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  • Alain Rajaonarivony

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18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 22:18

 

 

Si Andry Rajoelina voulait consolider son pouvoir en se débarrassant de son ministre de la Défense, le Général Noël Rakotonandrasana, il a été très mal inspiré. La réaction de l’armée a été virulente lors du face-à-face qu’il a eu avec ses représentants  le 12 avril, quelques jours après ce limogeage. Les officiers ont confirmé dans une conférence de presse tenue aussitôt après qu’ils ont exigé du pouvoir une «feuille de route» pour sortir de la crise, exigence que beaucoup de journaux ont traduite par «ultimatum», ce qui n’est pas inexact.

 

Dans son faux-direct télévisé du 14 avril, le président de la HAT (Haute autorité de transition) annonçait qu’il était prêt à se rendre à Johannesburg pour rencontrer son rival, l’ancien président Marc Ravalomanana. Le pouvoir de facto avait juré que l’heure n’était plus aux discussions et qu’il fonçait vers les élections. L’armée en a décidé autrement et Andry Rajoelina s’est exécuté, effectuant ainsi une véritable volte-face. La rencontre est fixée pour le 25 avril.

 

Contraints de se déjuger, les dirigeants ont tenté d’affaiblir leurs adversaires en essayant de découpler Marc Ravalomanana de ses alliés de circonstance, les anciens présidents Albert Zafy et Didier Ratsiraka. La manœuvre a fait long feu et ces derniers seront bien présents dans la capitale sud-africaine. Mais il n’y a pas que les putschistes à avaler leur chapeau puisque le «former président» fait depuis quelques jours des œillades à la France après l’avoir accusé, non sans quelques raisons, d’être derrière le coup d’état. Mais quand on sait qu’il projette de se rendre à Paris le 28 avril, on comprend mieux ce revirement.

 

Les tractations vont bon train et l’autre actrice, souvent citée par l’un ou l’autre camp, «nos amis français» ou «les soutiens des putschistes», c’est selon, se démène pour apparaître de manière plus positive. Elle aussi a tourné casaque et considère maintenant qu’il faut au moins respecter l’esprit de Maputo après avoir affirmé haut et fort que la seule solution était des élections rapides, les accords étant dépassés. Elle est partie prenante dans ce futur round de négociations, aux côtés de l’Afrique du Sud et la Sadc.

 

Il est certain qu’une solution émergera car les belligérants sont à bout de souffle. Si Andry Rajoelina revient les mains vides, il n’aura plus qu’à reprendre l’avion pour Paris et tenir compagnie à Didier Ratsiraka. Au moins, ce sera un binational qui aura l’heur de plaire à Jean-Marc Châtaigner, l’ambassadeur de France qui s’est fendu d’une «interview» sur «Sobika.com», le site de référence avec ses 2 millions de connexions par mois. Mais en fait d’interview, il s’agit plutôt d’un publi-reportage, le texte ayant été fourni «clés en mains» à la journaliste du site. Ce sont les responsables de la com de l’Ambassade qui ont fait les questions et les réponses. La journaliste a quand même affirmé à sa direction ne pas avoir touché de «felaka» (enveloppe). A défaut de transparence, la déontologie sauve les meubles.

 

Sachant cela, il devient intéressant d’analyser les propos de l’ambassadeur. Le ton est volontaire, parfois agressif. L’implication personnelle sonne comme une blessure. Il est vrai qu’il participe lui-même de cette ambiguïté hexagonale, qu’il aimerait effacer, en débarquant à Madagascar dès le surlendemain du coup d’état, le 19 mars 2009, et en se précipitant illico au Palais d’Ambotsirohitra pour voir Andry Rajoelina (voir article : «ce n’est pas encore le mot de la fin»). Pour la petite histoire, il était dans le même avion qui ramenait Mialy Rajoelina de Paris. Lors de la réception du 14 juillet, il ne s’est pas gêné pour critiquer vertement le président en exil alors qu’il n’avait pas encore présenté ses lettres de créance, enfreignant largement son devoir de réserve. Cet acte indispensable ne pourra être accompli qu’au retour d’Andry Rajoelina d’Addis-Abeba le 10 novembre 2009 (voir article : «Ambassadeurs et protocoles»). Il sera le seul diplomate à devoir se faire accréditer par la Transition.

 

En réalité, en 2002 comme en 2009, la France a pratiqué l’ingérence et a été contre ses propres valeurs (et donc contre ses ressortissants) et le peuple malgache au nom de la défense de ses intérêts géopolitiques et économiques. Total, Bolloré, les îles éparses… valent bien quelques entorses aux principes de la république et de la démocratie. Dès septembre 2008, Andry Rajoelina me disait que des diplomates français venaient le voir en lui confiant qu’il était «leur seul espoir» face à un président francophobe et proche des Américains. On était en pleine période Le Lidec, le prédécesseur de Châtaigner, qui en avait pris plein la figure et mal fini sa carrière. Et quand on voit ce qui est arrivé à Ravalomanana, le «mauvais œil» a bel et bien frappé !

 

Très cyniquement, la France a pris acte du rapport de forces qui tourne en défaveur des putschistes. Ce n’est pas faute de s’être impliquée, en continuant à soutenir militairement le régime par exemple, en livrant des armes et en maintenant ses instructeurs, ce qui lui a valu une remarque au vitriol du département d’état américain. Mais le peuple, diaspora compris, comme en 2002, a résisté.  

 

Que l’ambassadeur s’appuie sur une interview «préparée», pour ne pas dire «pipotée», pour justifier la diplomatie tricolore illustre la guerre de communication qui se déroule sur Internet. Coïncidence fâcheuse, Midi Madagasikara, quotidien proche des légalistes, suspendait ses forums où, il est vrai, l'ancienne puissance coloniale était attaquée de manière virulente, le 14 avril, le jour même où le texte de l’ambassadeur était envoyé à Sobika.com.

 

La France n’a qu’un moyen pour renverser le sentiment d’hostilité, non seulement du peuple malgache mais aussi des citoyens français établis à Madagascar, de plus en plus violent à son égard : contribuer au retour le plus rapide possible de la légalité. En 2002, l’alerte a été chaude et De Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, a dû se rendre en catastrophe à Antananarivo pour renouer les liens. Les Etats-Unis avaient reconnu le pouvoir de Marc Ravalomanana lors de la cérémonie de l’Indépendance du 26 juin, boycottée par l’ambassadeur de France, cette année là. En 2010, après des mois d’errements, la réaction a été plus rapide mais la moindre erreur de l’Hexagone se paiera désormais cash.

 

Car contrairement à ce que semble penser les responsables de la diplomatie française, les Malgaches et leur intelligentsia font très bien la différence entre les intérêts de la Francafrique et les valeurs de la France et en ont assez de la confusion des genres. Comme le souligne Nirina Rajaonison dans son petit ouvrage, «Première démocratie, Madagascar IVème république?» (Azalées éditions), «dans la crise actuelle… la politique sarkozienne s’est engouffrée dans une voie qui rappelle approximativement la «Françafrique» et qui, de ce fait, l’oblige à prendre un double langage diplomatique inintelligible». L’auteur est un ancien de l’Institut d’études politiques de Strasbourg et son livret est une contribution intéressante à la réflexion générale pour sauver les générations futures. 

 

En attendant, ce 18 avril, un énième coup d’état aurait été déjoué. Des réservistes auraient programmé d’attaquer le palais de la Primature à Mahazoarivo, à  une heure du matin. Ils n’avaient pas d’armes, qui leur auraient été distribuées avant l’attaque… Ca tombe mal (ou on ne peut mieux, ça dépend où l’on se place) juste avant Johannesburg !

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

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commentaires

P
<br /> <br /> Chronique d'une mort annoncée de la HAT !<br /> <br /> <br /> Comment peut-on imaginer que des gens raisonnables puissent accepter les fantasmagories d'un incompetent, d'un enfant pourri qui prend ses caprices pour des réalités, d'un inculte qui est obligé<br /> de se faire sans vergogne chaperonner par la France? Il devrait avoir un minimum de jugeotte pour penser que le peuple malgache n'est pas les gens d'une boite que lui DJ fait danser au gré de sa<br /> musique! Des acteurs dans d'autres pays sont devenus hommes politiques  mais ils avaient / ont de la culture et de l'intelligence. Maintenant, il et sa clique doivent circuler  car on<br /> les a plus que vus !!! En ce moment , on a honte d'etre malgache et d'avoir des gens de cet "acabit "nous representer<br /> <br /> <br /> Et maintenant la suite?  Cela fait 50 ans que Madagascar - Republique - n'a pas de res publica: le pouvoir a toujours éte corrompu et le peu de "progres" enregistré sous Ravalomanana n'est<br /> qu'un mirage macroeconomique - le paysan est toujours pauvre, le taux de scolarité tres faible , l'acces au soins  a désirer. Donc arretons de faire du fétichisme et du sentimentalisme .<br /> <br /> <br /> Madagascar a besoin de nouveaux hommes et femmes enfin imbus de notre patrie et des mitrogo vao homana et non de leurs poches,avec une<br /> intelligence et une vision pour la nation. Ni des pantins, ni des benis oui - oui , ni  des ideologues , ni des exploitants de la mentalité et culture malgache ni des .......et la liste est<br /> longue.<br /> <br /> <br /> Je fais un reve que Madagascar puisse trouver cette équipe et que je n'entende plus  ce refrain : vous etes un pays riche avec des ex- dirigeants tous tres  riches et pourtant vous<br /> faites partie  des pays les plus pauvres du monde !!! Cherchez l'erreur !!!<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> bonjour,<br /> <br /> <br /> merci beaucoup pour cette analyse très intéressante à mon humble avis...<br /> <br /> <br /> j'apprécie surtout le passage concernant l'ingérence de la France, la démocratie piétinée au nom des intérêts géopolitiques et économiques...<br /> <br /> <br /> et surtout "l'erreur de l'hexagone se paiera désormais cash"...<br /> <br /> <br /> bonne journée<br /> <br /> <br /> <br />
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