13 mars 2009
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"La seule solution à la crise actuelle à Madagascar est la reprise du dialogue", a encore répété le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, hier jeudi 12 mars. Il n'a fait que reprendre les exhortations des diplomates présents à Madagascar qui aimeraient enfin voir les Malgaches s'asseoir à une même table pour négocier. Les nouvelles dispositions du Président, en état de faiblesse car abandonné par l'Armée, représente une opportunité.
L'Ambassadeur américain Niels Marquadt, dans son plaidoyer le 10 mars pour la tenue des "Assises Nationales" a parlé de "raiamandreny" (parents emplis de sagesse) et de "fihavanana" (bons rapports avec autrui), puisant au fond de la culture malgache pour tenter de convaincre ses interlocuteurs. L'ensemble du corps diplomatique et des institutions internationales ont fait comprendre que leurs aides ne pourraient être débloquées en cas de prise de pouvoir par la force.
La diatribe violente de Jeannot Ramambazafy intitulée "Madagascar : Communauté internationale, halte au chantage!" parue sur Madagate.com le 11 mars a laissé plus d'un pantois. Ne la cherchez pas! Elle a été opportunément (et promptement) éffacée du site. Comme il s'agit d'un confrère que j'estime, je me garderai d'enfoncer le clou. J'aimerai seulement relever que ce dérapage est sans doute dû à la tension qui domine la vie nationale depuis des mois maintenant et qui met les nerfs à rude épreuve.
Car sinon, comment expliquer que ce partisan passionné et courageux d’Andry Rajoelina puisse coucher des mots si durs pour les diplomates en place. « Ce sont eux (les Malgaches) les vrais bâtisseurs d’un pays riche et prospère qu’on aurait du être si les dirigeants passés et présent n’étaient pas assurés d’impunité totale et de protection comme vous le faites. L’unique et seule solution à cette crise est de commencer par dégager les dirigeants parjures, menteurs et assassins. Et non les protéger au nom d’une constitution pourrie et de la légalité qui n’a plus sa raison d’être sans légitimité. Moralité : vous voulez vraiment aider Madagascar ? Engagez-vous à préparer le texte d’une nouvelle constitution basée sur le «Teny nierana» bien malgache ou bien taisez-vous ! Car de richesses, Madagascar en regorge. Coupez les vivres et vous vous en mordrez les doigts".
Jeannot Ramambazafy sait aussi bien que moi qu'Andry Rajoelina ne serait peut-être plus de ce monde s'il n'y avait pas eu ces diplomates. La France a couru le risque d'un incident diplomatique en exfiltrant ce dernier de sa demeure assiégée le 6 mars au matin et en le cachant dans la résidence de son ambassadeur pendant plusieurs jours. La Présidence et le TIM (parti présidentiel) le savent si bien qu'ils ont organisé une manifestation devant l'Ambassade de France le 10 pour marquer leur désapprobation.
Cette protection tant décriée par les contestataires, elle a été et est toujours accordée à Andry Rajoelina. Alors, un minimum de retenue, à défaut de remerciements, serait une attitude adéquate. C'est maintenant qu'il faut garder la tête froide car le pays a besoin d'une réflexion sereine. Certes, les diplomates défendent les intérêts de leurs nations respectives. Mais s'ils font preuve d'une certaine éthique en prônant une solution négociée sans effusion de sang, c'est tout bénéfice pour les Malagasy. Qu'on fasse en sorte que ces "Assises nationales" ne soient pas un marché de dupes est une chose. Qu'on en récuse même le principe en est une autre.
Ou alors, préférons-nous un assaut sur le Palais d'Iavoloha défendu par la garde présidentielle? Peut-être qu'avec quelques centaines de morts de plus, la crise se résoudra-t-elle plus vite? Je ne crois pas. A chacun d'assumer ses prises de position. Comme le nouveau chef d'Etat-major, le colonel André Ndriarijaona a déclaré le 12 mars après une rencontre avec le FFKM (Conseil oecuménique des églises) et une délégation de diplomates qu'il aimerait que les "Assises" soient organisées "au plus vite", ceux qui n'en veulent pas devront chercher des troupes.
Marc Ravalomanana est mis hors d'état de nuire et ce n'est pas seulement le fait des quelques personnes de la HAT ("Haute Autorité de Transition"). Des milliers de citoyens se sont engagés dans ce combat car ils croyaient en un avenir meilleur. Et ces Malagasy, sans lesquels Marc Ravalomanana ne serait jamais arrivé au pouvoir en 2002 pas plus qu'Andry Rajoelina n'aurait tenu en 2009, ne veulent pas d'une guerre civile.
Que le chef de l'Etat soit de mauvaise foi, personne n'en disconvient. Maintenant qu'il a les crocs limés, au point de présenter des excuses à la nation, c'est le moment ou jamais de lui faire tenir ses promesses.
Comme en 2002, les Malagasy peuvent montrer au monde qu'ils ont une culture et des valeurs. La démocratie peut aussi se gagner avec panache. La situation de Madagascar n'est pas aussi dramatique que celle de l'Afrique du Sud au moment de son basculement de l'apartheid à la démocratie. C'est vrai qu'elle avait Nelson Mandela, d'une lignée royale Xhosa mais qui avait passé 27 ans en prison. Il en sortait à 71 ans, sans désir de revanche sur ses adversaires et avec l'objectif de sauver les futures générations en leur évitant les affres de la division et de la haine.
La classe politique malgache a trop peu de noblesse, de sagesse et d'humilité. Ce sont de vrais handicaps et les véritables raisons qui pourraient entraîner l'échec des négociations. Tout le reste n'est que littérature et la dialectique est un domaine où les Malgaches excellent.
Photo : l'Ambassadeur Niels Marquadt (photo Présidence)
Alain Rajaonarivony