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24 août 2009 1 24 /08 /août /2009 00:02


Joaquim Chissano a débarqué à Ivato le vendredi 21 août en début d’après-midi. Il s’est immédiatement entretenu avec le colonel André Ndriarijaona, chef d’Etat-major de la HAT (Haute autorité de transition) et ses officiers. Le responsable du Groupe de médiateurs internationaux a clairement indiqué que l’article 22 des accords de Maputo concernant l’armée ne sera pas révisé, au nom du respect de la parole donnée, mais que les desiderata des militaires seront transmis aux 4 chefs d’Etat signataires.

 

Dans la soirée, il s’est entretenu à huit-clos avec Roindefo Monja, «premier ministre de la HAT». Les deux ont affiché leur satisfaction, sans dévoiler leurs sujets de discussion.  L’arrivée de la délégation du GIC (groupe international de contact) en terre malgache rentre dans le cadre de la préparation de Maputo II qui devrait avoir lieu le 25 et 26 août. Elle a surtout fait comprendre, diplomatiquement, aux putschistes nostalgiques que la scène internationale n’est pas la place du 13 mai. La HAT implose et ses propagandistes ont le plus grand mal à le cacher. Des luttes internes et féroces pour être dans le prochain wagon de la nouvelle transition s’étalent au grand jour. Pour détourner l’attention, certains n’hésitent pas à menacer les médiateurs et à les désigner comme les responsables d’un chaos probable. Mais pour l’instant, les tensions sont dues aux lenteurs de l’application de Maputo I. Le premier ministre légal, Manandafy Rakotonirina n’a pas encore été libéré malgré l’engagement du chef de la HAT dans la capitale mozambicaine.

 

La charte des valeurs dont Andry Rajoelina s’enorgueillit d’être l’auteur stipule pourtant 7 points :

1. La non-violence
2. La non-discrimination
3. L’assistance aux pauvres
4. Le respect de la parole donnée
5. La tolérance
6. Le pardon
7. La réconciliation et le respect mutuel

On est loin du compte pour l’instant. La fin peu glorieuse d’un régime, jamais reconnu sur le plan international en 5 mois d’existence et contesté fortement à l’intérieur, est à l’image d’un pays en déliquescence. Les gesticulations de politiciens, partie prenante dans le coup d’état, sont réduites à un épiphénomène face à l’intransigeance des médiateurs réitérée lors de la conférence de presse, le dimanche matin 23, au Carlton. La violence verbale et l’arrogance, sans les moyens financiers ou intellectuels ne suffisent pas pour rivaliser avec des interlocuteurs s’en tenant à des normes reconnues par les Nations Unies. Elles n’impressionnent que les pauvres Gasy qui tentent désespérément de tenir la tête hors de l’eau. La fourberie et le sophisme n’ont pas cours dans les négociations de haut niveau.

 

Maputo II aura bien lieu. Andry Rajoelina l’a répété aux médiateurs ce même jour. La présidence de la nouvelle entité sera discutée comme tout le reste, mais le poste de Premier ministre est sans doute le plus stratégique pour le pays. Ce dernier aura à gérer un gouvernement de cohabitation, dont les membres proviendront des 4 mouvances politiques principales, celles des chefs d’état  signataires. Son profil a été défini.  Il doit être :

- un homme de consensus,

- accepter d’être inéligible,

- être un spécialiste des élections (qu’il doit préparer)

- maîtriser les relations internationales,

- et être féru de finances publiques.

 

Autant dire que c’est une perle rare. Sa mission sera de sortir le pays du gouffre en évitant les pièges de la violence et de la division. Parmi les quelques noms qui circulent figure celui d’un membre de la diaspora qui a participé à la rédaction des accords de Maputo mais aussi de ceux de Dakar en 2002. Il a la sympathie de 3 mouvances et présente toutes les compétences requises.

 

La diaspora ("zanak'ampielezana" ou "enfants vivant ailleurs" en malagasy) baigne dans un environnement international et n’a pas besoin d’un temps de latence pour s’adapter aux exigences de la mondialisation. Elle est de la génération Obama dont le métissage est une richesse, et qui sans oublier ses racines, a intégré toutes les valeurs universelles, en termes politiques, économiques ou intellectuels. On ne parle pas là des personnes qui se raccrochent à leur groupe d’appartenance pour ne pas se sentir perdu dans leur pays d’accueil mais de ceux qui sont à l’aise aussi bien avec leurs compatriotes, qu’avec des Européens ou des Américains. C’est un vivier dans lequel puise leur seconde patrie pour avoir des compétences. La diaspora en est à la troisième génération. Après l’élite de l’Indépendance dans les années 60, ceux qui ont «galéré» dans les années 80 (période noire de la Révolution) ont maintenant des situations bien assises et leurs gamins sont à l'université ou en école d’ingénieurs.

 

Voilà la différence avec Madagascar. Dans les grandes démocraties, nul besoin de faire partie de la nomenklatura pour vivre décemment ou envoyer ses enfants dans un établissement prestigieux : le travail et la compétence suffisent. En 2002, j’avais écrit que l’implication de la diaspora ferait gagner 10 ans de développement  à Madagascar. Elle dispose déjà de l’expertise et de l’expérience d’un milieu international. Elle est une chance pour la Grande Ile. Reste à savoir si ceux qui tremblent pour leurs fauteuils et sont prêts à couler le pays pour les conserver verraient d’un bon œil son engagement. Ils n'ont aucune vision de l'avenir.

 

La France désire se dégager du bourbier «hatéen» qu’elle a soutenu pour se débarrasser de Marc Ravalomanana. Mais elle s’est assez vite aperçue qu’elle n’avait pas en face d’elle des idéalistes démocrates. Les Français rêvaient d’autres partenaires que d’arrivistes incultes ou de corrompus. Entretemps, profitant de la désorganisation de la Grande Ile, elle a fait main basse sur les périmètres d’exploration pétrolière de Juan de Nova, - île revendiquée par Madagascar depuis 1972 -, par un arrêté du 22 décembre 2008. La conférence des Non alignés à La Havane en 1976 ainsi que celle de l’OUA en 1979 reconnaissaient les bien-fondés de l’exigence malgache et demandaient la restitution des îles éparses par l’ancienne puissance coloniale. Mais même sans aller jusque là, les Français empiètent sur les zones économiques malgaches. Seul le MFM, le parti du Premier ministre légal a lancé un cri d’alarme dans un communiqué en date du 6 juillet 2009 : «…les périmètres des permis de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux accordés par arrêtés (DEVE0829172A et DEVE0829170A) du Ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire en date du 22 décembre 2008 dans le Journal Officiel de la République Française, empiètent sur les Zones Economiques Exclusives de Madagascar et du Mozambique. En fait, l’île de Juan de Nova se trouve à 250 km des côtes mozambicaines, à une centaine de kilomètres des côtes malgaches et à plus de 400 km du nouveau département français de Mayotte».

 

Ce n’est pas tous les jours dimanche, et l’Hexagone sait bien qu’elle devra rendre des comptes sur ces violations du droit international répétées en défaveur de son ancienne colonie. Elle aurait donc voulu avoir des interlocuteurs crédibles mais non hostiles à priori le jour où les négociations s’engageront. Elle espérerait un accord «win-win». Ce genre de stratégie à long terme, engageant une diplomatie de haute volée est la seule à même de sauver la génération future. Le doute est permis quant aux aptitudes des politiciens ayant vociféré pour obtenir des postes à mener ce genre de programme. Toujours «nationalistes» quand il s’agit de préserver leurs intérêts, en 50 ans d’indépendance, ils n’ont gavé le peuple que de démagogie et de populisme. Madagascar a la capacité de parler d’égal à égal avec les plus grands pour peu qu’il soit représenté par les meilleurs de ses enfants.  

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

 

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commentaires

S
Toujours pertinent mais je crains fort que la personnalité de consensus évoquée ici soit celle que les gens ont rattrapé avec des sacs pleins de € et de $ dans une rizière en essayant de se sauver. Si c'est bien lui dont vous parlez alors définitivement il n'y a plus personne qui soit compétent tout en étant honnête à Madagascar. 
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A
<br /> Non, je ne parle pas de Tantely, Solofo!<br /> A bientôt!<br /> <br /> <br />
D
Merci, toujours un pan d'avance pour une bonne analyse d'ensemble.
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