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  • : Le blog de Alain Rajaonarivony
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24 octobre 2020 6 24 /10 /octobre /2020 23:42

Photo 1 : Les GECo 1502,1503, 1506 et 1508, au port de Santander le 2 février 2020, en partance pour Madagascar.

Au moment où Andry Rajoelina s'apprête à rejoindre Fianarantsoa pour officialiser la remise des GECo (acronyme pour General Electric Compagny, constructeur de ces locomotives) au réseau ferré, est-il au courant des problèmes d’adaptation de leur freinage au système de la FCE ? Ces derniers ne sont toujours pas résolus et  cela fait des mois et des semaines que les cheminots malagasy se font des cheveux blancs.

 

Photos 2 et 3 : Fascicule Alsthom de 1985 détaillant les commandes de locomotives par pays

La raison en est simple. Depuis des décennies, les chemins de fer malagasy, la RNCFM et sa branche Sud, la FCE,  n’ont utilisé que des Alsthom AD12B et AD16B. C’était un partenariat win-win. L’entreprise française de Belfort avait un client fidèle et la RNCFM pouvait définir exactement ses besoins à son fournisseur. Cette collaboration prendra fin en 1991, après les troubles qui ont abouti à l’éviction de Didier Ratsiraka. Le Hery Velona (les « Forces vives » qui portent mal son nom car son action a contribué à couler la RNCFM) avait alors enlevé des centaines de mètres de rails à Moramanga pour empêcher les trains-blocks de citernes d’approvisionner Antananarivo. Les « révolutionnaires » ont immobilisé le trafic ferroviaire, détruisant ainsi économiquement la Régie d’Etat.

 

 

Et donc, quel rapport ?

Tous les AD12B et AD16B disposaient d’un frein rhéostatique et d’un frein pneumatique pour la locomotive ainsi que d’un frein à vide pour les rames tractées, et cela à la demande de la RNCFM. Car la Régie n’avait pas encore pris le virage de la modernité, emprunté ensuite par  les chemins de fer africains dans les années 90, en passant du frein à vide au frein à air comprimé.

 

Photo 4 : extrait des actualités d'Arterail

Les GECo de la FEVE n’ont pas le système de frein à vide, car cette compagnie utilise le freinage à air comprimé pour leurs rames comme pratiquement presque tous les transporteurs ferroviaires du monde, à quelques exceptions comme la FCE dont les voitures-voyageurs datent des années 60. La solution existe bien sûr : il faudrait déjà mettre la main à la poche et acheter l’équipement manquant, mais surtout ensuite faire les tests sur la locomotive en situation réelle pour s’assurer de la fiabilité des réglages. Car les cheminots craignent un accident si les choses ne sont pas faites dans les normes. La société française, Artérail, qui a « livré » les GECo (ce n’est donc pas le gouvernement qui s’est chargé de l’achat) n’est pas partie prenante, semble-t-il, dans ce travail.

Et beaucoup se demandent pourquoi on n’a finalement pas retenu les AD16B Alsthom-MTM que la FEVE avait initialement prévu pour la FCE, et ce depuis 2015, du temps de l’ancien gouvernement HVM ? La décision a toujours été retardée alors que la FCE ne disposait plus que d’une seule locomotive, l’AD12B numérotée BB 246.

Photos 5 et 6 : la FEVE 1602 et une FCE série 240 en réparation à Fianarantsoa. La parenté est évidente entre les 2 machines.

La FEVE avait préparé les AD16B immatriculées 1602 et 1604 (mises en service en 1981) ainsi que la 1611 (mise en service en 1983). Et finalement, Arterail livre à Madagascar début 2020 les GECo 1502, 1503, 1506 et 1508 datant de 1964.

Pourquoi ce revirement et ce changement pour des machines plus vieilles, moins performantes et moins bien adaptées ? La réponse n’est sûrement pas d’ordre technique.

Les GECo sont de bonnes locomotives rustiques, bien qu’en fin de potentiel, avec un moteur Caterpillar de 1500 chevaux (les AD16B font 1600 cv) mais il est essentiel qu’elles soient sécurisées. Toute défaillance peut être mortelle pour les passagers. Au-delà de cet épisode, la FCE devrait disposer d’au moins 6 locomotives pour pouvoir tourner correctement. Les cheminots et les touristes de cette ligne appellent leur train TGV, pour « Train à Grandes Vibrations ».

 

Photo 7 : Les AD16B 254, 255 et 256 seront les dernières locomotives neuves pour la RNCFM. Extrait de la Vie du Rail n° 2209 du 7 septembre 1989.

Il est peut-être temps que le gouvernement malagasy reprenne en main la gestion du chemin de fer et mette en place un plan ambitieux de développement. Tous les pays du monde  sont en train de redécouvrir que ce moyen de transport est un puissant levier de l’économie, en Europe comme ailleurs. L’Afrique suit le mouvement et l’Ethiopie, par exemple, a remplacé en 2016 la voie unique à écartement métrique, identique aux réseaux malgaches, reliant Addis-Abeba à Djibouti par une double voie électrifiée à écartement normal où les trains roulent à 120 km/h. Les Ethiopiens ont bénéficié de l’aide de la Chine. Au Sénégal, la région de Dakar s’est dotée en 2019 d’un train régional, un RER,  bi-mode, électrique et diesel à voie normale. Ce train ultra-moderne a coûté un milliard d’Euros à l’Etat mais le gouvernement est content et affirme que l’investissement est rentable.

Photo 8 : Le Train Express Régional  en gare de Dakar, le 15 janvier 2019. Avec des rames de la gamme Coradia Régiolis d'Alstom, on est bien loin du "petit train africain".

Le Maroc a inauguré la mise en service de son TGV, identique au train français, le 26 novembre 2018. On ne compte plus les modernisations et les extensions à travers tout le continent, du Kenya au Mozambique en passant par le Ghana, le Nigéria ou le Congo-Kinshasa. Les projets se font sur des années et coûtent des milliards de dollars mais les gouvernants voient loin. C’est de la vie et du bien-être des générations futures dont il s’agit.

Photo 9 : Prévisonnel d'investissement de la RNCFM publié dans Le Rail et le Monde n°44 d'avril 1987. Tout est détaillé, des boulons aux locomotives. On y voit notamment l'achat de 3 AD16B (les BB 251, 252 et 253), de 5 draisines et d'un autorail, tout cela neuf.

Pour que les Malagasy ne demeurent pas les éternels misérables (5ème pays le pauvre du monde pour l’instant) et les laissés-pour-compte du monde de demain, leurs dirigeants doivent faire preuve d’ambition et oublier les calculs à courte vue.  Pour cela, le bricolage et les bonnes okazes doivent faire place à des projets bien pensés et budgétisés sur le long terme. Jusqu’en 1991, la RNCFM publiait clairement ses objectifs, avec le matériel à acheter, les voies à construire ou à réparer. Revenir au moins à ce niveau serait un premier pas sérieux vers le renouveau et un espoir pour les Malagasy et leurs enfants.

Alain Rajaonarivony

 

P.S. : un dernier clin d’oeil.🙂😀😊

Si le train de voyageurs Antananarivo-Tamatave (Toamasina) existait encore, il aurait été sans doute bondé pour le match de football Côte-d’Ivoire-Barea prévu en novembre et la société aurait peut-être dû prévoir des trains supplémentaires. Ici, en gare de Soarano en 1987.

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commentaires

T
Bonjour, je viens de découvrir votre blog avec l'étonnante polémique sur le système de freinage des BB GECo. Il me semble que les AD16B FEVE auraient été plus adaptées au FCE.<br /> <br /> Par contre, parmi les exemples que vous citez, j'aimerais vous rappeler que:<br /> <br /> - la nouvelle ligne Chinoise en Ethiopie n'a pas remplacée le CFDE, celui-ci est toujours en service entre Dire Dawa et la frontière Djiboutienne. La ligne Chinoise est une catastrophe de gestion, les trains ne dépassent pas la vitesse de 80 km/h et le transports des marchandises se fait toujours essentiellement par la route;<br /> <br /> - au Sénégal le TER, financé par la France, était essentiellement une aide à Alsthom en phase de fermeture. Cet investissement, qui aurait largement suffit à réhabiliter le réseau ferré national existant, vas prendre des décennies aux habitants du Sénégal pour rembourser. Le gouvernement de Macky Sall ne peut pas dire que l'investissement est rentable, puisque cette ligne n'est toujours pas en service.
Répondre
A
Bonjour,<br /> Merci beaucoup de votre intérêt et des précisions que vous donnez. Celles-ci alimentent l'intérêt de déjà bien gérer, réhabiliter et étendre les réseaux existants.<br /> Cordialement<br /> Alain Rajaonarivony