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13 septembre 2011 2 13 /09 /septembre /2011 00:10

 

 

«Vous êtes mal, Monsieur, vous osez proférer des menaces à un Haut emploi de l'Etat, à une Ministre et cela devant témoins, j'ai des personnes dans mon bureau, cher Monsieur !». Les membres du cabinet de la ministre étaient effarés de la tournure que prenait la discussion téléphonique de leur supérieure avec un businessman franco-karana. Ils n’étaient sans doute pas les seuls. L’homme d’affaires millionnaire (en Euros), devait être très surpris qu’une petite malgache, fut-elle ministre, ose lui tenir tête alors qu’il était de notoriété publique que des officiers bardés de galons et le flingue à la ceinture, «s’étalaient» pour quelques liasses de billets (en devises fortes quand même). Nous étions là en présence d’une incompréhension interculturelle typique, un «incident critique» en psychologie sociale. C’est de l’histoire, très récente, que les anciens collaborateurs de Nadine ne sont pas près d’oublier…

 

La Reine Ranavalona III en exil 229613 259900844036251 1000Certaines traditions remontent à loin dans l’armée malgache. 1896 : la reine Ranavalona III est assiégée dans son Palais par les troupes françaises. Le gouvernement français désirait faire main basse sur les richesses de l’Ile (ça aussi, c’est une tradition qui continue). L’armée malgache n’a pas livré bataille, a part les cadets de la Reine, quelques dizaines, qui se sont battus jusqu’à la mort sur les falaises entre Tamatave et Tananarive. Les généraux «11 honneurs», parfois avec 3.000 hommes à leur disposition, ont palabré avec l’ennemi. Certains ont retiré une belle somme en vendant leurs armes, d’autres n’avaient pas envie de se battre et sont allés rejoindre leurs maîtresses tandis que les Français avançaient vers la capitale. En échange, ils ont reçu quelques menus avantages pécuniaires.

 

Les différends qu’avaient eus des hommes d’affaires avec le gouvernement royal étaient le  prétexte pour lancer la guerre contre la Grande Ile. Le Petit Journal du 9 décembre 1894 justifiera ainsi l'intervention : «Nous allons prochainement entrer en campagne contre Madagascar, et le monde entier nous rend cette justice que nous ne sommes pas les agresseurs, que nous n'avons été guidés ni par l'esprit de conquête, ni par un désir de lucre; mais notre dignité nous défend de supporter les insultes des sauvages de là-bas. Que dirait-on de la France si sa main ferme ne lui servait à venger de pareilles injures?». Mort de rire, si les Malgaches n’étaient pas morts tout court ! Euh…, les sauvages, c’est nous… Certains accents font penser aux déclarations actuelles sur la Libye. Ce n’est évidemment pas pour le pétrole et les milliards de dollars que les Etats-Unis et la France ont déstabilisé ce pays.

 

La petite Reine, abandonnée par ses officiers, restera seule et sera exilée. Elle ne retrouvera jamais sa terre natale mais gardera sa dignité jusqu’au bout et forcera l’admiration de ceux qui auraient bien voulu la réduire à l’état de sauvageonne.

 

Depuis, le commandant du Camp Orangea, à Diego Suarez, a vendu des terrains militaires en bord de mer à des Français et des Karana pour qu’ils y construisent des bungalows. Ce scandale a été révélé le mois dernier. D’autres militaires proposent des mitrailleuses lourdes et des lance-roquettes pour arrondir leurs fins de mois. C’était il y a quelques jours…

 

Après «l’accident» de Sonierana Ivongo, au retour de la ministre de la Population et des Affaires sociales de Sainte-Marie (voir article : «Nadine ne les gênera plus»), certains «Fozas» ont sabré discrètement le champagne. Outre la ministre, parmi les victimes figurait Mme Aimée, la chargée de missions et personne de confiance de la ministre. Elle venait justement de terminer une reconnaissance concernant un membre de la HAT qui a réussi à faire construire 5 villas en quelques mois alors qu’il n’en possédait pas une seule auparavant. Elle avait recoupé les preuves mais sa ministre n’aura plus l’occasion de  dévoiler publiquement ce délit ce corruption,… ni aucun autre d’ailleurs.

 

Courageuses femmes qui n’avaient aucune chance d’en réchapper malgré leurs gilets de sauvetage. Quand on est attaché ou du mauvais côté du bastingage, on ne peut être éjecté… La commission d’enquête bidon de la HAT conclue à la faute de passagers qui auraient changé de bord pour ne pas être éclaboussé par la vague. C’est ridicule évidemment mais ce sera la thèse officielle. Concernant l’explosion, la commission reste coite. Les moteurs étaient intacts. Grenade, dynamite ou autre explosif, de toute façon, l’explication serait gênante. Les familles des sauveteurs tués par l’explosion ont porté plainte pour attentat à l’explosif. La commission cogite sur une cause accidentelle, sans grande inspiration pour l’instant…

 

La plainte déposée par la ministre pour les menaces dont elle a fait l’objet (voir article précédent) n’aurait pas eu de suite.

 

Le Général Ravalomanana a créé une polémique parmi les officiers en annonçant dans la précipitation aux médias français l’accident de la vedette, alors qu’il ne serait même pas responsable de la circonscription de Tamatave, selon ses collègues.

 

Il n’y a pas que les «Foza» qui se sont réjouis. Les «Fôpla» (voir article : «C’était un si beau pays : «Foza» et «Fôpla», même combat») ont aussi fêté bruyamment la mort de la ministre sur les forums au point d’écoeurer leurs propres leaders. Dans l’un de nos échanges, en même temps qu’il m’annonçait que Mamy Rakotoarivelo allait présenter ses condoléances au nom de la mouvance Ravalomanana, Mahery Lanto Manandafy m’avouait en avoir assez des obscénités et «autres c…ries de ce genre». Quelques heures après Mamy Rakotoarivelo,  qui se fera traiter illico de traître, c’est Marc Ravalomanana lui-même qui présentera, un peu tard, mais mieux vaut tard que jamais, ses condoléances. On ne sait pas encore si lui aussi est un traître. 

 

En fait, les «Fôpla» et les «Foza» font partie de la même mouvance, celle des extrémistes, dont la frustration refoulée les amène à s’exprimer de manière violente, frisant parfois la psychopathologie, mais sans s’exposer (souvent bien à l’abri des pseudos). Nadine représentait une voie originale, celle qui voulait réconcilier tout le monde et mettre fin à la crise, contre les barons de la HAT et la majorité de la classe politique arriviste. On pourrait la qualifier de troisième voie. Sans renier ses idéaux, elle était en contact avec des responsables légalistes dont Mahery Lanto Manandafy, afin de trouver une sortie «par le haut». Haïe par les extrémistes des deux bords, elle était bien perçue par le peuple. Cette popularité peut être résumée par un commentaire d’une de ses amis Facebook : «Je suis contre la HAT mais elle je l'aimai bien! elle été differente dè autre ministre HAT. que le BON DIEU soit avec vous Madame la Ministre». Elle était consciente du danger mais a pris tous les risques. On en parlait de temps en temps. Mais ceci est une autre histoire…

 

Photo : la reine Ranavalona III en exil

 

 

Alain Rajaonarivony  

 

 


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