril à Antsirabe

Photo 2 : L'unité de production Tiko d'Antsirabe le 23 avril : une usine fantôme

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

 

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21 avril 2009 2 21 /04 /avril /2009 01:48


Il n’aura pas fallu longtemps pour que le risque de violence généralisée que je mentionnais dans mon article de dimanche devienne réalité. Ce lundi 20 avril à Antananarivo, les militaires du Capsat sous les ordres de la HAT (Haute Autorité de transition) ont réprimé dans le sang les manifestations «légalistes» pacifiques. Au moins 2 morts et 13 blessés par balles dont 5 dans un état critique. Une vieille amie, une de mes co-équipières en 2002 pour la défense de Marc Ravalomanana, m’a téléphoné pour me préciser qu’une des victimes était un enfant de 14 ans. C’était quelqu’un de sa famille. Elle ajoutera que les militaires ont tenté d’entrer dans l’hôpital (HJRA), sans doute pour tenter d’enlever les corps. «C’est la même tactique que Ratsiraka !» me dira-t-elle.

 

La veille, des militaires ont ôté les émetteurs de Radio et TV Mada, médias proches des «légalistes» à Faravohitra exactement comme d’autres militaires avaient démonté ceux de Radio Viva le 26 janvier. Cela avait déclenché le Black Monday. (voir l’article : «c’est la guerre : 2 morts lors de l’assaut de MBS»)  Cette fois-ci, les manifestants ont voulu déposer une requête demandant la restitution du matériel de Radio Mada au tribunal d’Anosy. Ils ont trouvé portes closes mais le comité d’accueil était bien là, et devant le Sénat situé à proximité. Jets de grenades lacrymogènes et tirs à balles réelles rappelaient le «bon vieux temps». Le bilan des affrontements est très lourd. Des grenades ont atterri dans l’enceinte d’une école proche. 

 

Des contestataires s’en sont pris aux panneaux publicitaires. On sait que le Maire, devenu «président de la HAT» possède une entreprise spécialisée dans ce domaine. Des véhicules ont été incendiés, ainsi qu’un restaurant, le «Roots» et le bâtiment du Cercle Franco-Malgache. Les heurts ont duré jusqu’en fin d’après-midi.

 

Le même jour, le ministre de l’éducation de la HAT, Julien Razafimanazato, a voulu déloger le responsable du Foyer malgache Arago à Paris. Accompagnés par des huissiers, il est tombé sur des militants « légalistes » du GTT (Gasy Tia Tanindrazana, «Les Malgaches qui aiment leur terre natale»). Les autorités françaises sur place ont fait comprendre au responsable HAT que seul Ravalomanana est reconnu comme Président, et que par conséquent, sa doléance ne pouvait être considérée.

 

Quelle différence y a-t-il entre la «dictature» de Ravalomanana et la gouvernance d’Andry Rajoelina ? Antananarivo est en colère. Souvenez-vous de Mai 1972, quand les FRS (Forces républicaines de sécurité) ont tiré sur les étudiants. Ses membres ont été pourchassés ensuite dans toute la capitale. Le Capsat devrait de temps en temps se plonger dans les livres d’histoire… et de droit.

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

 

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19 avril 2009 7 19 /04 /avril /2009 11:22


La situation chaotique de Madagascar ressemble décidément  à un film à rebondissements. Manandafy Rakotonirina, Premier ministre « légal » choisi par Marc Ravalomanana, a fait son apparition sur la Place de la démocratie le 16 avril sous les vivas. Son décret de nomination a été signé le 10 avril à Tripoli, en Libye. Protégé par une partie des militaires, il a souhaité prendre ses quartiers au Palais d’Andafiavaratra, demeure historique des Premiers ministres de Madagascar d’avant la colonisation, en contrebas du Palais de la Reine, encore en reconstruction depuis l’incendie criminel de 1996.

 

Au-delà de la raréfaction des résidences gouvernementales à Antananarivo, du fait de l’inflation de têtes couronnées plus ou moins autoproclamées, ce choix n’est peut-être pas simplement d’ordre pratique. Petit à petit, le combat entre Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina se double d’une autre dimension : celle des patriotes nationalistes contre la France. Car le jeu ambigu de l’ancienne puissance coloniale depuis le début de cette crise suscite les plus vives suspicions sur ses intentions (voir article : «ce n’est pas encore le mot de la fin»). Il se murmure de plus en plus qu’elle n’est pas totalement étrangère à la déstabilisation de la Grande Ile, ou pour le moins, qu’elle n’a rien fait pour que cela s’arrange. Tout en reconnaissant Ravalomanana comme «président en titre», elle apprécierait de le voir loin des côtes malgaches.

 

Ce samedi 18 avril, le Premier ministre «légal» avait programmé de rencontrer des diplomates au Carlton. Tout s’est passé sans encombre avec l’ambassadeur français Jean-Marc Chataîgnier, - qui n’a pas encore eu l’occasion de présenter ses lettres de créance -, dans la matinée.  Il en fut autrement avec l’ambassadeur américain Niels Marquardt. Prévu vers 16 heures, une intervention musclée de militaires qui ont procédé à l'évacuation d'une partie des clients du Carlton, a fait reporter le rendez-vous pour le lundi 20 avril. Dans la journée pourtant, la foule de «légalistes» avait envahi tout Antananarivo, aussi bien la Place de la démocratie que les abords de cet hôtel car les rumeurs sur une arrestation du représentant du Président «en titre» avait courue. L’attention s’était relâchée dans l’après-midi.

 

La HAT (Haute Autorité de Transition), en panne d’inspiration depuis des semaines pour compléter son gouvernement, a dû mettre les bouchées doubles. Finalement, après moults hésitations et sous la pression des événements, elle avait pourvu les postes vacants le 17 avril au soir. Deux nominations retiennent l’attention. Tout d’abord, celui du ministère de la Défense, qui échoit au Colonel Noel Rakotonandrasana. C’est lui qui a entraîné à la désobéissance la garnison du Capsat (voir article : « Attention aux erreurs d’appréciations fatales »), mettant fin aux répressions contre les partisans d’Andry Rajoelina. Ensuite, il s’est fait relativement discret et c’est le colonel André Ndriarijoana, chef d’état-major autoproclamé, qui a pris les choses en mains, en particulier les brutalités et les menaces des forces de l’ordre contre les «légalistes». Ce sera donc un colonel qui commandera des généraux y compris au sein du gouvernement puisque le Général Claude Ravelomanana, chargé de la gestion de la Gendarmerie n’est que Secrétaire d’Etat. C’est  donc la victoire des ultras.

 

Le deuxième nom remarquable est celui de Nadine Ramaroson. Une analyse superficielle pourrait conclure à une logique respectée. Elle était la seule à être aux côtés d’Andry Rajoelina au début de la lutte pour le respect des libertés  (voir un des premiers articles : «Arrestations : passage à l’acte»). Mais ce qui est évident ailleurs ne l’est toujours dans la Grande Ile, on l’a bien vu depuis le début de cette crise. Présente dans les moments les plus durs, elle avait brutalement disparu de la tribune après l’auto-proclamation du 31 janvier (voir l’article : «De la lutte des femmes au F.A.M.»). Sa popularité demeure très importante dans les quartiers pauvres où elle mène depuis des années des actions en faveur des défavorisés bien avant les tensions politiques actuelles. Son ministère, celui de la «Population et des affaires sociales» s’inscrit parfaitement dans cette démarche. Au téléphone, elle dira qu’elle est là pour essayer de soulager la souffrance du peuple.

 

La nouvelle ministre n’a pas que des amis au sein de la HAT. Elle avait traité les vieux politiciens véreux qui ont conduit Andry Rajoelina dans sa situation inextricable actuelle d’ «affamés». Elle est sans doute la seule à avoir été proposée par les militants du 13 mai. Une pétition de plusieurs milliers de signatures avait réclamé sa nomination (voir article : «Démocrates, faites un miracle»). Elle n’avait pas donné suite à l’époque. Mais les péripéties de ces derniers jours ont poussé la HAT à l’appeler. Elle apparaît incontournable  et se retrouve dans le gouvernement à un double titre. D’abord, le «petit peuple», soutien de la HAT, demande sa nomination. Et en tant que Secrétaire générale du Conecs (Conseil économique et social), elle représente l’ouverture sur la société civile.

 

Pendant des semaines, Madagascar n’a disposé que d’un gouvernement atrophié, non reconnu à l’extérieur. Bientôt, ce sera l’abondance car le Premier ministre «légal» va tenter de monter le sien. Ce serait normalement celui qui aura l’aval de la communauté internationale. En attendant, la HAT vient d’interdire Manandafy Rakotonirina de sortie du territoire.

 

Marc Ravalomanana a fait annoncer qu’il différait son retour prévu le 18 avril pour des raisons de sécurité. Les «légalistes» sont de plus en plus nombreux dans la rue et  dépassent maintenant en importance les manifestations pro-Rajoelina d’antan. Le faux-bond de «Dada» (surnom du Président) a fait l’effet d’une douche froide. Et pourtant la démonstration était impressionnante. Si Ravalomanana veut encore jouer un rôle, il faudrait qu’il ait le courage de tenir ses promesses vis-à-vis de ses partisans, quitte à prendre un risque. Car la HAT et les militaires mutins semblent prêts à tout pour l’empêcher de revenir. La tension est encore montée d’un cran. A tout moment, un dérapage dans la violence généralisée peut maintenant se produire.

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

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16 avril 2009 4 16 /04 /avril /2009 13:41


Le cauchemar de la HAT (Haute Autorité de Transition) a pris forme en plein week-end de Pâques : Marc Ravalomanana a annoncé son retour pour le samedi 18 avril, autant dire incessamment sous peu. Cette perspective a reboosté les «légalistes», plus nombreux que jamais le 15 avril sur la Place de la démocratie, à Ambohijatovo. L’arrivée de «Dada» (surnom qui lui a été donné par ses sympathisants) vaut bien une méga-manif. Des observateurs de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) l’ont précédé et sont arrivés à Antananarivo le 15 avril. Cette organisation demande le retour à l’ordre constitutionnel et ne reconnaît pas à Andry Rajoelina la qualité de chef d’Etat.

 

Du côté de la HAT évidemment, l’ambiance est plombée. La gestion du quotidien s’avère pénible avec les caisses vides et les contestations qui se multiplient. Pour tenter de maintenir la flamme auprès des populations des bas-quartiers, le nouveau pouvoir «réquisitionne» tous les biens et stocks de Tiko pour les brader auprès de ses partisans, sans trop s’encombrer de la légalité de sa démarche. Le gouvernement n’est toujours pas au complet, et déjà certains de ses membres font l’objet de critiques acerbes de la part même de ceux qui sont sensés être leurs soutiens. Andry Rajoelina  louvoie à vue et chaque jour apporte de nouveaux motifs de récrimination à une population exsangue.

 

Pierrot Rajaonarivelo, ancien Vice-premier ministre en exil s’apprête à revenir. L’ancien Président Didier Ratsiraka caresse le même projet et fait déjà nettoyer sa propriété d’Ambodiatafana, entre Tamatave et Foulpointe. C’est l’heure des grandes retrouvailles auxquelles Marc Ravalomanana aimerait bien se joindre. Mais la HAT est plus que réticente. Il est vrai qu’elle est déjà «illégale» aux yeux de la communauté internationale. Au cours d’un voyage au Ghana début avril, le Président américain Obama a encore réitéré sa condamnation des coups d’état perpétrés à Madagascar, en Guinée et en Mauritanie. La présence de Marc Ravalomanana sur le sol national risque de susciter un élan populaire qui rendrait aussi la HAT «illégitime». Elle tente par conséquent de dissuader le Président «en titre» de concrétiser son projet par des propos menaçants et une «diabolisation» à outrance.

 

Andry Rajoelina a invoqué, dans son discours pascal, Nelson Mandela qui a su pardonner et dialoguer, pour tenter de rallier à lui ses ennemis de plus en plus déterminés. C’était exactement mon argument pour demander des négociations entre lui et le Président le 13 mars (voir l’article : «un mauvais procès»). Il n’a plus qu’à joindre le geste à la parole et tendre la main à Marc Ravalomanana pour un dialogue direct et loyal. Une solution rapide et durable est à ce prix. Car le danger d’une guerre civile est réel. Plus la situation s’enlise et plus la haine s’installe entre Malgaches.

 

La Grande Ile mettra des années à se remettre de cette crise. Si Andry Rajoelina ne démontre pas des capacités à passer outre son adolescence attardée, qui veut tout et tout de suite, et ses blessures personnelles vis-à-vis de «Dada», sa place devant le Tribunal de l’Histoire ne sera pas enviable. L’intérêt de la nation doit primer sur tout, y compris sur les sentiments d’injustice. C’était exactement la démarche de Mandela et c’est la marque d’un grand homme d’Etat.

 


*Ra8 : diminutif de Ravalomanana, utilisé sur tous les forums. Le préfixe Ra est suivi de "valo" ou "huit" en français

 


Alain Rajaonarivony

 

 

 

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11 avril 2009 6 11 /04 /avril /2009 00:00


Rien de beau ne peut se construire sur des bases malsaines. C’est un postulat qui s’applique aussi bien aux nations qu’aux individus. Que les conséquences d’une vilénie ne se voient pas tout de suite n’enlève rien à la véracité de ce qui semble une des grandes lois de la vie.

 

Comment une démocratie peut-elle naître de forfaitures et de trahisons ? «Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ?»* prévient l’Evangile depuis 2.000 ans. Rien n’y fait ! Les Malgaches prompts  à invoquer Dieu  pour tout, y compris pour consacrer un « coup d’état », ont apparemment oublié ce genre de versets.

 

Des démocrates authentiques ont combattu la dérive autoritariste de Marc Ravalomanana. Ils ont naturellement soutenu le jeune Maire d’Antananarivo, en butte à toutes les tracasseries du pouvoir central. Mais ce dernier a dérapé à son tour très vite, dès son auto-proclamation à la tête de l’Etat le 31 janvier. Il aurait fallu alors prendre des distances afin de rester cohérents avec les idéaux de libertés et de respect de la Constitution. Obnubilés par la volonté d’éliminer le Président, beaucoup n’ont pas su prendre cette décision à temps et ont perdu l’occasion d’incarner une voie de sagesse à laquelle nombre de citoyen(ne)s auraient pu se rallier et s’identifier.

 

Les militaires mutins du Capsat avaient eux aussi commencé comme des héros en refusant de participer aux répressions ordonnées par le chef de l’Etat. Mais comme le Maire, ils n’ont pas su résister à la tentation d’outrepasser les limites. De la neutralité qu’ils ont prônée  au départ, ils sont passés à un rôle actif en décidant d’aider Andry Rajoelina à leur façon. Entre le «coup d’état» du 17 mars, les répressions des manifestations pacifiques et les brigandages divers et variés mais en particulier à l’égard du groupe Tiko, ils ont totalement perdu leur image de « défenseurs du peuple ».

 

Rappelons que la contestation a vraiment débuté fin novembre 2008, ce qui coïncide avec la publication par le Conecs (Conseil économique et social) de son rapport très critique envers le mode de gouvernance. Le but était alors d’obliger le pouvoir à respecter les droits reconnus par la Constitution : liberté d’expression, d’entreprendre, arrêt de ventes de terres non transparentes à des sociétés étrangères, etc… La kleptomanie économique du Président était farouchement dénoncée et le rapprochement avec le Maire de la Capitale parfaitement logique. Mais en aucun cas, il n’était prévu que ce jeune édile devienne Calife à la place du Calife.

 

On peut dire que ce dernier a roulé ses alliés de la première heure, encouragé en cela par des «amis» qui l’ont financé et qui sont bien sûr originaires de l’ancienne puissance coloniale. Mais il aurait eu du mal quand même à prendre le pouvoir sans la fourberie de vieux politiciens rassis. Car tout le malheur vient de là. Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, au bout du rouleau tous les deux, auraient fini par s’asseoir à une table et discuter sans la série de trahisons et les violences du Capsat du 17 mars. Aucune aide n’aurait été suspendue et la vie des simples citoyens aurait pu reprendre petit à petit normalement, tandis que les dirigeants auraient trouvé une formule de cohabitation originale, et vraiment pour le coup, une solution « à la malgache ».

 

De ce cloaque nauséabond, où félonie rime avec traîtrise et retournements de veste, que peut-on retenir de positif pour l’avenir ? L’attitude des femmes, exemplaire pendant ce conflit.

 

On se souvient de la sortie fracassante de Madame la ministre de la Défense, Cécile Manorohanta, juste après la tuerie du 7 février (voir article : « Merci, Mesdames! »).  Elle fut la seule membre du gouvernement à oser, par sa démission, lancer au visage de Marc Ravalomanana qu’on ne tue pas ses concitoyens pour se maintenir au pouvoir. Et le 9 avril, les femmes «légalistes» ont défilé en blanc dans les artères d’Antananarivo. Après avoir remis une lettre aux bureaux des Nations Unies à Andraharo, elles ont rejoint la Place de la Démocratie à Ambohijatovo. Elles ont montré publiquement à Andry Rajoelina que la lutte contre l’autoritarisme ne justifie pas la prise du pouvoir par la violence en foulant aux pieds la Constitution.

 

La HAT (Haute Autorité de Transition), qui ne s’attendait pas à une telle résistance de la population, est désemparée simplement 2 semaines après avoir pris les commandes du pays. Sujette à des luttes intestines, incapable de contrôler les soldats mutins, elle a finalement accepté d’entamer le dialogue avec les représentants de Marc Ravalomanana, sous la pression de la communauté internationale et de la rue.

 

Les prises de contacts, sous l’égide des Nations Unies et de l’Union Africaine, se sont effectuées le 9 et 10 avril à l’Ambassade du Sénégal. Le deputé Raharinaivo Andrianatoandro, porte-parole du TIM (parti présidentiel), avait d’abord considéré dans un premier temps qu’il s’agissait d’un «succès». Mais le vendredi, il quittait la négociation en affirmant que c’était «un dialogue de sourds». Les «légalistes» posent toujours le retour de Marc Ravalomanana au pays comme préalable à tout accord. La HAT a poursuivi par contre ce samedi la réunion avec les émissaires des anciens chefs d’Etat Albert Zafy et Didier Ratsiraka. Une fois de plus, Andry Rajoelina évite un débat de fond avec le Président «en titre» (selon le mot d’Alain Joyandet) pour arriver à une vraie sortie de crise.

 

Ces discussions auraient dû avoir lieu depuis très longtemps mais l’aveuglement et les calculs de bas étage les ont empêchées (voir article : «Attention aux erreurs d’appréciations fatales»). On est curieux de voir comment les deux principaux responsables de cette crise, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana vont se débrouiller. Le passé récent a démontré leur totale incapacité à saisir les opportunités de paix. Ils semblent n'avoir poursuivi qu’un seul but : la destruction de l’autre. Cette fois-ci, c’est le Maire, devenu président de la HAT qui a tout à perdre. Face au désastre économique et social, la colère gronde sourdement et explosera fatalement, sans doute beaucoup plus vite que ne le pensent les dirigeants actuels. Le peuple, dont tout le monde se réclame, renvoie dos-à-dos les deux hommes. Il ne tolérerait plus des comportements indignes ou infantiles.

 

Alors, politiciens, tous pourris ? Peut-être pas quand même et en tout cas pas au féminin.

 

 

* Matthieu 7 : 16

Photo : les femmes légalistes dans les rues d'Antananarivo le 9 Avril (Photo Sobika.com. Merci, Niry!)

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

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