La campagne militaire menée dans le bush du grand Sud contre les Dahalo au mois de juin et juillet 2012 avait été un désastre. Outre l’avantage du terrain, ces derniers étaient aussi bien équipés que les forces de l’ordre, et le manque d’hélicos s’était fait cruellement ressentir. Les militaires se sont surtout fait remarquer, non pour leurs prouesses au combat mais pour leurs exactions, en brûlant les villages susceptibles de servir de base de soutien aux Dahalo.
Concernant les 4 hélicoptères achetés par la Transition, la réponse d’un officier supérieur, - «…Les pilotes malgaches refusent de conduire ces engins» -, a le mérite d’être claire. Lors des festivités du 26 juin 2012, ce sont des pilotes belges qui ont fait les petites démonstrations à Mahamasina. Exit donc les vieux coucous, pardon, les Alouettes II, dont l’achat par appel d’offres pipoté avait été dénoncé en son temps par l’ancien Premier-ministre Roindefo Monja. Le pouvoir avait présenté ces acquisitions comme des instruments que l’armée pourrait utiliser contre les Dahalo. En fait, ces hélicoptères devaient être utilisés pour la future campagne présidentielle d’Andry Rajoelina, une application pour laquelle ils sont bien mieux adaptés. Fin août, Omer Beriziky a fait part de la situation chaotique et de l’insécurité prévalant dans le Sud à Mikhaïl Marguelov, l’envoyé de Vladimir Poutine. La Russie s’est proposée de fournir des hélicos dignes de ce nom. Il est vrai que les Mi8 seraient très utiles et très efficaces actuellement, si l’ancien régime ne s’était pas chargé de les transformer en casseroles (voir article : «L’armée ? De l’air…»).
Le «repli stratégique» décidé par les généraux bien engraissés d’Antananarivo contraint les paysans à pratiquer l’auto-défense. Ces derniers se battent désormais à coup de sagaies, de lance-pierres et de fusils de chasse contre des Dahalo armés de kalachnikovs, depuis que l’armée a battu en retraite après avoir perdu plusieurs des leurs sur le terrain.
Les affrontements de la nuit du vendredi 31 août et des jours qui ont suivi entre paysans et Dahalo ont fait près de 120 morts. La presque totalité des victimes «civiles» était des assaillants. Dans la foulée, les Dahalo auraient lancé une opération de représailles à Betroka et massacré une cinquantaine de personnes à coups de machettes.
Quant à l’armée, elle continue de payer un lourd tribut. Le dimanche 2 septembre, 800 zébus avaient été volés près de Jangany, puis 400 à Isoanala, dans la région de Betroka. Les forces de l’ordre ont réagi et il s’en est suivi un accrochage très violent avec les Dahalo dans la nuit du lundi 3 septembre. 6 militaires perdront la vie dont le commandant de la gendarmerie de Ihosy. Submergés par le nombre (entre 150 et 200 Dahalo d’après les rapports), après avoir tué une vingtaine de leurs adversaires, les 51 militaires survivants se sont enfuis vers Betroka. Les 7 disparus qu’on comptait parmi eux ont finalement été retrouvés. Et les Dahalo, après ces combats, ont volé 500 zébus à Mahabo vendredi.
Toujours ce même lundi, les Dahalo ont bloqué le poste de Gendarmerie d’Ikalamavony en clouant les portes et ont pu vaquer à leurs «occupations» (voler les zébus). Et dans la même nuit, à Belo-sur Tsiribihana, le capitaine commandant la 510ème compagnie de Belo-sur-Tsiribina, le commandant de la brigade de gendarmerie et un gendarme stagiaire ont aussi été tué dans une embuscade.
Les généraux de salon d’Antananarivo, très à l’aise devant le micro, mais dont les seuls faits d’armes sont pour l’instant la chasse aux manifestants pacifiques et aux vieilles femmes légalistes, sont très loin de leurs hommes sur le terrain. Les Dahalo attaqueraient les militaires en criant, en imitant des cris de chiens («manao feon'amboa ») et en utilisant des sifflets. Malgré les rafales des fusils-mitrailleurs et des kalachnikovs, ils monteraient à l’assaut des positions très vite, non pas debout, mais en rampant. Et contrairement aux soldats, ils ne semblent pas devoir rationner leurs munitions. La cruauté est de mise dans cette guerre sans prisonniers. Il vaut mieux pour les militaires ne pas être capturés par leurs ennemis. Les Dahalo, avant de les tuer, leur enlèveraient les yeux et les canines pour leurs «ody» (gris-gris). Qui a dit déjà : «Les Malgaches ne sont pas des Africains. Nous, on ne se coupe pas la tête avec des coupe-coupe» ? (voir article : «Madagascar n’est pas l’Afrique… !»)
Les têtes de zébus volés se chiffrent en dizaines de milliers et les victimes de tout bord en centaines. Ce n’est pas près de s’arrêter. Car le véritable enjeu de cette véritable guerre civile qu’on est en train de susciter n’est sûrement pas le bétail.
PAMA, Pan Africa Mining Atomics, possède une concession d’uranium situé à Maromby, disposant d’un aéroport privé. On constate que les bourgs les plus proches de cette concession sont Esira (fief du fantomatique Remenabila, chef des Dahalo) et Mahaly.
Dans ce coin, on trouve aussi du cristal et du mercure. Toujours dans la région Sud, du coté de Sakaraha, d’Ankazoabo et ailleurs dans la province de Tuléar, on a découvert les fameuses terres rares, des minerais stratégiques que toutes les puissances se disputent. Cette liste n’est pas exhaustive.
Les Dahalo disposent d'une stratégie très élaborée et d’un armement lourd. Il semble qu’ils n’aient aucun mal à recruter, ce qui suppose un financement conséquent.
La tradition ancestrale du vol de zébus a bon dos. Si Madagascar veut survivre, un état de droit doit reprendre en mains le contrôle du pays. Cela implique la fin dans les plus brefs délais de cette Transition à rallonge qui a permis le pillage et l’anarchie sur toute l’étendue du territoire.
Alain Rajaonarivony
Carte :
- En A, le site de Maromby et le projet PAMA, branche Uranium de Pan Africa Mining, avec une logistique complète, notamment une infrastructure aéroportuaire.
- B : Mahaly, où a eu lieu des affrontements
- C : Esira, le fief de Remenabila et épicentre de cette «guerre du Sud»
Photo : Des cadavres de présumés Dahalo alignés dans la cour d’une école devant la population dont les enfants. Une catastrophe morale… ! Photo récupérée sur TanaNews (qu'on remercie), mais elle a d'abord été diffusée sur Facebook avec d'autres photos encore plus violentes. On ne peut plus se cacher les yeux. Les valeurs humanistes malagasy appartiennent bien au passé...