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25 novembre 2014 2 25 /11 /novembre /2014 00:07

 

 

Le dimanche 23 novembre, Lila Koumba Randriambololona a enfin pu prendre l’avion pour Diego-Suarez afin d’y visiter son mari Jean-Marc, incarcéré à la prison de Diego-Suarez depuis un mois avec 4 agents de l’ACM (Aviation civile de Madagascar) d’Antsirabe.

 

Ils avaient été arrêtés le 24 octobre pour leur «complicité» présumée dans le retour au pays de l’ancien président Marc Ravalomanana, qui aurait atterri discrètement sur l’aéroport d’Antsirabe le 12 octobre 2014 sans avoir l’aval officiel du pouvoir en place.

 

Après un interrogatoire musclé mené par le colonel Florens Rakotomahanina à la gendarmerie d’Antsirabe, ils seront transférés à Antananarivo où ils resteront 3 jours en détention. Quand le 29 octobre, cet officier dégagera la responsabilité de la gendarmerie pour la suite dans une conférence de presse, les prévenus étaient déjà en train d’être convoyés vers Diego-Suarez, à l’extrême-nord du pays, où ils arriveront après 2 jours de route.

 

Le 31 octobre, vers midi, Lila Koumba sera avertie par un diplomate allemand, que son mari (qui dispose de la nationalité allemande) va passer en jugement dans la journée. Ne trouvant pas de vol régulier pour rallier Diego-Suarez à cette heure, elle loue un avion-taxi à la compagnie GS Aviation pour elle, sa secrétaire et son avocat. De 14 heures à 17 heures30, ils attendront l’autorisation de décoller. En temps normal, une notification est délivrée au pilote en un quart d’heure par l’ACM, mais elle n’arrivera jamais. L’avion restera cloué sur le tarmac. Jean-Marc Koumba sera présenté au parquet en pleine nuit et sans la présence de son avocat. Quand cet épisode sera connu de l’opinion, pour sauver les apparences et accréditer l’image d’un état de droit, le secrétaire général du ministère de la justice, Charles Andriamiseza affirmera que l’ACM avait bien délivré une autorisation de vol. Ce qui entraînera une réponse cinglante de Lila Koumba via son compte Facebook où elle donnera les détails de cette journée et terminera par «Aurait-on besoin de témoins là aussi ? Car il y en a eu, et non des moindres…».

 

L’A.C.M. continuera de se prendre les pieds dans le tapis, car après avoir annoncé qu’elle n’était pas plaignante dans ce procès, le pouvoir lui plantera le couteau dans le dos en affirmant le contraire par la voix du même secrétaire général de la justice. Le ministre des Transports tentera ensuite de minimiser le rôle de cette organisation dans cet imbroglio en précisant que «les attributions de l’ACM sont purement techniques» et que dans cette affaire «politique», «seule la justice est habilitée à trancher».

 

Tous ces faux-fuyants et incohérences des représentants de l’Etat n’ont en fait qu’un seul objectif : cacher un désastre sur le plan juridique et des Droits de l’homme. Car les dossiers des 5 prévenus, à savoir :

- Jean-Marc Koumba,

- Solofo Désiré Rakotoniaina,
- Vonjy Rakotoarisoa,
- Mamy Randriamihaja,
- Mahery Rafanomezantsoa,

respectivement ancien chef des gardes-de-corps du président Marc Ravalomanana, et employés de l’ACM d’Antsirabe en qualité de gardiens et d’agents d’aérodrome, sont vides.

 

L’accusation repose sur 2 témoins dont les noms n’ont pas été rendus publics par les «enquêteurs» et qui auraient affirmé que Jean-Marc Koumba était au bord de la piste, en train d’attendre l’avion du président Ravalomanana le 12 octobre. Ces 2 témoins sont en réalité… les 2 employés de l’ACM en service ce jour là. Comme ils sont co-détenus avec Jean-Marc Koumba, ils sont venus le voir en pleurant pour demander pardon. Ils ont été «tabassés» disent-ils et «ont eu peur». On les aurait obligé à donner son nom. Maintenant, ils sont prêts à revenir sur ces aveux extorqués. Ils en ont d’ailleurs parlé à l’avocat de l’ex-bodyguard qui a entamé la procédure, contrecarrée pour l’instant par le tribunal d’Antananarivo, pour prendre en compte ces déclarations.

 

Deux jours après l’arrivée des 5 déportés, l’ancien président, en résidence surveillée dans la même ville apprend la présence de son ancien garde-de-corps et s’indigne : «Il n’a rien à voir avec tout cela ! Relâchez-le ! Cela ne se fait pas de mettre des innocents en prison !» Sur ce, il refuse la confrontation prévue sans la présence de son avocat. Les enquêteurs n’oseront l’y contraindre, sachant sans doute qu’ils ont déjà largement outrepassé la loi. La procédure est donc arrêtée. Et depuis, plus rien… Cela fait plus d’un mois que 5 pères de famille sont en prison sans motif, puisque la personne dont ils sont sensés être «complices» n’est même pas enquêtée, ni inculpée.

 

Jean-Marc Koumba a perdu 15 kilos à cause de sa grève de la faim de 8 jours et la mauvaise alimentation de la prison, mais comme il est parti avec 105 kilos de muscles, il garde le moral. Il a dû se faire arracher une dent qui aurait pu être soignée et a contracté une maladie de peau, due à l’insalubrité des lieux. La prison de Diego-Suarez, ce n’est ni l’Amirauté, ni un hôtel 5 étoiles. Ses compagnons d’infortune sont aussi mal en point physiquement mais semblent tenir le coup psychiquement. D’où leur volonté d’ailleurs de revenir sur ces aveux forcés. Il est plus facile de terroriser quatre petits employés de l’ACM qu’un ancien champion du monde de kick-boxing. Le lendemain de l’arrestation de son mari, Lila Koumba est passée aussi par la case gendarmerie et a subi près de 3 heures d’interrogatoire. Elle a attesté  des pressions pour lui faire avouer que son époux était absent le 12 octobre. Or, ce jour-là, elle était souffrante et Jean-Marc était resté auprès d’elle. Un quinzaine de personnes peuvent en témoigner, dont 2 diplomates tenus pour l’instant au devoir de réserve mais qui pourraient le confirmer le moment venu.

 

Entre autres suggestions faites aux inculpés, l’ancien président leur aurait donnés de fortes sommes. Seuls 2 employés de l’ACM étaient de faction ce jour-là à l’aérodrome d’Antsirabe. Concernant les 2 autres, l’un était à l’église (oui, on était dimanche), l’autre, semble-t-il, assistait à un évènement familial. Pourquoi ont-ils été arrêtés ? Mystère, peut-être pour le fun…

 

Pour l’instant, les autorités jouent la montre et attendent tranquillement les vacances judiciaires prévues pour le 15 décembre. Jean-Marc Koumba craint même que le pouvoir n’ait la tentation de l’expulser pour étouffer ce fiasco judiciaire et éviter que cela ne débouche sur un scandale. «L’état de droit» en prendrait un sale coup…

 

Le chef de l’état actuel a manifestement été dépassé par les extrémistes de son camp dans la gestion du retour de l’ancien président. Il redorerait son blason en faisant libérer immédiatement les 5 pères de familles, devenus des otages dans un conflit politique qui les dépasse largement et où ils sont des dégâts collatéraux sans importance pour ceux qui veulent à tout prix atteindre Marc Ravalomanana.

 

DSCF2271 Lila et Jean-Marc à la gare

 

Pour l’instant, le gouvernement, pour se défendre, a accusé Lila Koumba et son avocat de mensonges. Ce n’est, ni très digne, ni très courageux. Car, dans cette affaire, le mensonge est bien du côté de l’Etat. Et des voix commencent à s’élever, comme celle du député Rossy, ami de Jean-Marc Koumba, qui a interpellé le gouvernement à l’Assemblée nationale sur le motif de cette arrestation.

 

Hery Rajaonarimampianina veut jouer un rôle de premier plan dans la réconciliation nationale, aux côtés de la FFKM (Fédération des églises de Madagascar). Il a là une occasion en or de montrer qu’il détient effectivement le pouvoir… Mais s’il laisse perdurer cette situation, cette affaire se  retournera contre lui et il perdra toute crédibilité.

 

Photo : Mai 2005, Jean-Marc Koumba vient d'être expulsé de Madagascar... En même temps que son job, il perdra une bonne partie de ses illusions... et de ses relations. Nous nous retrouverons en France où je l'attends, lui et son épouse Lila, sur le quai de la gare...

 

Alain Rajaonarivony

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