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  • : Le blog de Alain Rajaonarivony
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  • Alain Rajaonarivony

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11 avril 2009 6 11 /04 /avril /2009 00:00


Rien de beau ne peut se construire sur des bases malsaines. C’est un postulat qui s’applique aussi bien aux nations qu’aux individus. Que les conséquences d’une vilénie ne se voient pas tout de suite n’enlève rien à la véracité de ce qui semble une des grandes lois de la vie.

 

Comment une démocratie peut-elle naître de forfaitures et de trahisons ? «Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ?»* prévient l’Evangile depuis 2.000 ans. Rien n’y fait ! Les Malgaches prompts  à invoquer Dieu  pour tout, y compris pour consacrer un « coup d’état », ont apparemment oublié ce genre de versets.

 

Des démocrates authentiques ont combattu la dérive autoritariste de Marc Ravalomanana. Ils ont naturellement soutenu le jeune Maire d’Antananarivo, en butte à toutes les tracasseries du pouvoir central. Mais ce dernier a dérapé à son tour très vite, dès son auto-proclamation à la tête de l’Etat le 31 janvier. Il aurait fallu alors prendre des distances afin de rester cohérents avec les idéaux de libertés et de respect de la Constitution. Obnubilés par la volonté d’éliminer le Président, beaucoup n’ont pas su prendre cette décision à temps et ont perdu l’occasion d’incarner une voie de sagesse à laquelle nombre de citoyen(ne)s auraient pu se rallier et s’identifier.

 

Les militaires mutins du Capsat avaient eux aussi commencé comme des héros en refusant de participer aux répressions ordonnées par le chef de l’Etat. Mais comme le Maire, ils n’ont pas su résister à la tentation d’outrepasser les limites. De la neutralité qu’ils ont prônée  au départ, ils sont passés à un rôle actif en décidant d’aider Andry Rajoelina à leur façon. Entre le «coup d’état» du 17 mars, les répressions des manifestations pacifiques et les brigandages divers et variés mais en particulier à l’égard du groupe Tiko, ils ont totalement perdu leur image de « défenseurs du peuple ».

 

Rappelons que la contestation a vraiment débuté fin novembre 2008, ce qui coïncide avec la publication par le Conecs (Conseil économique et social) de son rapport très critique envers le mode de gouvernance. Le but était alors d’obliger le pouvoir à respecter les droits reconnus par la Constitution : liberté d’expression, d’entreprendre, arrêt de ventes de terres non transparentes à des sociétés étrangères, etc… La kleptomanie économique du Président était farouchement dénoncée et le rapprochement avec le Maire de la Capitale parfaitement logique. Mais en aucun cas, il n’était prévu que ce jeune édile devienne Calife à la place du Calife.

 

On peut dire que ce dernier a roulé ses alliés de la première heure, encouragé en cela par des «amis» qui l’ont financé et qui sont bien sûr originaires de l’ancienne puissance coloniale. Mais il aurait eu du mal quand même à prendre le pouvoir sans la fourberie de vieux politiciens rassis. Car tout le malheur vient de là. Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, au bout du rouleau tous les deux, auraient fini par s’asseoir à une table et discuter sans la série de trahisons et les violences du Capsat du 17 mars. Aucune aide n’aurait été suspendue et la vie des simples citoyens aurait pu reprendre petit à petit normalement, tandis que les dirigeants auraient trouvé une formule de cohabitation originale, et vraiment pour le coup, une solution « à la malgache ».

 

De ce cloaque nauséabond, où félonie rime avec traîtrise et retournements de veste, que peut-on retenir de positif pour l’avenir ? L’attitude des femmes, exemplaire pendant ce conflit.

 

On se souvient de la sortie fracassante de Madame la ministre de la Défense, Cécile Manorohanta, juste après la tuerie du 7 février (voir article : « Merci, Mesdames! »).  Elle fut la seule membre du gouvernement à oser, par sa démission, lancer au visage de Marc Ravalomanana qu’on ne tue pas ses concitoyens pour se maintenir au pouvoir. Et le 9 avril, les femmes «légalistes» ont défilé en blanc dans les artères d’Antananarivo. Après avoir remis une lettre aux bureaux des Nations Unies à Andraharo, elles ont rejoint la Place de la Démocratie à Ambohijatovo. Elles ont montré publiquement à Andry Rajoelina que la lutte contre l’autoritarisme ne justifie pas la prise du pouvoir par la violence en foulant aux pieds la Constitution.

 

La HAT (Haute Autorité de Transition), qui ne s’attendait pas à une telle résistance de la population, est désemparée simplement 2 semaines après avoir pris les commandes du pays. Sujette à des luttes intestines, incapable de contrôler les soldats mutins, elle a finalement accepté d’entamer le dialogue avec les représentants de Marc Ravalomanana, sous la pression de la communauté internationale et de la rue.

 

Les prises de contacts, sous l’égide des Nations Unies et de l’Union Africaine, se sont effectuées le 9 et 10 avril à l’Ambassade du Sénégal. Le deputé Raharinaivo Andrianatoandro, porte-parole du TIM (parti présidentiel), avait d’abord considéré dans un premier temps qu’il s’agissait d’un «succès». Mais le vendredi, il quittait la négociation en affirmant que c’était «un dialogue de sourds». Les «légalistes» posent toujours le retour de Marc Ravalomanana au pays comme préalable à tout accord. La HAT a poursuivi par contre ce samedi la réunion avec les émissaires des anciens chefs d’Etat Albert Zafy et Didier Ratsiraka. Une fois de plus, Andry Rajoelina évite un débat de fond avec le Président «en titre» (selon le mot d’Alain Joyandet) pour arriver à une vraie sortie de crise.

 

Ces discussions auraient dû avoir lieu depuis très longtemps mais l’aveuglement et les calculs de bas étage les ont empêchées (voir article : «Attention aux erreurs d’appréciations fatales»). On est curieux de voir comment les deux principaux responsables de cette crise, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana vont se débrouiller. Le passé récent a démontré leur totale incapacité à saisir les opportunités de paix. Ils semblent n'avoir poursuivi qu’un seul but : la destruction de l’autre. Cette fois-ci, c’est le Maire, devenu président de la HAT qui a tout à perdre. Face au désastre économique et social, la colère gronde sourdement et explosera fatalement, sans doute beaucoup plus vite que ne le pensent les dirigeants actuels. Le peuple, dont tout le monde se réclame, renvoie dos-à-dos les deux hommes. Il ne tolérerait plus des comportements indignes ou infantiles.

 

Alors, politiciens, tous pourris ? Peut-être pas quand même et en tout cas pas au féminin.

 

 

* Matthieu 7 : 16

Photo : les femmes légalistes dans les rues d'Antananarivo le 9 Avril (Photo Sobika.com. Merci, Niry!)

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

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commentaires

R
Bonjour M. Rajaonarivony,Je vous lis régulièrement et j'ai envie de vous parler d'un sujet que vous n'avez pas du tout évoqué depuis le début de cette crise : "l'impunité de nos hommes politiques". Comment analysez-vous ce sentiment d'impunité qui règne dans notre pays quand il s'agit de nos dirigeants? Est-ce que les "légalistes" comme on dit sont tous amnésiques au point d'oublier qu'il y a eu des morts dans cette affaire?Je pense que le point de non retour a été franchi le 7 février en ce qui concerne le mandat de M. Ravalomanana. Sans parler des abus de pouvoir et j'en passe qui lui aurait valu dans un état de droit la démission pure et simple, le carnage du 7 février est pour moi la preuve irréfutable qu'il ne doit plus rester à son poste : il aurait dû sansctionner le donneur d'ordre pour l'exemple, et démissionner en tant chef suprême des armées. C'est ce qu'il aurait dû faire. Une femme l'a fait, vous l'avait souligné, et les autres, où ont-ils mis leur sens de l'Honneur et des responsabilité?Tant que nous restons amnésique sur ce problème de l'impunité, rien n'empèche le prochain prétendant au trône à utiliser la force, encore et encore pour se maintenir au pouvoir. Rien qu'au sang versé, je pense qu'il est moralement indécent de parler encore du retour de Ravalomanana. Je ne cautionne pas la prise de pouvoir par la force loin de là, mais si M. Ravalomanana avait pris ces responsabilités le 7 février, les choses se seraient peut-être passées autrement.
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