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13 mars 2009 5 13 /03 /mars /2009 08:45


"La seule solution à la crise actuelle à Madagascar est la reprise du dialogue", a encore répété le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, hier jeudi 12 mars. Il n'a fait que reprendre les exhortations des diplomates présents à Madagascar qui aimeraient enfin voir les Malgaches s'asseoir à une même table pour négocier. Les nouvelles dispositions du Président, en état de faiblesse car abandonné par l'Armée, représente une opportunité.

L'Ambassadeur américain Niels Marquadt, dans son plaidoyer le 10 mars pour la tenue des "Assises Nationales" a parlé de "raiamandreny" (parents emplis de sagesse) et de "fihavanana" (bons rapports avec autrui), puisant au fond de la culture malgache pour tenter de convaincre ses interlocuteurs. L'ensemble du corps diplomatique et des institutions internationales ont fait comprendre que leurs aides ne pourraient être débloquées en cas de prise de pouvoir par la force.

La diatribe violente de Jeannot Ramambazafy intitulée "Madagascar : Communauté internationale, halte au chantage!" parue sur Madagate.com le 11 mars a laissé plus d'un pantois. Ne la cherchez pas! Elle a été opportunément (et promptement) éffacée du site. Comme il s'agit d'un confrère que j'estime, je me garderai d'enfoncer le clou. J'aimerai seulement relever que ce dérapage est sans doute dû à la tension qui domine la vie nationale depuis des mois maintenant et qui met les nerfs à rude épreuve.

Car sinon, comment expliquer que ce partisan passionné et courageux d’Andry Rajoelina puisse coucher des mots si durs pour les diplomates en place. « Ce sont eux (les Malgaches) les vrais bâtisseurs d’un pays riche et prospère qu’on aurait du être si les dirigeants passés et présent n’étaient pas assurés d’impunité totale et de protection comme vous le faites. L’unique et seule solution à cette crise est de commencer par dégager les dirigeants parjures, menteurs et assassins. Et non les protéger au nom d’une constitution pourrie et de la légalité qui n’a plus sa raison d’être sans légitimité. Moralité : vous voulez vraiment aider Madagascar ? Engagez-vous à préparer le texte d’une nouvelle constitution basée sur le «Teny nierana» bien malgache ou bien taisez-vous ! Car de richesses, Madagascar en regorge. Coupez les vivres et vous vous en mordrez les doigts".

Jeannot Ramambazafy sait aussi bien que moi qu'Andry Rajoelina ne serait peut-être plus de ce monde s'il n'y avait pas eu ces diplomates. La France a couru le risque d'un incident diplomatique en exfiltrant ce dernier de sa demeure assiégée le 6 mars au matin et en le cachant dans la résidence de son ambassadeur pendant plusieurs jours. La Présidence et le TIM (parti présidentiel) le savent si bien qu'ils ont organisé une manifestation devant l'Ambassade de France le 10 pour marquer leur désapprobation.

Cette protection tant décriée par les contestataires, elle a été et est toujours accordée à Andry Rajoelina. Alors, un minimum de retenue, à défaut de remerciements, serait une attitude adéquate. C'est maintenant qu'il faut garder la tête froide car le pays a besoin d'une réflexion sereine. Certes, les diplomates défendent les intérêts de leurs nations respectives. Mais s'ils font preuve d'une certaine éthique en prônant une solution négociée sans effusion de sang, c'est tout bénéfice pour les Malagasy. Qu'on fasse en sorte que ces "Assises nationales" ne soient pas un marché de dupes est une chose. Qu'on en récuse même le principe en est une autre.

Ou alors, préférons-nous un assaut sur le Palais d'Iavoloha défendu par la garde présidentielle? Peut-être qu'avec quelques centaines de morts de plus, la crise se résoudra-t-elle plus vite? Je ne crois pas. A chacun d'assumer ses prises de position. Comme le nouveau chef d'Etat-major, le colonel André Ndriarijaona a déclaré le 12 mars après une rencontre avec le FFKM (Conseil oecuménique des églises) et une délégation de diplomates qu'il aimerait que les "Assises" soient organisées "au plus vite", ceux qui n'en veulent pas devront chercher des troupes.

Marc Ravalomanana est mis hors d'état de nuire et ce n'est pas seulement le fait des quelques personnes de la HAT ("Haute Autorité de Transition"). Des milliers de citoyens se sont engagés dans ce combat car ils croyaient en un avenir meilleur. Et ces Malagasy, sans lesquels Marc Ravalomanana ne serait jamais arrivé au pouvoir en 2002 pas plus qu'Andry Rajoelina n'aurait tenu en 2009, ne veulent pas d'une guerre civile.

Que le chef de l'Etat soit de mauvaise foi, personne n'en disconvient. Maintenant qu'il a les crocs limés, au point de présenter des excuses à la nation, c'est le moment ou jamais de lui faire tenir ses promesses.

Comme en 2002, les Malagasy peuvent montrer au monde qu'ils ont une culture et des valeurs. La démocratie peut aussi se gagner avec panache. La situation de Madagascar n'est pas aussi dramatique que celle de l'Afrique du Sud au moment de son basculement de l'apartheid à la démocratie. C'est vrai qu'elle avait Nelson Mandela, d'une lignée royale Xhosa mais qui avait passé 27 ans en prison. Il en sortait à 71 ans, sans désir de revanche sur ses adversaires et avec l'objectif de sauver les futures générations en leur évitant les affres de la division et de la haine.

La classe politique malgache a trop peu de noblesse, de sagesse et d'humilité. Ce sont de vrais handicaps et les véritables raisons qui pourraient entraîner l'échec des négociations. Tout le reste n'est que littérature et la dialectique est un domaine où les Malgaches excellent.


Photo : l'Ambassadeur Niels Marquadt (photo Présidence)


Alain Rajaonarivony


 
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11 mars 2009 3 11 /03 /mars /2009 01:08


En général, lorsque deux belligérants engagent des négociations, ils conviennent d’une trêve pour se trouver dans un climat moins tendu et se donner toutes les chances d’aboutir. Marc Ravalomanana avait cru plus intelligent de faire le contraire. Il avait brutalement engagé l’Emmonat (Etat major mixte opérationnel, forces conjointes de la police, de la gendarmerie et de l’armée) dans une répression tous azimuts dès le 4 mars pour arracher la décision.

 

Les commentateurs les moins avertis ont cru à l’efficacité de cette stratégie et en ont déduit le début de la fin du mouvement de contestation et de son chef Andry Rajoelina. Sur ce blog, vous avez pu lire que cela allait sans doute entraîner une violence accrue et la division de l’armée (voir l’article du 5 mars : « Le « Fihavanana », une conception devenue virtuelle »). La mutinerie de la garnison du CAPSAT (Corps d'Administration des Personnels et Services de l'Armée de Terre) le dimanche 8 mars a été le prélude à cette scission. Les soldats se sont mis sous les ordres du colonel Noël Rakotonandrasana et ont refusé d’obéir aux officiers de l’Emmonat. Ils ont expliqué que « c’est à la demande du peuple » qu’ils ont pris cette décision et ne veulent plus participer à un maintien de l’ordre qui vire à la « répression ».

 

La violence a connu plusieurs pics à l’initiative du pouvoir. L’attaque du domicile du Maire Andry Rajoelina dans la nuit du 5 au 6 aurait pu tourner au drame étant donné la proximité du Lycée français et ses 1600 élèves (voir article précédent). Et le 7 mars, la soirée a encore été chaude mais cette fois-ci du côté du « Tana Water Front », où se trouve l’immeuble de Viva Tv et Radio. L’Emmonat n’a pas fait dans le détail et saccagé les locaux. Ce qui a fait dire à certains que les forces de l’ordre se sont finalement comportées comme les casseurs qu’ils sont sensés combattre.

 

L’ONU, qui parraine les négociations menées par le FFKM (Conseil œcuménique des Eglises) entre les deux partis, a très moyennement apprécié l’attitude du Président. Les diplomates ont exfiltré le Maire de sa demeure assiégée et l’ont caché en « lieu sûr », c'est-à-dire à la « Résidence de France ». 

 

Le 9 mars, les protestataires sont revenus timidement sur la place du 13 Mai, incrédules de la voir de nouveau accessible. Des jours de violences, de courses-poursuites entre l’Emmonat et des manifestants, des nouveaux morts, souvent totalement étrangers à ce conflit, un gamin de 12 ans, une étudiante tuée dans sa chambre, un marchand de beignets atteint à la tempe, autant de souffrances qui auraient pu être économisées.

 

Mais mis sous pression par l’Union Africaine, le Président a tenté son va-tout. Comme prévu, ce fut totalement contre-productif. Des « touristes » très spéciaux ont dirigé les manœuvres de l’Emmonat sur la place du 13 Mai. « Instructeurs » selon la terminologie officielle, mais plus proches de mercenaires, leur présence témoignait du manque de confiance du Président envers ses officiers.

 

Andry Rajoelina a dû se terrer et n’osait plus réapparaître en public mais paradoxalement, c’est le Président qui a le plus perdu. Sa crédibilité a été anéantie. Il était manifeste aux yeux des observateurs qu’il a perdu le contrôle de la situation. Il a été obligé de promettre le lundi 9 à Tiébile Dramé, le représentant de l'ONU, de ne pas arrêter Andry Rajoelina et de laisser libre ses collaborateurs de leurs mouvements.


Le mardi 10 mars à Paris, le porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères, Frédéric Desagneaux, révélait que son pays a accordé l’asile au Maire pourchassé en le cachant dans la résidence de son Ambassadeur depuis l’attaque du vendredi, en précisant qu’il venait d’en partir pour un autre endroit sécurisé.


Dans le même temps, le ministre de la défense, le vice-amiral Mamy Ranaivoniarivo, était obligé de signer sa démission sous la contrainte, une centaine de soldats l’ayant retenu dans ses bureaux pendant près d’une heure jusqu’à ce qu’il abdique. Dans la journée, on apprenait le ralliement de pratiquement tous les corps de l’armée au mouvement initié par le CAPSAT.

 

Plusieurs centaines de partisans du régime qui manifestaient devant l’Ambassade de France ont failli en venir aux mains avec les contestataires venus de la place du 13 Mai, située non loin de là mais la police a dispersé tout le monde.

 

Dans une émission radio-télévisée, le Président a fait son mea-culpa, déclarant qu’il n’était qu’un « homme, pouvant faire des erreurs ». « A ceux qui ressentent de la colère, je peux le comprendre…Je voudrais vous dire que je suis prêt à vous écouter et je vous fais la promesse de rechercher des solutions à vos motifs de plaintes ». Repentance trop tardive, estiment les opposants les plus radicaux qui rejettent même l’idée des « Assises nationales » que le FFKM tente de mettre en place du 12 au 14 mars. De cette réflexion élargie devrait sortir une solution consensuelle.

 

En sabotant cette initiative et en demandant le départ du Président, les extrémistes de l’opposition feraient la même erreur d’appréciation que Ravalomanana en mode inverse. Fort du ralliement de l’armée, ils estiment pouvoir arracher la décision au forceps et régner sans partage. Cela entraînera encore plus de désordres et plombera leur crédibilité internationale. Hors du dialogue, il n’y a point de salut sauf à préférer des tensions larvées qui déboucheront fatalement sur une autre explosion.

 

Bizarrement, le chef d’Etat-major (CEMGAM), le général Edmond Rasolomahandry, a donné 72 heures aux politiques pour résoudre la crise, faute de quoi, l'armée prendrait  "les affaires en mains pour sauvegarder les intérêts supérieurs de la nation". Il sait pourtant que les "Assises nationales" doivent débuter dans deux jours. Pour compliquer encore la situation, un groupe d'officiers composés de colonels et de lieutenants-colonels disposant de commandement stratégiques, ont nommé un des leurs, le Colonel André Ndriarijaona, comme nouveau CEMGAM. Ils ont déclaré refuser toute idée de « directoire militaire » que semble caresser leurs ainés. Ils rejettent aussi tout ordre venant du Président.

 

Le PDS (Président de délégation spéciale) nommé par le pouvoir, Guy Rivo Randrianarisoa, qui a joué les matamores à la télévision en tenant des propos provocateurs incitant à la violence, l’a payé très cher. Son domicile a été incendié en début d’après-midi.

 

Le Maire a commis énormément d’erreurs qui lui a aliéné une bonne partie de la sympathie dont il bénéficiait. Il a démontré son immaturité en se laissant embobiner par les « has been » de l’opposition, des vieux politiciens qui lui ont resservi le plat réchauffé de 1991 ayant conduit le pays au désastre. Ses appels à une grève générale impopulaire et sa marche tragique devant Ambotsirohotra (voir article : « Carnage devant le palais ») lui ont été inspirés sans doute par ces « cerveaux » ayant eu à maintes reprises l’occasion de démontrer leur incompétence et leur volonté de se faire une place au soleil sur le dos du peuple. Mais Ravalomanana n’a pas su exploiter ces faiblesses et à chaque fois l’a remis en selle par des prises de décision irréfléchies allant toujours dans le même sens : l’autoritarisme et l’oppression. Son manque de clairvoyance et de tolérance lui a coûté très cher.

 

Les deux rivaux ont montré leurs limites et  c’est peut-être la seule chose positive pour les Malagasy qui seront désormais beaucoup plus critiques à leur égard mais aussi envers ceux qui vont les suivre. Le Secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf,  enverra le 12 mars son émissaire, l'ancien Premier ministre togolais Edem Kodjo, à Madagascar, pour "contribuer à une sortie durable de la crise". L’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) devrait tenir son sommet à Madagascar en 2010.

 

Il s’agit maintenant de trouver des solutions conservatoires et non transitoires si on veut que le pays retrouve une sérénité pérenne permettant à ses dirigeants de ne plus être contestés à chaque poussée de fièvre. Ce soir du 10 mars, le Président s’est mis à l’abri dans un lieu sûr. Les rôles sont inversés.  

 

 

Alain Rajaonarivony

 


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7 mars 2009 6 07 /03 /mars /2009 16:21



Après la claque reçue par Alain Joyandet, secrétaire d’Etat français à la coopération lors de son passage à Antananarivo le 11 février, la France se faisait très discrète. Il avait alors eu droit à quelques minutes d’entretien avec le Président malgache, dans une atmosphère glaciale, de quoi refroidir les meilleures bonnes volontés. Et pourtant, l’ex-puissance coloniale avait pris la précaution de s’intégrer dans une délégation de bons offices de la COI (Commission de l’Océan Indien), regroupant les états de la région dont elle fait partie grâce à l’Ile de la Réunion, pour être moins voyante. Cela n’avait pas suffi ! Dans la journée, lors du meeting de soutien au Président, les banderoles anti-françaises (« Français, arrêtes ton cinéma sinon dehors ! ») étaient bien visibles.


Le vendredi 6 mars, les élèves du Lycée Français de Tananarive (LFT) se sont retrouvés coincés entre les forces de sécurité et les comités de vigilance populaire (andriamasom-pokonolona) protégeant le Maire. Dans la nuit du 5 au 6 mars, le Président avait donné l’ordre d’arrêter son adversaire mais l’intervention a échoué devant la résistance des citoyens défendant les barrages. Andry Rajoelina ayant été exfiltré dans la matinée du 6, les affrontements se sont ensuite déroulés devant une résidence vide.


 Il était totalement irresponsable de la part du pouvoir d’ordonner des combats à deux pas d’un établissement scolaire qui accueille 1600 jeunes. Il était tout aussi ignoble d’instrumentaliser les enfants comme l’ont fait les responsables des barrages. La situation a dégénéré quand une ambulance est arrivée au LFT. Elle a pu passer sans encombre mais à un moment, la rumeur s’est répandue dans la foule que ce véhicule devait servir à récupérer en douce quelques rejetons de ministres. Les manifestants ont alors exigé des contrôles. L’arrivée d’un des hélicoptères de la Présidence au-dessus de l’établissement a brutalement accru la tension alors que les négociations étaient sur le point d’aboutir pour la sortie des élèves.


Si tout s’est finalement terminé de manière heureuse, c’est beaucoup grâce au sang-froid des responsables du Lycée. Cette prise en otages non préméditée de ses jeunes ressortissants devrait en tout cas inciter la France à se montrer un peu plus active sur le plan diplomatique. Après tout, en tant que vieille nation démocratique ayant gardé des liens très forts avec la Grande Ile, aussi bien économiques qu’affectifs, elle a autant de légitimité que d’autres, pays ou organisations amis, à aider au dialogue et à la réconciliation inter-malagasy.


A côté de la France étatique, il y a aussi la France citoyenne représentée par ses élus. Jean Faure est de ceux-là. Questeur du Sénat en 2002, il n’avait pas hésité à prendre fait et cause pour le peuple malagasy et son champion de l’époque, Marc Ravalomanana, contre les positions officielles du Quai d’Orsay. Son intérêt pour la Grande Ile ne s’est pas démenti depuis et ce vécu apporte une certaine crédibilité à son analyse. Président du groupe interparlementaire d’amitié France-Madagascar et pays de l’Océan Indien, il donne son sentiment sur les évènements actuels.



Jean Faure le 5 mars au Sénat, 

 juste avant les incidents du LFT.


« C’est trop douloureux de voir ce qui se passe actuellement. Madagascar est un pays qui possède une culture de non-violence. Historiquement, mises à part quelques flambées, toutes les crises se sont toujours réglées par l’écoute.


Depuis 50 ans,  Madagascar a pris l’habitude d’évoluer lentement mais sûrement vers un fonctionnement démocratique. Il faut retrouver les chemins du dialogue. On peut régler les problèmes sans affrontements brutaux. Il est impensable de voir le sang versé dans un pays où la discussion est une des bases de la culture.


Les rouages de l’Etat ont été institués de façon démocratique. Il faut juste les faire fonctionner correctement, y compris pour l’opposition. On ne prend pas le pouvoir à la pointe du fusil contrairement aux révolutions maoïstes. C’est valable pour tous les acteurs de cette crise. On doit avoir un mode d’expression qui n’est pas basé sur la force.


On ne peut gagner le pouvoir vite dans une démocratie. C’est bien ce qui évite les morts et les abus. Une jeune démocratie comme Madagascar doit évoluer à son rythme et ne pas revenir en arrière ».



Photo 1 : le LFT accueille des gosses de ministres ou de diplomates mais aussi des petits Malagasy méritants, bénéficiaires d’une bourse et des enfants de simples citoyens.


Photo 2 : Jean Faure, Président du groupe interparlementaire d’amitié France-Madagascar le 5 mars au Sénat.



Alain Rajaonarivony




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5 mars 2009 4 05 /03 /mars /2009 00:52




Les Malagasy aiment à passer pour un peuple d’esprit, ayant une haute idée de la tolérance et de la dignité humaine. Cela se reflète dans les différents proverbes émaillant les « kabary » (discours) à chaque moment fort de la vie comme un mariage, un deuil, ou l’inauguration d’une réalisation quelconque.


Ils ont cultivé l’art du lien social avec la notion de « fihavanana » (les bons rapports avec autrui), permettant de désamorcer les conflits, de trouver des compromis satisfaisants en évitant si possible les humiliations, bref, de trouver ce qu’on appellerait des accords « win-win ».


Devant cette tension qui perdure, la capacité des dirigeants à retrouver la réalité de leur culture semble réduite et se limiter à son vernis. Le mot d’ordre serait plutôt le credo moderne, « profit-rentabilité » par tous les moyens y compris si nécessaire en sacrifiant l’humain et sans faire l’économie de la violence.


Ce mercredi 4 mars 2009 marque un tournant dans la crise qui secoue Madagascar depuis des mois. Dès 7h30, l’Emmonat (forces mixtes de maintien de l’ordre) ont bloqué tous les accès à l’avenue de l’Indépendance au milieu de laquelle se trouve la Place du 13 Mai, lieu devenu habituel pour les rassemblements de la contestation.


Dès que les premiers militants sont arrivés, les échauffourées ont démarré. Elles dureront toute la journée dans les différents quartiers de la ville : grenades lacrymogènes et balles en caoutchouc contre jets de pierres. Les étudiants déclareront l’Université « zone rouge » pour les forces de l’ordre. Les radios Viva et Antsiva, favorables à la contestation, sont brouillées.


La vie de la cité a été complètement bouleversée. Si le centre-ville était interdit aux manifestants, il l’était aussi pour les automobilistes et les transports en commun. Dans plusieurs quartiers, les protestataires ont élevé des barrages de bric et de broc,  blocs de pierres ou bacs à ordures. Et comme les affrontements n’étaient plus circonscrits à un endroit mais se déplaçaient en fonction des courses-poursuites entre contestataires et forces de l’ordre, des embouteillages se sont formés un peu partout.


Le pouvoir passe à l’action et menace dans le même temps tous les médias audiovisuels qui n’épousent pas la ligne officielle. Le Président affiche un ton décidé dans son appel à la population et déclare qu’il n’acceptera pas de transgression de la loi. Cette escalade dans la violence de l’Etat n’est pas la conséquence de prises de positions de l’opposition mais d’un ultimatum de l’Union Africaine.


Son représentant, le diplomate algérien Ramtane Lamamra, a demandé à Marc Ravalomanana de rétablir la paix dans les quinze jours sous peine de perdre l’organisation du Sommet prévue au mois de juillet. Le Président malgache a donc réagi à cette injonction par la fermeté prenant de cours les médiateurs du FFKM (Conseil œcuménique des églises) soutenus par l’ONU et engagés dans des négociations difficiles entre les deux partis.


On déplore encore la mort d’un jeune homme d’une vingtaine d’années à Antananarivo et celles de deux personnes, dont un petit garçon de 12 ans, à Ambositra, tombés sous les balles des forces de l’ordre. A cela s’ajoute, le décès de deux manifestants blessés gravement vendredi dernier à Fianarantsoa.


Le mouvement de fronde s’étend maintenant à tout Madagascar et le pouvoir n’a toujours pas trouvé le langage approprié pour favoriser la recherche d'un terrain d’entente avec ses opposants. La répression généralisée s’avèrera sans doute contreproductive. Surprise par le changement de stratégie du régime, la contestation a déjà commencé à organiser la résistance. La violence va redoubler pour une raison simple. Les opposants doivent tenir coûte que coûte une quinzaine de jours afin de faire couler le Sommet. Pour des motifs exactement inverses, le gouvernement va vouloir mater la révolte d’une bonne partie de sa population dans le même laps de temps. Après le massacre d’Ambotsirohitra (voir l’article : « Carnage devant le palais »), on ne peut s’empêcher d’appréhender un autre coup de folie possible.

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Cette rencontre internationale semble être une véritable obsession pour le pouvoir au point qu’elle l’amène à mettre en péril les efforts déployés par les conciliateurs. La première série de prise de contacts entre les deux belligérants s’est terminée en queue de poisson (voir l’article : «jusqu’à la lie»). La seconde pourrait pâtir de ces nouveaux rebondissements. De nouveau, l’impartialité du FFKM est remise en cause, chose curieuse, par les deux camps.


Ce régime a en tout cas réussi à diviser les Tananariviens, les chrétiens et bientôt sans doute l’Armée. Plusieurs officiers supérieurs n’approuveraient pas la répression menée par l’Emmonat, considérant que leur mission est de défendre la population et non de leur tirer dessus. On leur prête l’intention de sortir un communiqué sous peu.


On est très loin du « Fihavanana ». Après le « Fahamarinana » et « Fahamasinana » (« droiture » et « sainteté » ou « éthique »), ce n’est qu’un concept sacré des Malagasy de plus qui est foulé au pied. Avec des « Raiamandreny » (« parents empreints de sagesse ») indignes qui font tirer sur leurs «enfants» ou utilisent la violence verbale, la misère morale s’ajoute à l’indigence matérielle. Ce pays a besoin que ses hommes et femmes de conscience se lèvent. C’est devenu une urgence vitale.



Alain Rajaonarivony


 


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1 mars 2009 7 01 /03 /mars /2009 10:31




La journée du 28 février a failli mal commencer pour Alain Ramaroson, le responsable du FCD (Force pour le Changement Démocratique). A 5 heures du matin, des hommes en uniforme se sont invités chez lui défonçant la porte, molestant trois personnes qui se sont retrouvées à l’hôpital. On aurait dit une scène d’un film d’action, diront les témoins. Mais celui qui était recherché n’était plus là, prévenu à temps par certaines autorités au sein même du pouvoir.


On est donc revenu au temps des arrestations et des menaces. Quant à la place du 13 Mai, elle  est de nouveau le centre de la vie politique malgré sa déclaration en zone rouge et les différentes répressions les jours précédents, en particulier celle de la manifestation de Fianarantsoa le 27 février qui a fait 2 morts et une dizaine de blessés.


Le faux bond de Ravalomanana lors de la quatrième séance de négociations (voir article précédent) a été le signal du regroupement de toute l’opposition. Le jour même, les contacts ont été pris. La décision a été officialisée le vendredi 27.


Alors que le Président abandonnait ses partenaires malagasy comme des malpropres, il s’est par contre empressé d’aller chercher en Afrique du Sud l’émissaire de l’ONU, Haïlé Menkerios. A la demande de ce dernier, Monseigneur Odon Razanakolona est passé sur l’humiliation cuisante que lui a infligée le chef de l’Etat mais pose maintenant ses conditions pour servir de médiateur : respect des engagements pris par chacun, de la liberté d'expression, la fin des arrestations politiques et des répressions sanglantes.


Seule nouveauté sur la place du 13 Mai ce samedi 28 février : les pancartes anti Guy Rivo Randrianarisoa, PDS (Président de délégation spéciale) nommé par le pouvoir, les casseroles qui rappellent 2002 et les mpiandry (diacres protestants). Alain Ramaroson était là, au milieu d’une foule importante. Entretemps, il a déposé plainte sur les agissements des individus qui ont tout saccagé chez lui, sous prétexte de perquisitions mais sans aucun mandat.


La situation s’enlise, la lassitude gagne tout le monde, chefs d’entreprise comme simples citoyens. Avec 100% d’annulations des séjours dans le secteur touristique, la catastrophe économique guette le pays.


Alors pourquoi ne trouve-t-on pas d’issue ? La réponse est très simple. Elle est loin des calculs politiques savants. A chaque fois qu’Andry Rajoelina, peu  enclin à faire des concessions, avance sur la voie de la détente, le Président casse la dynamique. Le jeune Maire répond alors en allant encore plus loin.


Par deux fois, cela s’est vu de manière dramatique. Juste avant son auto-proclamation du 31 janvier, une rencontre devait avoir lieu, parrainée par les diplomates. Mais Ravalomanana a pris son avion pour aller en province. Le lendemain, le Maire qui déclarait encore quelques jours auparavant qu’il était prêt à une cohabitation sur TV5, changeait d’avis et demandait à prendre la place du chef de l’Etat. Et ce 25 février, les mêmes causes produisant les mêmes effets, après le rendez-vous non honoré par son interlocuteur, Andry Rajoelina se retirait des négociations et s’alliait avec des opposants qu’il évitait jusque là de fréquenter.


Pourquoi cette attitude du Président ? Parce qu’il veut en faire baver un maximum à son jeune rival, même si les dégâts collatéraux touchent le pays entier. Quand le Maire, très fougueux, arrive à être un peu canalisé par les éléments modérés de son mouvement, Ravalomanana se débrouille pour que cela aboutisse à une impasse, générant une frustration qui produit une autre surenchère. C’est imparable! On ne compte plus les occasions perdues alors qu’on pouvait se croire proche d’un dénouement relativement heureux.


Le Président a confié : « Je sais que je vais devoir signer un protocole. Mais avant, je vais lui en faire voir ! » (la sonorité est plus savoureuse en malgache). 


Les médiateurs se battent donc pour trouver une base minimale qui permettrait de refaire asseoir à la même table les deux principaux acteurs qui désespèrent maintenant la population entière.


Ce protocole, que Marc Ravalomanana accepterait de signer, existe. Il inclut des clauses assurant la continuité des engagements internationaux (en clair, la tenue du sommet de l’Union Africaine), et aussi la continuité, la neutralité et l’indivisibilité conservatoires de la République. Autrement dit, il doit rester le Président. De là peuvent ensuite découler les concessions sur le gouvernement de réconciliation, et d’autres mesures réclamées par les contestataires. 

 

Oui, mais voilà ! Depuis le 25 février, les responsables du mouvement demandent de nouveau le départ du Président. Et pour eux, il n’est plus question d’un sommet, considéré comme un véritable piège avec l’arrivée de tous ces chefs d’Etat à l’esprit clanique, prompts à protéger l’un des leurs.


Les Malagasy auront un jour ce pays de libertés, avec un bonheur minimal garanti (valeur introduite par le roi du petit royaume himalayen du Bhoutan). Mais pour y parvenir, ils devront peut-être boire jusqu’à la lie la stupidité et l’orgueil imbécile de leurs dirigeants.  

 

Photo 1 : Alain Ramaroson le 17 janvier sur la place de la démocratie à Ambohijatovo

Photo 2 : 28 février 2009, les casseroles résonnent de nouveau sur la place du 13 mai


Alain Rajaonarivony

 

 


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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 22:35


Les trois premières rencontres entre Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana avaient une caractéristique déconcertante pour les observateurs étrangers. Elles ne duraient à chaque fois qu’entre trois-quarts d’heure et une heure. Etant donné la situation catastrophique du pays, on s’attendait à des discussions-marathon passionnées.


Rien n’a filtré des entretiens, hormis la sortie du Maire après le deuxième contact (voir article : «second round des négociations tendu»). Le silence était imposé par les facilitateurs. Les communiqués de ces derniers mentionnant une « ambiance fraternelle pendant les discussions » avaient quelque chose de surréaliste. Il est vrai qu’il s’agissait des ecclésiastiques du FFKM (conseil œcuménique des églises) et que leur sémantique avait plus à voir avec la théologie qu’avec la politique, mais quand même… ! Si le Président et le jeune Maire étaient capables de se parler de manière « fraternelle », on l’aurait su depuis longtemps.


De la troisième réunion, le 24 février, on n’a rien su sauf qu’elle s’est déroulée au même endroit que la précédente, « Le Hintsy » d’Ambohimanambola.


De la quatrième, il y a encore moins à dire puisque le Président a posé un lapin à Andry Rajoelina qui l’a attendu vainement. Il a préféré prendre son avion pour faire un saut à Tamatave puis à Majunga.


L’exaspération a gagné l’équipe du Maire. Avant la rupture, elle avait proposé que la discussion se déroule sur 48 heures d’affilé pour avoir une chance d’aboutir rapidement à quelque chose de viable.


Les contestataires constatent qu’aucune de leurs sollicitations, y compris les plus simples, n’ont été prises en considération. L’accès équitable aux médias nationaux (TVM et RNM) pour tous les acteurs politiques, qui est la règle et la norme dans tous les pays démocratiques, par exemple, n’a reçu aucun écho.


La crédibilité du FFKM a surtout été plombée par la présence en son sein du Pasteur Lala Rasendrahasina, protestant (FJKM) totalement inféodé au pouvoir. Les financements présidentiels ont eu comme vertu de le rendre très compréhensif envers toutes les dérives. C’est à cause de lui que ses pairs ont été hués lors de la chapelle ardente en l’honneur des victimes du « samedi sanglant » au stade couvert de Mahamasina (voir l’article : « Carnage devant le Palais »). Il avait refusé de signer un communiqué du FFKM condamnant le massacre, oubliant jusqu’à ses fondamentaux, comme le 6ème commandement : « tu ne tueras point ».


Les médiateurs ne semblaient pas disposer de la neutralité et de la force morale nécessaires pour imposer aux protagonistes des concessions réciproques. L’évêque Odon Razanakolona, président en exercice du FFKM, un des seuls à être encore écouté, en a tiré les conséquences et annoncé l’échec et le retrait du processus. " Les deux parties se sont vues à trois reprises mais nous devons admettre que le débat n’a pas vraiment avancé... Le FFKM a donc décidé de se retirer de la médiation. Nous demandons aux Nations unies de prendre la suite", a-t-il déclaré.


La trêve est en tout cas respectée même si la population, dont la situation s’aggrave de jour en jour, commence à s’impatienter et s’angoisse de ces rebondissements. Le temps n’a pas la même valeur quand on risque de perdre son travail à chaque instant à cause du marasme dû à la crise. Elle attend des résultats concrets. 


La désinvolture du Président démontre à l’évidence le peu de cas qu’il fait de ces « raiamandreny » (anciens respectables) et des discussions en cours.


Marc Ravalomanana fait une fixation sur la tenue du sommet de l’Union Africaine pour des raisons aussi bien politiques que financières. Tant qu’il n’aura pas obtenu satisfaction sur ce point, il continuera de jouer la montre et tapera sur les nerfs de son jeune challenger. Aucune négociation ne semble pouvoir aboutir si on n’intègre pas la continuité des engagements de l’Etat, en clair, le sommet du mois de juillet.


Les défections se multiplient dans le camp présidentiel, contribuant à créer une psychose de fin de règne de plus en plus dangereuse. Pour les ralentir, le chef de l’état aurait promis 12 millions d’Ariary à chaque député pour leurs dépenses individuelles ainsi qu’une nouvelle 4X4 et les fonctionnaires qui pointent auraient droit à une indemnité de 9.000 Ariary par jour. Qui prendrait encore le risque de jouer les médiateurs dans cette situation de plus en plus incontrôlable ?


On ne peut que reprendre la supplique d'Odon Razanakolona : «J’espère que chacun d’entre nous se tournera vers Dieu et que nous puissions prier ensemble pour notre pays».


Alain Rajaonarivony



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24 février 2009 2 24 /02 /février /2009 01:53



Ce lundi 23 février a eu lieu la seconde rencontre entre Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana. Comme la première fois, l’endroit a été tenu secret jusqu’au dernier moment. Les deux hommes ont pu se parler pendant une heure au complexe hôtelier  «Hintsy» d’Ambohimanambola. Enfin, « se parler » est peut-être un terme inadéquat car le jeune Maire est sorti furieux, se plaignant de l’attitude du Président.

 

Ce dernier ne lui en aurait pas laissé placer une, monopolisant la parole et le soûlant avec le Map (Plan d’action pour Madagascar concocté par l’équipe du Président) et le sommet de l’Union Africaine prévue pour le mois de Juillet qui semble être la priorité absolue pour le pouvoir. Le chef de l’Etat a eu tout loisir d’exposer ce qui lui tenait à cœur.

 

Le Maire a ensuite tenté d’avancer ses desiderata, la libération de l’ancien ministre Jean Théodore Ranjivason arrêté vendredi soir, l’accès des opposants aux médias nationaux TVM et RNM, la démission des membres du gouvernement, le renvoi du PDS (président de délégation spéciale) Guy Rivo Randrianarisoa… Mais l’heure ayant tourné, tout cela fut remis à la prochaine réunion.

 

Bref, ce fut davantage un monologue qu’une négociation. Andry Rajoelina a demandé un respect de l’ordre du jour auprès de la FFKM (Conseil œcuménique des Eglises), faisant office de médiateurs, pour éviter la même mésaventure.

 

Un autre rendez-vous est pris pour aujourd’hui, mais le Maire a prévenu que s’il devait se dérouler comme le précédent, il quitterait la table des négociations.

 

Le résultat immédiat de cette attitude présidentielle, aussitôt connue, fut une remobilisation de l’opposition. Toutes les tendances, jusque là disparates et tirant à hue et à dia, ont décidé de mettre en commun leurs forces. Cela donnera naissance à un mouvement d’envergure qui s’étendra à tout Madagascar si elles arrivent effectivement à s’unir.

 

La population n’en peut plus de l’attitude des responsables du pays qui font un pas en avant pour deux en arrière. Le 24 février sera donc la rencontre de la dernière chance et on peut dire que l’issue dépendra essentiellement de l’attitude de Marc Ravalomanana.

 

Pour l’instant, les riverains de la RN2 allant de Tamatave à Antananarivo ont vu passer un convoi militaire composé de  plusieurs porte-containers et de 2 chars.

 

Et la SADC (Southern African Development Community) à qui personne n'a rien demandé (à moins que...) se déclare prête à envoyer une brigade en alerte (BEA) pour aider à maintenir la paix dans la Grande Ile. Cette annonce a été faite à Luanda le week-end dernier par le chef de la mission de l'exercice Golfinho Fase1 «Mapex» de la SADC, Matthendele Moses Dlamini.

 

Des troupes africaines tentant de débarquer à Madagascar, même avec les meilleures intentions, provoquerait une levée de boucliers qui signera la fin de ce régime. Les Malagasy n’accepteront pas de se laisser dicter leur conduite par qui ce soit, l’histoire l’a assez démontré. Et jusqu’à preuve du contraire, il existe toujours une armée nationale même si Marc Ravalomanana a tout fait pour l’affaiblir.

 

Ce sont en tout cas autant de mauvais signaux. Et c’est dans ce contexte qu’«Africa Intelligence » révèle le nom du futur ambassadeur de France accrédité dans la Grande Ile. Il s’agirait de Jean-Marc Châtaigner.

 

L’ambassadeur américain Niels Marquardt considère que «la situation est critique» et «qu’il n’y a plus de temps à perdre».

 

Comme beaucoup de journalistes, je dispose de différentes sources, y compris au sein du mouvement de contestation. Nos conversations sont bien sûr écoutées, ce qui a fini par devenir un sujet de rigolade tellement c’était flagrant. Depuis quelques jours, la technique s’est affinée. Sur certains numéros, le brouillage est tellement efficace que mon interlocuteur n’arrive plus à m’entendre. Il me fait donc des comptes-rendus à l’aveugle, en me répétant de temps en temps, «tant que tu ne raccroches pas, je sais que tu m’entends». Pour réduire la pauvreté, le pouvoir n’est pas très efficace, par contre, il s’améliore de plus en plus dans la répression. Cela augure mal de l’avenir.

 


Alain Rajaonarivony

 

 

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23 février 2009 1 23 /02 /février /2009 11:47


Le Père Pedro n’est plus à présenter. Tout le monde connaît (et reconnaît) son action en faveur des plus vulnérables à Madagascar. Nous nous sommes connus en juin 2002 à Paris où nous avons manifesté ensemble en faveur de Marc Ravalomanana. Ce dernier représentait alors l’espoir et avec beaucoup d’autres, nous voulions alerter l’opinion internationale.

Je l’ai revu en septembre 2008 à Antananarivo. Akamasoa, la cité qu’il a construite pour les personnes sorties de la pauvreté jouxte une décharge qui en s’étendant, empoisonne maintenant l’air que respirent les milliers d’habitants de cette colline de l’espoir. Il m’avait affirmé qu’avec de la volonté politique et un budget honnête, on pourrait sauver tous les enfants, les 4 Mi (comme Misère), qui traînent et se perdent dans les rues de la Capitale.

Le Père Pedro avait été nominé pour le Prix Nobel de la Paix. Sa parole a un sens car elle est en cohérence avec ses actes. Cet appel a été lancé après le « Black Monday ».




Appel à la Paix Sociale !



Après avoir entendu le commentaire profond et attristé d'un journaliste de la Radio Antsiva présentant le drame actuel, je voudrais prolonger sa réflexion.

Bien que la situation reste très difficile et même chaotique, nous sommes en face d'une explosion sociale. Il y a déjà trop de morts et de dégâts matériels.

La destruction des infrastructures est déjà inestimable. A qui peut-elle profiter ? La colère est toujours aveugle. Lorsqu'en politique, l'hypocrisie des apparences l'emporte sur la vérité, on en paie le mensonge ! Qu'on ne s'étonne pas que des émeutes puissent surgir à tout instant !

Les politiciens se bercent dans de paroles douces et creuses, seulement pour la forme et le plaisir du moment ! Les pauvres subissent, se taisent jusqu'au moment où ils explosent telle une soupape. Certains jeunes, qu'on qualifie de bandits sont cependant tous des enfants du pays. D'où viennent leur violence, leur désir de casser et leur révolte ?

Nous pouvons tous, dès maintenant, nous interpeller sous la forme d'une responsabilité collective : l'Etat, l'Eglise, la Société Civile, les artistes et les parents. Quand on sème l'égoïsme, l'indifférence, le chacun pour soi, le capitalisme sauvage, on ne peut récolter aucun progrès. Combien de dirigeants passent leur temps de réception en réception, de séminaire en séminaire et de réunion en réunion ! Pendant ce temps des dizaines de milliers de jeunes cherchent désespérément un emploi pour se préparer un avenir ou simplement survivre.

De l'oubli de tant de jeunes, laissés en marge du progrès, on ne peut attendre la paix : la violence aveugle surgit des coeurs blessés.

Cette barbarie, ce vandalisme, cette violence sont la manifestation des laissés pour compte.
Bien que les faits soient condamnables, il est temps de se demander ce que nous pouvons faire pour ceux qui, n'ayant plus rien à perdre, ont pillé, saccagé et brûlé. Ils se sentent étrangers à une communauté humaine et nationale à laquelle ils n'ont jamais été intégrés. Beaucoup de parents malgaches n'arrivent pas à croire qu'une telle violence puisse exister chez leurs enfants.
Par ces faits les jeunes attirent notre attention. Mais combien de vieillards, de femmes seules, d'handicapés n'ont aucun moyen d'exprimer leur souffrance ! Ils représentent pourtant la partie de l'iceberg immergée, invisible, des 70% de pauvres.

Avec les dirigeants, sortons du sommeil, faisons notre travail avec un amour vrai qui débouchera nécessairement sur le partage, le respect et la dignité. Et que faisons nous pour empêcher que le pauvre soit la proie facile et manipulé par les gens sans scrupules ?
Le temps est venu de commencer ce travail à long terme. La sagesse ancestrale s'en trouvera honorée. Et que tous ceux qui se disent croyants l'expriment par le concret de leur vie, de leurs actes et leur parole.

Mon expérience de plus de trente-cinq ans au milieu des pauvres prouve qu'avec eux, lorsqu'ils sont reconnus, cet espoir est possible. Ceci est un voeu de tous ceux qui aiment Madagascar.
La Paix de la Nation est entre les mains de chacun de nous !



Père Pedro Opeka
Antananarivo, le 29 janvier 2009

 

Illustration: le Père Pedro à Akamasoa en septembre 2008

Cet appel a déjà paru sur Sobika.com et dans les journaux. Mais je pense qu'il est nécessaire d'amplifier la voix de ceux qui appellent à la raison et à la réflexion dans cette période cruciale. 



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22 février 2009 7 22 /02 /février /2009 10:15


L’enchaînement des évènements est tellement rapide que certains quotidiens se retrouvent en décalage. Le 20 février, le temps de titrer que le mouvement de contestation avait pris 4 ministères la veille, l’information était déjà périmée. Cette nuit là, vers 2h30 du matin, les forces de sécurité reprenaient le contrôle des bâtiments après un assaut contre les groupes de vigilance citoyenne (Adriamasom-pokonolona) composés de réservistes. Il y eut 50 arrestations mais la Gendarmerie dément des morts. Des rafales avaient été entendues par tout le voisinage mais personne n’avait osé sortir. Des témoignages de plus en plus nombreux tendent à infirmer la version officielle. Les responsables du mouvement parlent, eux, de 9 morts.

 

Le télescopage ne concerne pas simplement les journaux mais aussi les fonctionnaires qui ne savent plus quelle démarche adopter. Ceux qui se sont présentés courageusement dans le quartier des ministères pour rejoindre leurs bureaux ont été arrêtés par des barrages comprenant des blindés. Et pourtant, l’Etat avait appelé à la reprise.

 

A Tamatave aussi, ça a bougé ce jeudi. Le CRN (Comité de Réconciliation Nationale) du Professeur Albert Zafy, ancien Président de la République, voulait tenir un meeting sur la Place de la Démocratie devant la gare des Manguiers, en centre-ville. Les forces de l’ordre ont dispersé les participants à coups de grenades lacrymogènes. L’ex-député Tabera Andriamanantsoa et  Bruno Betiana, ancien sénateur ont été arrêté. Herilala, un journaliste de Viva qui couvrait l’évènement a pris un coup de poing en pleine figure et s’est vu confisqué sa caméra avant d’être emmené au poste de gendarmerie. Il a ensuite été relâché, ce qui ne fut pas le cas des deux personnalités.

 

La tension est encore montée d’un cran dans la soirée du vendredi quand on a appris l’arrestation de l’ancien ministre de la Fonction Publique Jean Théodore Ranjivason à Antananarivo. Il avait rejoint les rangs de la contestation.

 

Face à l’aggravation de la situation, Andry Rajoelina a placé la barre encore plus haut. Il a demandé à ses partisans de prendre de quoi se sustenter car « la marche sera longue » le samedi 21. Il n’avait pas précisé la direction à prendre mais tout le monde avait compris : il s’agissait du Palais d’Etat de Iavoloha, qui fut déjà le théâtre d’une effroyable boucherie, quand le Président Ratsiraka avait fait tirer sur la foule en 1991.

 

D’autre part, le Maire a aussi interpellé les 5 officiers généraux qui ont rencontré Ravalomanana le 16 Février et déclaré ensuite le lendemain, face à la presse, qu’en cas d’échecs des négociations, «les Forces armées, comme dernier rempart de la défense de la légalité républicaine et de l’unité nationale, prendraient leurs responsabilités». Andry Rajoelina leur répondra qu’il ne tolère plus que les armes soient tournées contre le peuple et qu’il se mettrait en première ligne, comme « chef de guerre prêt au sacrifice ». Entretemps, les réservistes avaient eux aussi annoncé qu’ils étaient décidés à prendre les armes pour défendre les manifestants et leurs idéaux.

 

Dans la soirée du vendredi 20 février, on était donc clairement dans la configuration d’une guerre civile.

 

Chaque partie, y compris les militaires, étant allés jusqu’au bout de sa logique, il ne restait plus comme option que de s’entretuer. C’est cette conclusion inéluctable et irréversible qui a permis la rencontre express du samedi 21 février entre les 2 principaux instigateurs de cette crise, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana. Elle s’est déroulée sous l’égide du FFKM (Conseil œcuménique  des Eglises)  au siège de l’épiscopat (Eglise catholique romaine) à Antanimena. Madagascar était au bord du gouffre et du bain de sang. Cette perspective, aucun des deux protagonistes ne voulaient l’assumer, ce qui a remis en selle les négociateurs.

 

Les deux rivaux ont eu peur des conséquences ultimes de leurs actes, permettant de justesse d’éviter une tragédie à la Grande Ile. Leurs partisans respectifs continuent de s’attribuer une victoire qui n’existe pas. Pour une fois, la gagnante, c’est la population à laquelle on a pu épargner de nouvelles souffrances. Elle va pouvoir jouir de quelques jours de vie normale.

 

La rencontre a duré un peu moins d’une heure et un rendez-vous a été pris pour lundi afin de démarrer véritablement les négociations après cette prise de contact. D’ici là, il y aura une trêve des rassemblements sur la place du 13 mai, une suspension des arrestations « à caractère politique » et la libération de ceux qui ont été arrêtés à Antananarivo et Tamatave. Chacun s’engage aussi à un répit dans la guerre médiatique, très à l’avantage de Andry Rajoelina, et à assurer la sécurité des citoyens en permettant la fin des pillages.

 

On retiendra les mandats d’arrêt à répétition contre le Maire et ses alliés jamais exécutés, son remplacement par un PDS (Président de délégation spéciale), provocation inutile du pouvoir, et les 50 morts devant le Palais d’Ambotsirohitra, abattus sans sommation. De son côté, Andry Rajoelina s’était autoproclamé chef d’une «haute autorité de transition», nommé des « ministres » sur la Place du 13 mai et avait déclaré qu’il ne négocierait jamais «avec un assassin». L’évolution de la situation l’y contraint.

 

Finalement, il se retrouve sur la ligne préconisée par ses alliés de la première heure, le FCD (Force pour le Changement Démocratique) et la société civile. Devant la radicalisation de la position de Andry Rajoelina après son auto-proclamation du 31 janvier, ils s’étaient retrouvés de fait marginalisés. Alain Ramaroson a quand même défendu les principes républicains en rétorquant à l’ultimatum des militaires. Un Directoire n’est pas recevable par le peuple qui se bat simplement pour le respect de ses droits fondamentaux. La société civile, loyale à la lutte populaire, déplorait l’attitude des politiciens qui avaient poussé le jeune Maire à un durcissement inutile. Il a perdu ainsi une partie de sa crédibilité et de son capital sympathie énorme dont il disposait auprès de la population.

 

Les futures négociations seront sûrement entravées par ces mêmes politiciens qui essayeront de tirer les marrons du feu au détriment de la grande masse. Le jour où l’on déterminera les responsabilités dans les drames que les Malagasy viennent de vivre,  ils ne devront pas être oubliés.

 

 

Alain Rajaonarivony

 


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19 février 2009 4 19 /02 /février /2009 18:05


Cet article a été écrit le 16 novembre 2005 et devait paraître dans une revue. Au dernier moment, il a été enlevé du sommaire sans mon assentiment. Mais il a été quand même lu par les initiés et sans doute aussi par les principaux membres du pouvoir. Prenant acte que mes prises de position gênaient ou faisaient peur, je me suis retiré du contexte malgache pendant plusieurs années, jusqu’à ce que la situation se dégrade tellement que le silence devenait complicité. Nous sommes aujourd’hui le 19 février 2009. Ce qui se passe sous nos yeux était prévisible.

Ci-dessous de larges extraits de cet article.



La tentation fatale



Retour à l’hôtel situé au cœur d’Antananarivo vers 18 heures. Une lumière tamisée baigne le couloir. « Ils ont recréé une certaine ambiance » pensai-je en regagnant ma chambre tout en admirant les bougeoirs dont le scintillement renvoie à l’atmosphère d’une demeure de gouverneur des colonies. Ce n’est qu’après avoir appuyé deux ou trois fois sur l’interrupteur que je comprends. Le fameux « délestage » qui pourrit la vie des citadins depuis des mois a encore frappé. Les bougies ne sont pas là pour la décoration. Nous sommes au mois d’octobre 2005 dans la capitale de Madagascar.


La compagnie d’électricité, la JIRAMA, a pris l’habitude de couper quotidiennement pendant deux ou trois heures son approvisionnement. Les quartiers de la ville s’illuminent ou sont plongés dans le noir à tour de rôle. Les entreprises se retrouvent en chômage technique, leurs machines explosent parfois, les particuliers prient pour que les malfaiteurs ne profitent pas de l’obscurité, les restaurateurs râlent parce qu’ils perdent leurs clients… Bref, tout le monde « profite » largement des économies que la Jirama tente de faire pour tenir la tête hors de l’eau. Surendettée, la société nationale est sous perfusion … 

Le retour des 4’mi


Dès le lever du jour, la vie reprend ses droits. La ville grouille de monde. Les véhicules, mal entretenus, fument à qui mieux-mieux, permettant à Tana de décrocher le titre peu enviable d’une des villes les plus polluées du monde. Près des grands hôtels, à deux pas de la Présidence, une odeur entêtante d’urine se dégage parfois des trottoirs. Les beaux quartiers agissent sur les miséreux comme un aimant. Les 4’mi (« mi » comme « misère ») sont revenus. Venus pour mendier, sans domicile fixe, ils se soulagent sur la voie publique si c’est nécessaire.


Ces déracinés, apparus sous la révolution avec l’exode rural, étaient en voie de disparition grâce à l’action d’Ong et de personnalités agissantes dont la figure emblématique est le Père Pedro. La dégradation économique qui a suivi la dévaluation de 2003, a fait basculer une partie de la population dans la précarité et rejeté dans la rue les plus vulnérables. Et pourtant, cette année là, ces « sans-domicile fixe » ont bénéficié d’un certain nombre de programmes de reclassement qui ont donné beaucoup d’espoirs. Mais le suivi dans le temps a manqué.


Paradoxalement, les réalisations du nouveau pouvoir sont manifestes, voire même spectaculaires. Antananarivo a vu s’ouvrir plusieurs boulevards, des quatre-voies qui n’auraient pas déparé dans une ville européenne, pour fluidifier une circulation chaotique et faire respirer la cité. Mais aussitôt construits, des petites maisons en briques s’édifient tout le long, plus proches de bidonvilles que de building futuristes… Antinomie ! Ce terme semble illustrer les difficultés du régime.


Les infrastructures construites et les réformes lancées sensées améliorer la vie des citoyens n’ont pour l’instant aucun impact sur le quotidien. Transparency International note une aggravation de la corruption alors qu’un organisme a été spécialement créé pour lutter contre ce fléau. Le Président proclame son attachement à la liberté de la presse. Dans le même temps, Reporters sans frontières fait état d’un durcissement des conditions de travail des journalistes. Médecins sans Frontières a quitté l’île au début de l’année, las de faire le boulot du Ministère de la Santé. Ils en étaient arrivés à assurer la couverture sanitaire de la population au lieu de la médecine d’urgence.


Explosion assurée


Les Malgaches, et les Tananariviens en particulier, pour l’instant encaissent et serrent les dents. Leur sentiment peut être résumé par cette réflexion d’un cadre des Douanes. « Ravalomanana a construit les routes. C’était nécessaire pour faire sortir les récoltes et permettre aux gens de se déplacer. Nous lui reconnaissions bien volontiers ce mérite car les autres avant lui n’ont rien fait. Mais maintenant, il faut qu’il pense aux gens, à leur donner un salaire décent, car la vie avec la dégradation de la monnaie est devenue très dure. S’il ne fait rien, et quelles que soient ses réalisations, cela explosera… »


Mais l’Etat ayant largement vécu au-dessus de ses moyens et dépassé son budget à cause de réquisitions financières non programmées, on ne voit pas trop comment il pourrait répondre de manière satisfaisante à ses fonctionnaires malgré quelques efforts de rattrapage. Pour leur restituer simplement leur pouvoir d’achat de 2002, il faudrait les augmenter de 50%. Totalement concentré sur les réformes économiques, le pouvoir a négligé l’accompagnement social. Le Smig, salaire minimum légal, est toujours à 21 Euros par mois, le plus bas du monde… Les conséquences sont dramatiques dont une des manifestations évidentes se voit dans les rues de la capitale : des familles entières dorment sur les trottoirs... Mais tout le long de la RN7, les 1000 kilomètres qui séparent la capitale de Tuléar, au bord de la mer, on peut aussi le percevoir. Le paysage est désolé, tout est carbonisé. Ceci n’est pas dû simplement à la fameuse culture sur brûlis, une coutume désastreuse entretenue par la pauvreté ambiante. Les paysans en plus se sont mis à la fabrication du charbon de bois, rentable et très en vogue depuis le renchérissement du prix du pétrole…et du gaz domestique. Taxis-brousse et camions de tous gabarits remontent sur la capitale chargés de sacs de charbon. Cette exploitation se fait de manière sauvage, sans respect des règles et des reboisements. Elle s’apparente plus à une lutte pour la survie qu’à une production rationnelle. N’importe quel arbre est abattu, âgé ou pas, le moindre bosquet fume tristement. Le renouvellement de la forêt n’est pas assuré.


Pendant ce temps, dans les salons huppés des grands hôtels, on multiplie les séminaires sur la préservation de l’environnement et le gouvernement engrange des millions de dollars offerts généreusement par les pays riches pour créer des zones préservées.


Une minorité toujours plus riche


Marc Ravalomanana, soutenu par un immense élan populaire, a commencé son mandat sous les meilleurs auspices après la fuite de Didier Ratsiraka, son prédécesseur, en France.


A un an de la fin de son mandat pourtant, le bilan du nouveau président est des plus contrasté : des réalisations indéniables, en particulier dans le domaine des infrastructures et un désastre social tout aussi patent. On est très loin des promesses de l’amélioration du niveau de vie de la grande masse. En moyenne, le pouvoir d’achat a baissé de moitié. Et si la plupart des entreprises locales continuent de souffrir et de tirer le diable par la queue, quelques groupes dont celui du Président, ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Ce qui permet aux Tananariviens de proclamer ironiquement : « Le pouvoir a quand même tenu une partie de ses promesses. Les riches sont devenus effectivement plus riches… », allusion à une formule présidentielle pouvant être résumée ainsi : « les riches resteront riches et les pauvres s’enrichiront ! ». Au-delà de l’humour noir, cette constatation tourne presque à la révolte lorsque des citoyens de base ( employés et cadres confondus) jettent rageusement : « Les routes ont été construites pour que les riches puissent y rouler avec leurs belles voitures. Pour nous, même le bus devient hors de portée… ». Le tarif des transports urbains est passé de 200 à 300 Ariary, augmentation du prix du gazole oblige. 


..

Une opposition en déphasage


Si l’on exclue les « miracles » comme l’exploitation du gisement pétrolier de Bemolanga, à l’ordre du jour depuis quarante ans, ou les gesticulations destinées à reconquérir le cœur des Tananariviens (mais qui ont plutôt le don de les exaspérer) - la réhabilitation « rapide » annoncée du Rova par exemple -, le gouvernement n’a plus beaucoup d’atouts dans sa manche. Les dettes ont été effacées, les aides se sont chiffrées en centaines de millions de dollars sans aucun impact sur le quotidien. La population a accepté stoïquement trois ans de sacrifices sans pratiquement d’augmentation de salaires malgré une inflation galopante. Elle arrive maintenant à bout de résistance. En guise de réponse à leurs angoisses, les citoyens ont droit à la crispation du pouvoir. Dans ce contexte, on peut se demander pourquoi l’opposition ne fait pas un carton. La réponse est simple. La plupart de ses membres ont eu l’occasion de diriger le pays et ont réussi à le mener dans une crise économique et politique dont le bouquet final fut, si l’on peut dire, l’incendie criminel du Palais de la reine, le fameux Rova.


N’ayant pas beaucoup changé dans leurs conceptions, ils se retrouvent en déphasage avec une population en attente de vrais débats sur l’avenir de la société, à l’exemple des grands partis européens, loin d’une gestion à « l’africaine », où déstabilisation institutionnelle et gouvernement de transition sont les normes. Leur incapacité à s’adapter à une évolution très rapide de la réflexion de leurs concitoyens reste la chance du gouvernement.


Dans cet univers politique proche du cloaque, seul Alain Ramaroson, responsable du « Mouvement des citoyens » tente de relever le débat en dénonçant les dérives sans remettre pour autant en cause la légitimité du chef de l’état. Mais son passé de conseiller du Président Zafy, dont les déclarations tonitruantes et extrémistes frisent souvent le ridicule, est un véritable boulet. Ses adversaires ne se privent pas de le lui rappeler.


Débats absents, contre-pouvoirs inexistants, responsables politiques sur leurs gardes et prompts à crier au complot, le décor est planté pour une dernière année de mandat de tous les dangers. Si la colère populaire s’exprime, la police, chouchou du nouveau régime, ne pourra pas plus la contenir que la Garde présidentielle de Didier Ratsiraka.


......


De tentations en tentations


Depuis son élection, le Président est tombé dans plusieurs tentations. D’abord celle de mélanger les intérêts du pays avec ceux de son groupe industriel, attitude dénoncée de manière virulente par les opposants et faisant la une des journaux de manière récurrente. On ne prête qu’aux riches et Ravalomanana l’était déjà avant son arrivée au pouvoir. Mais il n’est un secret pour personne que Tiko a profité très largement des détaxations ainsi que des voyages à l’étranger de son directeur-chef d’état. Péché véniel peut-être, Tiko étant déjà à l’origine un groupe florissant, sauf qu’à force de toucher à tout, il a fini par fausser les règles du jeu et la concurrence. L’entreprise présidentielle importe par exemple du savon bénéficiant de préférences douanières de L’Ile Maurice au grand dam des 35 savonneries locales dont la taxation des intrants se verra augmenter en 2006. Cela ne s’appelle pas pratiquer la préférence nationale ou favoriser la création d’emploi. Les industriels ont tenté d’alerter le gouvernement sur cette incohérence pour l’instant sans succès.


Le deuxième travers auquel n’a pas échappé le chef de l’Etat est sa propension à gouverner seul. Son expérience de dirigeant de société l’y prédisposait sans doute. Il voit plus dans ses ministres et conseillers des subordonnés que des collaborateurs à écouter et à suivre. Lors d’un voyage officiel à La Réunion, il a laissé échapper lors d’une conversation : « il faut des secrétaires exécutifs… car les ministres sont lents… ! » Le manager commande, les autres exécutent. Mais au-delà de cette caricature, il y a peut-être une autre raison plus profonde. Ravalomanana a réussi à Madagascar, dans un contexte très dur moralement où trahisons, lâchetés et perfidies étaient des valeurs en vogue. C’était pendant la Révolution où il était de bon ton de se moquer des conceptions simples des honnêtes gens comme la droiture ou la compassion. De fait, on raillait même abondamment la Bible dans les discours officiels. Est-ce un hasard si le slogan du candidat à la Présidence a fait justement référence à ces sentiments et au Livre Saint ? Le meurtre pour des motifs politiques était courant, le degré de bassesse morale atteint étant abyssal. Dans ce contexte, secret et solitude étaient une nécessité vitale. Les réflexes sont restés. On lui reproche souvent de préférer  s’entourer d’experts étrangers. Mais il est trop bien placé pour ne pas savoir que ses plus proches collaborateurs ont placé toutes leurs familles et amis aux postes de responsabilité au détriment des véritables compétences. C’est déjà une forme de trahison et de sabotage qui explique aussi en grande partie le déficit en ressources humaines dont souffre cruellement le pays. Les meilleurs sont ailleurs. Le népotisme comme la corruption est mortel pour le développement d’un pays. Au-delà de sa tendance naturelle à prendre des décisions de manière unilatérale, Ravalomanana n’a sans doute pas grand monde à qui il peut déléguer de lourdes responsabilités sans risques de dérapage. « On n’est jamais mieux trahi que par les siens » est un adage bien assimilé à Madagascar, et cela depuis que Ranavalona III, la dernière reine, a été abandonnée par ses propres généraux et gouverneurs aux mains des Français…



Pas de développement sans prise de risques


« High risk, high profit !» a lancé le Président devant une assemblée de la diaspora captivée en février 2003, au Palais de l’Unesco à Paris. Mais pour l’instant, les mesures innovatrices comme la détaxation ou le droit de propriété aux étrangers n’ont pas produit les effets bénéfiques escomptés. Les risques n’ont pas été assumés jusqu’au bout, la détaxation a été limitée à deux ans, provoquant une ruée des spéculateurs qui en important en masse pour stocker, ont fait chuter la monnaie. A quelques exceptions près, les industriels, à la trésorerie saignée à blanc par la crise de 2002, n’avaient pas les moyens d’en profiter pour changer leurs machines. La détaxation aurait dû être pensée sur le long terme comme, par exemple, à l’Ile Maurice. Quant aux investisseurs, il leur aurait fallu des interlocuteurs crédibles, pour  être rassurés et les inciter à franchir le pas, non seulement à Madagascar mais surtout dans les ambassades qui sont leurs premiers contacts. Mais là encore, les nominations n’ont pas suivi. Le seul résultat perceptible est une dégradation de l’image du pays ces deux dernières années. En n’allant pas jusqu’au bout de leur logique, les Malgaches ont perdu sur tous les tableaux.



Pour un destin exceptionnel


Il reste cependant un dernier challenge à tenter que seul le Président pourrait relever.

Risque important certes, mais avec à la clé un profit maximum, à condition qu’il ne tombe pas dans la tentation fatale de considérer que rester au pouvoir à tout prix est la seule solution. Sa popularité est en chute libre mais il peut la remonter en une seule opération qui prendrait à contre-pied tout le monde : annoncer qu’il ne veut pas briguer un second mandat.


Zafy a quitté le pouvoir après avoir perdu les élections en 1996. Il est néanmoins très respecté par ses pairs africains car il est l’un des rares sur le continent à avoir accepté l’alternance démocratique. Ces derniers mois, Togo ou Côte d’Ivoire ont continué de rappeler au monde que les élections s’y terminent plus souvent en bains de sang qu’en poignées de mains. Le comportement de Didier Ratsiraka et de ses sbires en 2002 suffit largement à faire comprendre pourquoi l’ex-président Zafy est devenu une référence. S’ils sont quelques-uns à avoir quitté leur fauteuil présidentiel pacifiquement, encore plus exceptionnels sont ceux qui ont accompli cette démarche sans qu’ils en aient eu l’obligation. On les compte sur les doigts d’une seule main. Parmi ces Sages de l’Afrique figurait l’ancien Président du Sénégal, Léopold Sedar Senghor  et actuellement le Sud-africain Nelson Mandela. Ce dernier continue d’être reçu avec tous les honneurs, des Etats-Unis à la Russie en passant par le Japon ou le monde arabe. Ses avis sont écoutés avec la plus grande attention. A chaque fois que les Grands désirent entendre la voix de l’Afrique, c’est à lui qu’ils s’adressent naturellement.

Son prestige personnel et celui de son pays n’ont jamais été aussi grands que depuis qu’il a décidé de se retirer…


Nelson Mandela est envié mais peu de responsables sont capables de suivre son exemple. Il faut plus de courage pour renoncer au pouvoir que pour s’y accrocher. En théorie, disposer d’une telle stature, être honoré au niveau mondial, est des plus séduisant. Un avenir semblable vaudrait bien de sacrifier un mandat  aléatoire de quelques années où il faut batailler pour échapper aux foudres des opposants et ne pas basculer dans les poubelles de l’histoire. Bien d’ex-puissants en exil doivent regretter amèrement de n’avoir pas su quitter la scène au bon moment. Pour pouvoir prendre ce genre de décision, il faut disposer d’une certaine étoffe que Marc Ravalomanana semble posséder.


Si au niveau international, sa voie serait tracée, sur le plan intérieur, sa popularité remonterait au zénith. Les Malgaches seraient fiers d’un Président capable d’un acte d’une telle portée  et ne retiendraient que les côtés positifs de sa législature, comme la construction d’infrastructures qui resteront pour les générations futures. Quant à l’opposition, elle serait réduite à néant. Pour l’avenir, ce serait tout bénéfice pour le Président. En cas de réussite de son successeur, il pourra dire que ce dernier aura bâti sur les fondements solides qu’il a posés. On fait d’ailleurs toujours référence à Nelson Mandela pour tout ce qui est positif en Afrique du Sud. Les échecs doivent par contre être assumés par Thabo Mbeki qui souffre de la comparaison. 


A un an des échéances, tous les observateurs politiques considèrent que Marc Ravalomanana va tenter un deuxième mandat. Mais le maître du jeu n’a pas encore abattu ses cartes ...



Ecrit le 16 novembre 2005

Alain Rajaonarivony




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