Le samedi 14 mars, la place du 13 mai a renoué avec ce qui est maintenant une tradition. Après 12 jours d’absence, Andry Rajaoelina est réapparu pour faire son discours, comme d’habitude ponctué d’un ultimatum. Cette fois-ci, le Président avait 4 heures pour démissionner. Cela fait toujours son petit effet et il a eu droit aux ovations.
La fête a pourtant été gâchée par un élément inattendu. L’apparition sur la place du 13 mai de l’ancien Premier ministre Jacques Sylla, sensé être le clou du spectacle, fut une véritable douche froide pour certains militants. Monsieur Sylla était le chef de délégation du Président lors des négociations au « Hinty ». Il est Président de l’Assemblée nationale en titre et un des responsables du parti présidentiel TIM. Willy Razafinjatovo, avocat plus connu sous son surnom de « Olala » datant de sa période estudiantine contestataire, considère que la présence de son confrère (Jacques Sylla est aussi avocat) «pourrait salir le mouvement».
Les trahisons vont s’accélérer puisque dans la foulée ont suivi Kaleta, élu influent du Sud-Ouest apparenté TIM, spécialiste du retournement de veste, et d’autres moins connus désirant ne pas rater le coche. Tout ce beau monde est donc venu au secours de la victoire attendue pour le samedi soir. Dans la matinée, le «Premier ministre de la Transition», Roindefo Monja, a pu entrer à la Primature avec son escorte, le bâtiment étant déserté.
Simultanément, tandis que le Maire demandait la démission du chef de l’Etat, une demande de déchéance était déposée à la Haute Cour Constitutionnelle. On ne sait trop d’où les proches d’Andry Rajoelina tenaient l’assurance que le chef de l’Etat allait céder. Dans l’après-midi, ce dernier sortira à la rencontre de ses partisans, massés devant le Palais d’Iavoloha pour le « protéger », et déclarera : «Oui, bien sûr, je suis toujours le Président». Il ajoutera plus tard : «Je ne démissionnerai jamais».
Le dimanche 15 mars fut plus calme avec deux cultes organisés, l’un sur la place du 13 mai avec des participants vêtus de blanc « pour chasser les ténèbres », l’autre devant le Palais de Iavoloha. Certaines prières devaient être antagonistes. Mais le Seigneur étant ce qu’Il est, Il a dû faire le tri.
Le lundi 16, les prières étaient remisées jusqu’au dimanche suivant pour faire place à l’action. Le Maire a demandé à la frange de l’armée obéissant à ses ordres d’arrêter le Président. Dans le même temps, le «Cercle de réflexion des gendarmes (Officiers généraux, Officiers supérieurs, Officiers subalternes, Sous-officiers)» sortait un communiqué précisant qu’il ne prenait «ni le parti de Monsieur Marc Ravalomanana, ni celui de Monsieur Andry Rajoelina». Il ne cautionnait en outre ni «les conflits armés, ni toute autre forme de violence» et ne pouvait accepter «un coup d’état». Les divergences au sein des forces armées apparaissent ainsi de manière claire. Dans la soirée, une centaine de militaires ont pris « d’assaut » en plein centre-ville un Palais vide, celui d’Ambotsirohitra, mais devant les caméras des télévisions étrangères. Ce fut une belle opération de communication.
Pour l’autre Palais, où habite le Président, les hésitations sont perceptibles. Iavoloha est défendu par la Garde Présidentielle qui a consolidé ses lignes. Sauf défection de ses éléments, toute attaque se soldera par un bain de sang, aussi bien des militaires que des civils qui ont établi des barrages. L’Etat-major proche des contestataires tergiverse donc et assure ne pas vouloir en arriver à cela.
Le référendum proposé par le Président pour sortir de la crise a été rejeté par Andry Rajoelina car «le peuple s’est déjà exprimé». La situation est pour l’instant bloquée. Paris en appelle à «un dialogue élargi conforme à l’état de droit» afin «de trouver une issue pacifique», par la voix du porte-parole du Quai d’Orsay. Le «Peace Corps», une agence indépendante du gouvernement américain va rapatrier ses 112 volontaires travaillant dans l’éducation, la santé, la lutte contre le Sida ou l’agriculture.
Il y a maintenant deux peuples, celui du 13 Mai et celui d’Iavoloha. La démarche du Maire prend de plus en plus l’aspect d’un coup d’Etat. Un véhicule blindé défonçant le portail du Palais d’Ambotsirohitra, au JT (Journal Télévisé) de 20 Heures sur les chaînes européennes ne renvoie pas franchement à une image de démocratie.
Alain Rajaonarivony