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22 février 2009 7 22 /02 /février /2009 10:15


L’enchaînement des évènements est tellement rapide que certains quotidiens se retrouvent en décalage. Le 20 février, le temps de titrer que le mouvement de contestation avait pris 4 ministères la veille, l’information était déjà périmée. Cette nuit là, vers 2h30 du matin, les forces de sécurité reprenaient le contrôle des bâtiments après un assaut contre les groupes de vigilance citoyenne (Adriamasom-pokonolona) composés de réservistes. Il y eut 50 arrestations mais la Gendarmerie dément des morts. Des rafales avaient été entendues par tout le voisinage mais personne n’avait osé sortir. Des témoignages de plus en plus nombreux tendent à infirmer la version officielle. Les responsables du mouvement parlent, eux, de 9 morts.

 

Le télescopage ne concerne pas simplement les journaux mais aussi les fonctionnaires qui ne savent plus quelle démarche adopter. Ceux qui se sont présentés courageusement dans le quartier des ministères pour rejoindre leurs bureaux ont été arrêtés par des barrages comprenant des blindés. Et pourtant, l’Etat avait appelé à la reprise.

 

A Tamatave aussi, ça a bougé ce jeudi. Le CRN (Comité de Réconciliation Nationale) du Professeur Albert Zafy, ancien Président de la République, voulait tenir un meeting sur la Place de la Démocratie devant la gare des Manguiers, en centre-ville. Les forces de l’ordre ont dispersé les participants à coups de grenades lacrymogènes. L’ex-député Tabera Andriamanantsoa et  Bruno Betiana, ancien sénateur ont été arrêté. Herilala, un journaliste de Viva qui couvrait l’évènement a pris un coup de poing en pleine figure et s’est vu confisqué sa caméra avant d’être emmené au poste de gendarmerie. Il a ensuite été relâché, ce qui ne fut pas le cas des deux personnalités.

 

La tension est encore montée d’un cran dans la soirée du vendredi quand on a appris l’arrestation de l’ancien ministre de la Fonction Publique Jean Théodore Ranjivason à Antananarivo. Il avait rejoint les rangs de la contestation.

 

Face à l’aggravation de la situation, Andry Rajoelina a placé la barre encore plus haut. Il a demandé à ses partisans de prendre de quoi se sustenter car « la marche sera longue » le samedi 21. Il n’avait pas précisé la direction à prendre mais tout le monde avait compris : il s’agissait du Palais d’Etat de Iavoloha, qui fut déjà le théâtre d’une effroyable boucherie, quand le Président Ratsiraka avait fait tirer sur la foule en 1991.

 

D’autre part, le Maire a aussi interpellé les 5 officiers généraux qui ont rencontré Ravalomanana le 16 Février et déclaré ensuite le lendemain, face à la presse, qu’en cas d’échecs des négociations, «les Forces armées, comme dernier rempart de la défense de la légalité républicaine et de l’unité nationale, prendraient leurs responsabilités». Andry Rajoelina leur répondra qu’il ne tolère plus que les armes soient tournées contre le peuple et qu’il se mettrait en première ligne, comme « chef de guerre prêt au sacrifice ». Entretemps, les réservistes avaient eux aussi annoncé qu’ils étaient décidés à prendre les armes pour défendre les manifestants et leurs idéaux.

 

Dans la soirée du vendredi 20 février, on était donc clairement dans la configuration d’une guerre civile.

 

Chaque partie, y compris les militaires, étant allés jusqu’au bout de sa logique, il ne restait plus comme option que de s’entretuer. C’est cette conclusion inéluctable et irréversible qui a permis la rencontre express du samedi 21 février entre les 2 principaux instigateurs de cette crise, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana. Elle s’est déroulée sous l’égide du FFKM (Conseil œcuménique  des Eglises)  au siège de l’épiscopat (Eglise catholique romaine) à Antanimena. Madagascar était au bord du gouffre et du bain de sang. Cette perspective, aucun des deux protagonistes ne voulaient l’assumer, ce qui a remis en selle les négociateurs.

 

Les deux rivaux ont eu peur des conséquences ultimes de leurs actes, permettant de justesse d’éviter une tragédie à la Grande Ile. Leurs partisans respectifs continuent de s’attribuer une victoire qui n’existe pas. Pour une fois, la gagnante, c’est la population à laquelle on a pu épargner de nouvelles souffrances. Elle va pouvoir jouir de quelques jours de vie normale.

 

La rencontre a duré un peu moins d’une heure et un rendez-vous a été pris pour lundi afin de démarrer véritablement les négociations après cette prise de contact. D’ici là, il y aura une trêve des rassemblements sur la place du 13 mai, une suspension des arrestations « à caractère politique » et la libération de ceux qui ont été arrêtés à Antananarivo et Tamatave. Chacun s’engage aussi à un répit dans la guerre médiatique, très à l’avantage de Andry Rajoelina, et à assurer la sécurité des citoyens en permettant la fin des pillages.

 

On retiendra les mandats d’arrêt à répétition contre le Maire et ses alliés jamais exécutés, son remplacement par un PDS (Président de délégation spéciale), provocation inutile du pouvoir, et les 50 morts devant le Palais d’Ambotsirohitra, abattus sans sommation. De son côté, Andry Rajoelina s’était autoproclamé chef d’une «haute autorité de transition», nommé des « ministres » sur la Place du 13 mai et avait déclaré qu’il ne négocierait jamais «avec un assassin». L’évolution de la situation l’y contraint.

 

Finalement, il se retrouve sur la ligne préconisée par ses alliés de la première heure, le FCD (Force pour le Changement Démocratique) et la société civile. Devant la radicalisation de la position de Andry Rajoelina après son auto-proclamation du 31 janvier, ils s’étaient retrouvés de fait marginalisés. Alain Ramaroson a quand même défendu les principes républicains en rétorquant à l’ultimatum des militaires. Un Directoire n’est pas recevable par le peuple qui se bat simplement pour le respect de ses droits fondamentaux. La société civile, loyale à la lutte populaire, déplorait l’attitude des politiciens qui avaient poussé le jeune Maire à un durcissement inutile. Il a perdu ainsi une partie de sa crédibilité et de son capital sympathie énorme dont il disposait auprès de la population.

 

Les futures négociations seront sûrement entravées par ces mêmes politiciens qui essayeront de tirer les marrons du feu au détriment de la grande masse. Le jour où l’on déterminera les responsabilités dans les drames que les Malagasy viennent de vivre,  ils ne devront pas être oubliés.

 

 

Alain Rajaonarivony

 


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commentaires

S
A chaque jour ses peines, cette brève rencontre de samedi était ce que nous avions eu de bien depuis quelques semaines. Alors que ce soit par peur ou par simple tactique, réjouissons en. C'est pour le 3ieme acteur: le vahoaka et quoiqu'il en soit C'est la seule voie possible pour éviter la Somalisation du pays. Merci et Bravo aux 2 protagonistes
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P
En ce dimanche de répit pour le peuple mais de réflexion et d'affutement des armes dans les deux camps, je suggere aux intellectuels qui gravitent autour des deux lascars - je dis bien les intellectuels - de méditer sur le manifeste de la révolte sociale de Chamoiseau et Glissante et d'en briefer leurs chefs.Car on a tendance a oublier que  de le terreau de cette crise est un mécontentement social latent et que ce sont les problemes personnels de Rajoelina avec Ravalomanana  qui ont servi d'étincelle a son embrasement.Alors n'oublions pas le troisieme acteur de cette tragi-comédie - le vahoaka .
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A
<br /> Bonjour Patton,<br /> <br /> Pour les lecteurs, je donne le lien du manifeste dont vous parlez, écrit entre autres par les écrivains d'origine martiniquaise Patrick Chamoiseau et Edouard Glissant concernant la situation de la<br /> Guadeloupe, des DOM mais aussi de bien d'autres pays. Salutations amicales<br /> <br /> <br /> http://www.humanite.fr/Outre-mer-Le-Manifeste-de-la-revolte-sociale<br /> <br /> <br /> <br />