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15 septembre 2009 2 15 /09 /septembre /2009 00:08


 

Le dimanche 13 septembre, l’ancien président Zafy, 82 ans, déclare devant la presse : «...Nous avons conscience de notre devoir envers la nation... Nous n'avons pas peur de ce qu'ils pourront nous faire car tout le monde doit mourir un jour...». Cette réponse à une question sur sa sécurité, loin d’être un coup médiatique, reflète bien l’état des libertés à Madagascar après 7 mois de régime putschiste. Désormais, le droit de s’exprimer et de manifester se paie au prix fort.

 

Le vieux Zafy s’était rendu au rendez-vous convenu par les signataires de Maputo ce jour là. Le but était de trouver enfin une issue consensuelle. C’est Andry Rajoelina qui a fixé le lieu et la date : le dimanche 13 à 10 heures au Palais du Sénat, à Anosy. A sa place, ses interlocuteurs ont trouvé l’armée qui leur interdisait l’entrée de l’hémicycle. Une fois de plus, Andry Rajoelina s’était désisté mais c’est Roindefo Monja qui en a fait l’annonce. Le prétexte était cette fois-ci les manifestations du 11 et 12 septembre qui se sont terminés en affrontement avec les forces de l’ordre. Albert Zafy et Marc Ravalomanana ont condamné ces violences.

 

Le commandant Charl, promu lieutenant-colonel dès le lendemain de la mise en place du gouvernement Monja II (voir article «Après Maputo II, HAT II vers le même destin»), a pu s’illustrer. Avec ses hommes cagoulés, à bord de quatre 4x4, il a débarqué le samedi 12 au point de chute des parlementaires de province, un hôtel 3 étoiles aux 67Ha. Une fois de plus, ce fut Hollywood : coups de pied dans les portes, gifles, coups de crosse et de rangers distribués généreusement aux serveurs et cuisiniers, vaisselle brisée… L’opération fit presque chou blanc, les élus légalistes ayant quitté l’établissement le matin même, à l’exception d’une sénatrice, Eliane Naika. Les hommes du FIS (Forces d’Intervention spéciales) se sont rattrapés sur les ordinateurs portables et autres porte-documents. Les pièces à conviction, des passeports, présentés par le colonel Richard Ravalomanana, connu depuis l’affaire des bombes où il a donné le nom des coupables avant la fin de l’enquête (voir article : «la fuite en avant»), proviennent de cette razzia.

 

Roindefo Monja, qui s’accroche à son fauteuil de Premier ministre, en sachant qu’il fait courir les pires risques aux accords signés à Maputo, se plaint maintenant. Plusieurs des tout-nouveaux ministres ont voulu déposer leurs démissions, qu’il a refusées pour l’instant. La rivalité entre Andry Rajoelina et lui-même est bien réelle mais le rapport de force n’est pas en faveur du chef putschiste. Monja a la confiance des militaires mutins et il n’y a que lui qui peut décider si on met un premier-ministre de consensus ou non ! Tout le reste n’est que littérature et les tentatives des partisans d’Andry Rajoelina pour le pousser vers la sortie, dont on a vu quelques épisodes dans les médias favorables au régime, ont toutes échoué. Le couple fatal ainsi formé est suicidaire et ne peut avoir ni l’agrément  de la communauté internationale, ni la compréhension des autres forces politiques. Mais comme la peur tenaille chacun des deux, ils continuent de l’avant, en saccageant au passage le pays.

 

Le peuple ne peut compter que sur lui-même, avec la consolation d’avoir un  défenseur inattendu, le vieux professeur Zafy, ulcéré du lapin posé par le jeune putschiste. Il l’accuse de «parjure» et de manquer de respect envers des «raiamandreny» (les anciens, les «parents»). Ceux qui ont défié les militaires lors des manifestations étaient des jeunes que les propagandistes de la HAT (Haute autorité de transition) ont traités illico de «voyous». Il y avait bien des casseurs parmi eux, sans doute aussi des provocateurs et des jeunes gens décidés à ne plus se laisser intimider par un pouvoir qui fait peu cas des droits élémentaires. Leurs actes rejoignaient d’une certaine manière le credo du professeur Zafy : mourir pour mourir, autant que ce soit pour une cause qui en veuille la peine. Quelques intérêts français, comme l’ «Hôtel de France» ont été visés sans trop de conséquences. Mais c’est un signe de la montée des tensions. La France avait soutenu de façon peu discrète la HAT tout en condamnant le coup d’état. Les jeunes sont toujours beaucoup plus réactifs et plus spontanés que les anciens. Mais comme en 1972, les parents risquent de rejoindre leurs enfants dans le combat.   

 

Marc Ravalomanana qui s’était enfui en Afrique du Sud, et n’a pas eu le cran de revenir malgré ses promesses faites à ses partisans, s’écarte de fait du leadership. Cyclothymique (bipolaire précise une de ses proches connaissances), dans ses périodes d’exaltation, il peut être très dur et apparaître comme un chef décidé au point de refuser tout compromis, mais se replie en cas d’échec. Son état du moment se reflète dans ses décisions. Zafy est beaucoup plus stable dans ses convictions. Il reste le même quelques soient les circonstances. Il est donc plus facile à suivre, et par conséquent plus rassurant, qu’on soit en accord avec lui ou pas. C’est de manière naturelle qu’il a pris la tête de l’opposition après la fusion des 3 mouvances des ex-chefs d’état (Zafy, Ratsiraka et Ravalomanana) le 13 septembre. Il a qualifié dans la foulée la HAT de «dictature». Dans sa bouche, ce mot a un sens. Andry Rajoelina sait qu’il a en face de lui un adversaire qui ne variera jamais. Zafy s’est donné jusqu’au 20 septembre pour aboutir à une solution consensuelle afin de tenter de faire échapper le pays aux sanctions.

 

Les vernis craquent avec le temps et les épreuves. Le paraître s’efface en laissant place au vrai, à l’être. Zafy a montré qu’il a des valeurs même si ses analyses ne sont pas toujours affinées, comme le fait d’avoir proposé les 3 postes-clé (présidence, vice-présidence et primature) aux militaires. Ces derniers se sont faits un malin plaisir de refuser, en arguant de leur neutralité politique, tout en participant activement à la répression des légalistes. Les Malgaches, accrocs aux apparences, ont toujours préféré les chefs qui présentent bien (beaux, riches…) et ont la «tchatche» à ceux qui pensent bien. Les gros 4x4 et les costumes bien coupés pèsent plus que des diplômes universitaires ou des principes moraux. Peut-être vont-ils enfin enclencher cette révolution en profondeur prônée par Marc Ravalomanana en 2002 mais jamais initiée : le changement de mentalité.

 

En attendant, la situation  continue de se durcir. Le lundi 14, la partie de cache-cache a continué en plein centre ville entre jeunes et forces de l'ordre. 2 passants ont été blessés assez gravement par des balles en caoutchouc, un troisième a été passé à tabac. Un véhicule 4x4 a pris feu, semble-t-il après un jet de grenades lacrymogènes. Le même jour, la sénatrice Eliane Naika était placée en résidence surveillée à Manjakandriana, en violation des accords de Maputo. Son avocat a constaté qu'elle était couverte de bleus, consécutifs à son arrrestation musclée.

 

Les lémuriens continuent d’être massacrés, les tortues-araignées sont aussi chassées pour être revendues à des collectionneurs étrangers. 4000 illégaux sont actuellement dans des forêts et des parcs nationaux pour couper du bois de rose, exporté par containers entiers. Toutes ces espèces sont protégées. Dans le Sud, suite au naufrage le 26 août du cargo turc Gulser Ana, en liste noire, transportant 40.000 tonnes de phosphates, des baleines sont mortes. Ayant dû dépolluer eux-mêmes les plages et le rivage, plus de 6000 familles de la région de Faux-Cap souffrent actuellement de vomissements, de diarrhées et de problèmes respiratoires. Madagascar possède 2% de la biodiversité mondiale. Peut-être plus pour très longtemps…  

 

Photo 1 : Albert Zafy lors de Maputo II en août 2009

Photo 2 : Eliane Naika, sénatrice TIM de Morondava

Photo 3 : Des jeunes repoussant un camion de la gendarmerie lors des affrontements du 11 septembre

(credit-photos Sobika)

 

Alain Rajaonarivony




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commentaires

U
je site «...Nous avons conscience de notre devoir envers la nation... Nous n'avons pas peur de ce qu'ils pourront nous faire car tout le monde doit mourir un jour...»."sans peur, ni reproche" l'attitude est noble, mais il est mieux de ne pas se positionner en martyre, car il est important de bien penser à l'avenir du pays, et la position de M. Zafy est intouchable ... c'est aussi votre sentiment ?!!
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