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19 janvier 2010 2 19 /01 /janvier /2010 21:37



Bill Clinton, juché sur un chariot élévateur, aide à sortir les cartons de la soute d’un avion sur l’aéroport de Port-au-Prince, ce 18 janvier. Cette scène, médiatiquement très réussie, symbolise l’engagement des Etats-Unis auprès du peuple haïtien. Les USA n’ont pas lésiné sur les moyens et ont de fait pris le leadership, en faisant grincer des dents quelques pays sud-américains qui se méfient de l’impérialisme de l’oncle Sam, et surtout la France. Le même jour, sur l’antenne d’Europe1,  Alain Joyandet, secrétaire d’état à la coopération s’épanche, amer : «...il s'agit d'aider Haïti, il ne s'agit pas d'occuper Haïti». Ses propos ont choqué les humanitaires. Sur place, on voit bien que la logistique de l’armée américaine permet à toutes les ONG d’être efficaces. L’heure n’est pas à la polémique.  

 

Les Français sont vexés. L’île est francophone, et pour cause, c’est une ancienne colonie qui a arraché son indépendance en 1804, et dû payer un impôt exorbitant de 90 millions de francs, l’équivalent de 21 milliards de dollars actuels, pour garder sa liberté. Face aux 12.500 hommes déployés par les Etats-Unis, les escadres d’hélicoptères et d’avions-cargos, les quelques 707 Français, y compris le personnel médical et les sapeurs-pompiers, ne pèsent pas très lourd, même s’ils accomplissent un travail remarquable.

 

palais-marines1.JPGLe gouvernement haïtien, ou ce qu’il en reste car plusieurs hauts responsables ont été victimes du séisme, a décrété l’état d’urgence pour un mois. 70.000 corps ont déjà dû être enterrés dans des fosses communes. L’aide a du mal à arriver aux sinistrés à cause de l’état des routes et des infrastructures. Radio-Caraïbes assure ses émissions depuis la rue pour maintenir le fil de la vie et diffuse des annonces de recherche. Ses locaux ont été fissurés et risquent de s’écrouler. Un père français, depuis 40 ans dans le pays, explique qu’à cause des cyclones fréquents, on a souvent construit en dur. Mais les dalles de béton  sont totalement inadéquates pour un tremblement de terre et sont tombées en s’empilant.

 

Sur place, le chaos cède petit à petit la place à un semblant d’organisation, sous l’impulsion des Américains, à l’extérieur, l’aide se coordonne très vite et Internet monte encore en puissance. Comme le note Owni.fr, par exemple, «le site collaboratif Ushahidi, d’origine africaine, propose une page spéciale agrégeant de multiples fonctions (infos, aides, incidents, dons, cartes géographiques, zone de soins, flux de population…) alimenté par le web et les téléphones mobiles en plusieurs langues. Il travaille avec l’Onu et de nombreuses autres organisations humanitaires et technologiques». Sur Facebook, les personnes qui suivent le désastre se comptent en centaines de milliers. Les dons dépassent ceux du tsunami de 2004 en Asie, qui a vu pourtant un élan de générosité exceptionnel. A ce jour, un milliard de dollars sont promis sur la planète, dont 190 millions pour les seuls Etats-Unis. Il aura fallu ce drame effroyable pour que Haïti soit réhabilité aux yeux du monde et qu’on se souvienne que c’est le premier pays où l’esclavage a été aboli et les Droits de l’homme proclamés effectivement.

 

10-01-17-earthquake-PAP-48-photo-Sophia-Paris.jpgLe secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, est arrivé à la mi-journée le 17 janvier à Port-au-Prince. Devant ce qu’il considère comme la «plus grave crise humanitaire depuis des décennies», il réconfortera le Président Préval et les sinistrés. «Je suis venu ici pour vous donner de l'espoir. Le monde entier vous soutient. Ne désespérez pas! Ne désespérez pas! Ayez du courage!» déclarera-t-il. Et de fait, même les habitants des territoires palestiniens de Gaza, malheureux parmi les malheureux, ont fait des collectes pour Haïti. Abdoulaye Wade, président du Sénégal, a proposé le 18 janvier d’accueillir les Haïtiens en terre d’Afrique. Si cela lui a valu les quolibets des analystes occidentaux, l’idée en soit n’est pas saugrenue. Mais les conditions socio-économiques du continent sont telles que pratiquement, c’est impossible. 3500 casques bleus supplémentaires ont été demandés par le secrétaire général, ce qui portera leur nombre à 12.000. Ils sont chargés de la sécurité.

 

Le monde entier est avec Haïti, enfin, presque… ! Le gouvernement (de fait) de Madagascar n’a même pas envoyé un message de soutien et de solidarité au président Préval, le «former président» en exil non plus ! Et pourtant, on trouverait bien des similitudes entre les deux îles, outre leurs infortunées populations. Contrairement, par exemple, aux déclarations de l’ambassadeur français Jean-Marc Châtaigner, Madagascar est bien l’enjeu d’un conflit géostratégique entre les Etats-Unis et la France, tout comme Haïti. Les deux îles sont des bastions de la Francophonie perdues dans un monde anglophone et sont nécessaires à l’expression de la culture française dans leurs régions respectives. Les réactions épidermiques d’Alain Joyandet devant ce qu’il considère comme la mainmise américaine valent toutes les analyses. Dans les mois qui viennent, on verra si les Français sont capables de résister à la poussée américaine. «Nous avons (les Français) des rapports très particuliers avec Haïti qu’il faut absolument maintenir» a martelé Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, le 19 janvier lors d’une cérémonie de présentation de vœux. Et Madagascar ? Le Département d’Etat a réagi le 15 janvier. «Nous savons que d'autres pays évaluent actuellement leurs relations avec Madagascar, au niveau de l'aide qu'ils lui accordent. Nous trouvons que l'assistance militaire est une question particulièrement problématique et nous nous demandons pourquoi quiconque voudrait continuer à fournir une telle assistance à un régime non constitutionnel.» Mais de qui les Etats-Unis parlent-ils?

 

Liens :

The New-York Times : les photos satellite avant et après le séisme

CNN : Témoignages de bloggers

Photos : Marines devant le Palais présidentiel en ruines, Ban Ki-moon avec des sauveteurs

 


Alain Rajaonarivony



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