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  • Alain Rajaonarivony

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13 mai 2010 4 13 /05 /mai /2010 20:58

 

 

Le discours d’Andry Rajoelina ce 12 mai  sur TVM, la radio nationale, avait démarré sur un réquisitoire de la gouvernance des 50 ans d’indépendance. Comme d’habitude, il mettait sur le dos de ses prédécesseurs la crise extrêmement profonde dans laquelle se trouvent plongés les Malgaches. Mais à mi-propos, il avait réservé une surprise de taille : l’annonce de sa non-candidature aux futures présidentielles.

 

Dans la foulée, il a déroulé la suite du programme. Le 12 août, ce sera le référendum constitutionnel, le 30 septembre les législatives. Ce cycle se terminera en apothéose par les présidentielles, le 26 novembre 2010. Auparavant, un «Dialogue national», le troisième donc (voir article : «L’avenir en mode rétro ?»), sera initié du 27 au 29 mai pour concevoir la nouvelle Constitution. 

 

Promis de manière tonitruante par Andry Rajoelina lui-même dès son retour de Prétoria le 1er mai (voir article précédent), le Gouvernement de Salut Public, le fameux plan B, n’a pas encore vu le jour. Sa présentation devait se faire dans les 48 heures, puis repoussée au 6 mai, ensuite au 10 et pour finir aux calendes grecques… 

 

Andry Rajoelina avait un rêve, ce puissant moteur qui pousse parfois à se transcender. Il s’est battu pour le réaliser et a réussi. On l’appelle maintenant «Monsieur le président». Dans sa bande, il a intégré des personnes qui avaient le même rêve que lui. Norbert Ratsirahonana, son conseiller très écouté, ancien chef d’état par intérim, qui s’est planté aux élections présidentielles de 1996 face à Albert Zafy et Didier Ratsiraka. Son score, en 2006, face à Marc Ravalomanana, fut très modeste (4,22%). On l’a appelé «Monsieur le président», mais pour si peu de temps qu’il en reste un arrière goût d’amertume et de frustration. Il y a aussi Alain Ramaroson, dont la passion de la politique a été peu payée de retour. A la fin de sa carrière, il se retrouve avec une image exécrable car il est tenu pour responsable d’une partie des violences du régime….

 

Cet entourage a bloqué le processus de rapprochement avec l’opposition. Ses membres n’ont aucun intérêt à ce qu’on arrive à une solution sereine - qui signifierait la fin de leurs rêves -, avec les autres composantes du monde politique et de la société. Alain Ramaroson a même demandé que Madagascar démontre son indépendance en tenant tête à la communauté internationale. Du haut d’une Mercedes ou d’une Hummer, il est vrai que la situation n’est pas si dramatique que ça. Au ras des trottoirs qu’on arpente parce qu’on a perdu son boulot à cause des sanctions, la perspective est un peu différente… 

 

Andry Rajoelina a dû trouver une autre solution. L’armée lui avait opposé une fin de non-recevoir le 6 mai, par la voix du chef d’état-major et du responsable de la gendarmerie, en refusant d’intégrer officiellement son gouvernement de Salut public. Pour éviter l’explosion, il a dû sacrifier ses ambitions présidentielles, du moins pour l’instant. A 35 ans, il peut se permettre d’attendre quelques années. Il a déjà vécu une aventure extraordinaire, qui se serait finie sûrement très mal, s’il n’avait pris cette décision, logique. C’est la démarche adoptée par tous les putschistes d’Afrique (Guinée, Niger…) pour donner une dimension morale à leurs prises de pouvoir. Et en l’absence de résultats dans les négociations, c’était la seule possibilité qui lui restait pour simplement sauver sa peau (voir article : «Madagascar : Bientôt la fin…»).

 

Le président de la HAT, quand bien même cela ait été par calcul et sous la pression, a enclenché une spirale vertueuse par sa décision, même si celle-ci est tardive. Pour transformer la surprise en sympathie, il doit continuer dans le même sens. Les politiciens comme les autres, ecclésiastiques ou membres de l’armée, ne parlent actuellement que du «Fihavanana», qui a tellement manqué il y a un an et aurait pu éviter tant de souffrances (voir article : «Le "Fihavanana", une conception devenue virtuelle»). Cette notion plonge ses racines dans la psychologie malgache.

 

Il s’agit d’une stratégie d’évitement des conflits, permettant la canalisation des violences dans un compromis entre les parties, permettant de sauvegarder l’image des uns et des autres (enamaso). Le Fihavanana consiste à ne pas trop appuyer sur les faiblesses (les fautes) de l’adversaire afin de ne pas provoquer une réaction agressive en retour induite par l’humiliation. La violence est intériorisée et doit se sublimer dans des grands principes de pardon et d’humanisme (Fahendrena, sagesse). Le fait de ne pas écraser son vis-à-vis donne à ce dernier une porte de sortie honorable, qui lui permet à son tour de porter un regard positif sur son interlocuteur.  

 

C’est une stratégie socialement très rentable car elle met la communauté à l’abri de conflits sanglants mais elle est très anxiogène pour l’individu, qui se demande toujours si l’autre va jouer le jeu alors qu’il se met volontairement à sa merci, en baissant sa garde et en n’utilisant pas tous ses atouts (en ne dénonçant pas et en ne profitant pas de toutes les fautes de l’adversaire)… Subtil jeu d’équilibre qui intègre aussi la notion de raiamandreny (vieux sages, arbitres) capables de passer outre leurs propres intérêts pour penser à ceux de la communauté.

 

Dans l’idéal du Fihavanana, il n’y a ni vainqueurs, ni vaincus ce qui évite une atteinte irrémédiable à l’image de soi. Mais le défaut de cette démarche, qui est son pendant naturel, c’est que les choses ne sont jamais résolues totalement. Les sources du conflit ne sont pas clairement identifiées, ni les fautifs dénoncés ouvertement. Sa réussite repose sur la capacité de l’individu à se corriger («une réprimande fait plus d’effet sur le sage que cent coups sur l’insensé» Proverbes 17:10, La Bible) et à s’amender. C’est pour cela qu’un esprit cartésien va parler d’hypocrisie ou de lâcheté.

 

Il faut «laisser le temps au temps» dans cette démarche car toute précipitation pourrait être une source d’incompréhension et de tension.

 

Le refus de l’une des parties de suivre ces codes débouche immanquablement sur le passage à l’acte dans la violence. Et quand un raiamandreny viole les règles du Fihavanana, c’est le désastre assuré. C’est ce qui s’est passé en 2008 et 2009.

 

Le premier à avoir transgressé cette sagesse ancestrale fut Marc Ravalomanana quand il a humilié ses adversaires (il est connu pour manquer totalement d’égards, y compris envers ses proches), et surtout quand il a tenté d’écraser le jeune maire Andry Rajoelina. On était plus proche de la culture de Dallas que de celle de la Grande Ile. Ensuite, ce fut un festival de trahisons et de vilénies. Une des plus marquantes fut l’attitude de l’évêque Odon Razanakolona, un médiateur qui ne s’est comporté ni comme un raiamandreny, ni comme un chrétien, en approuvant la violence et le coup d’état. On était aux antipodes du Fihavanana. Quand ceux qui représentent l’autorité et la sagesse dévient à ce point, il ne faut pas s’étonner qu’un petit commandant délire dans le passage à l’acte.

 

Dans le Fihavanana, le plus fort, c’est celui qui accepte de sacrifier une partie de ses droits, pour le bien de la communauté. Dans d’autres cultures, on parlerait de «l’intérêt supérieur de la nation». En retour, il acquiert le respect de ses semblables pour sa sagesse. La force est dans l’esprit, «ny fanahy ny maha-olona» («c’est son esprit qui fait un être humain»). On est loin du bling-bling arrogant.

 

A Andry & Ra8 de prouver maintenant qu’ils sont encore dignes de la confiance de leurs concitoyens en trouvant un terrain d’entente. S’il y a une chose qui est grave dans la culture malagasy, c’est de laisser son nom en imprécation au peuple.

 

Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie a salué ce 13 mai «la décision courageuse du président de la Haute autorité de la transition». La France l’a fait peu de temps après l’intervention d’Andry Rajoelina par la voix d’Alain Joyandet, le secrétaire d’état à la coopération. Mais on ne saurait trop conseiller à l’ex-puissance coloniale de faire preuve de discrétion même si elle désire être «aux côtés du peuple malgache pour l'aider à relever les défis qui l'attendent». La moindre action intempestive, le plus léger soupçon d’ingérence pourraient remettre le feu aux poudres, au moment où l’espoir renaît.

 

Pour terminer, rendons à César ce qui est à un ou une forumiste. Ci-dessous un post publié sur Sobika.com et qui m’a inspiré une partie de cet article. L’auteur de cette «analyse sauvage» (c’est un terme professionnel) non dépourvue d’humour est sûrement un(e) familier(e) des arcanes de la psychanalyse et se reconnaîtra. Avec mes remerciements.

 

«Psychanalyste
Invité

NirinaAndryRajoelina sy isika malagasy rehetra.
Posté le: Mer Mai 05, 2010 09:30

 

Carence éducative, préjudice affectif vécu en mode post traumatique avec flash back. Réactualisé dans une identification à l'agresseur (Dakar 2 = Pretoria 1; Deba nitifotra Zaf; 8 nivadika an'i Deba; V nanongana an'i 8 ets). Passage à l'acte agressif dans une structure qui n'est pas la sienne.

Ce mode de fonctionnement vient se greffer sur un socle commun à nous les malgaches qui est celui d'un moi hypertrophique (be hambom-po), sur une communication à tendance alexithyme (tsy be teny) occasionnant ainsi une intériorisation (marary fo @'izany eo). Le dialogue se retrouvant en panne laissera s'exprimer un agir violent dans une incapacité d'introspection (mamely ambadika).

Fihavanana, moramora, fifankatiavana, fifanajana firahalahiana (ao @ Tompo) ets sont des stratégies d'évitement anxiophobiques. Autrement dit fahendren'ny kanosa, miala tsiny tompoko.»

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

 

 

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