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1 novembre 2009 7 01 /11 /novembre /2009 22:49


Madagascar est un paradis ! A lire certains éditorialistes pro-HAT (Haute autorité de transition, issue du coup d’état), les touristes se bousculeraient dans les stations balnéaires pour jouir du soleil, de la mer et de la gentillesse des habitants. Les hôteliers et les restaurateurs ne seront pas tout à fait d’accord mais cela n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est le fantasme.

 

Si l’on s’en tient aux faits, c’est-à-dire par exemple aux statistiques, ce pays serait plutôt maudit. Au niveau économique, la croissance est passée de 7% à 0% en moins d’un an, la monnaie a dévalué de 25% dans le même temps, les importations sont en chute de 60 % etc… L’indice de développement humain est encore plus parlant. L’espérance de vie, déjà faible – 59 ans -, a baissé, le taux de scolarisation, ascendant depuis 2002, décroît à mesure que les effets de la crise s’abattent sur les parents, le Sud (l’Androy) connaît toujours la disette, en fait une véritable famine. Le taux de mortalité infantile est effrayant…

 

Les chiffres, loin des standards du XXIème siècle, ne seraient normaux que dans un pays en guerre. Le hic, c’est que depuis la rébellion de 1947 contre le colonialisme, la Grande Ile n’a plus connu de conflit. Les tensions ultérieures n’ont été ensuite que le fait des hommes politiques. Dès l’indépendance, acquise en 1960, l’appareil d’état n’a cessé de se dégrader, lentement d’abord puis de plus en plus vite. L’administration s’est mise progressivement au service du pouvoir en oubliant totalement le peuple dont elle est sensée être au service. Le «taux de bonheur brut» tend vers zéro pour la population, comme son degré de liberté, mise en évidence par Reporters sans Frontières. Ce n’est pas le cas des dirigeants dont le comportement fait penser à des affamés se jetant sur un gâteau : sans retenue et sans respect pour les autres.

 

Prétentieux, incompétents, lâches, veules ou félons sont des qualificatifs durs que les observateurs appliquent aux politiciens malgaches. Le dernier «traître» en date de quelque importance est Alain Andriamiseza, un des principaux meneurs des légalistes devenu du jour au lendemain ministre du gouvernement Monja II, sensé être son adversaire, le 8 septembre dernier. Ce que le grand public ignore, c’est qu’un certain nombre d’autres leaders légalistes ont aussi déposé leurs curriculum vitae mais n’ont pas été retenus.

 

La France fait flèche de tout bois pour tenter d’imposer Andry Rajoelina à la tête de la nouvelle transition et «éviter qu’il ne mange son chapeau» comme me l’a dit si bien un responsable français. Mais «il sera sans pouvoir», a-t-il ajouté pour faire passer la pilule. L’ancienne puissance coloniale aurait tort de se gêner. Ce ne sont pas les collabos, prêts à tout pour avoir un poste, qui manquent. Cette classe politique sans scrupule n’a pas arrêté d’humilier et de trahir le peuple.

 

Le 25 septembre à New-York, Madagascar a été mortifié devant la communauté des nations (voir article «Humiliations au Sommet»). On le doit au «ministre des affaires étrangères», Ny Hasina Andriamanjato, dont l’incompétence n’est plus à démontrer. Ce fut «la honte internationale» comme dirait les Pieds-noirs. Dans une autre culture, le responsable se serait fait hara-kiri, dans d’autres, il aurait démissionné. A Madagascar, il continue d’exercer le rôle de chef de délégation du président de la HAT et prend la parole sans gêne apparent.

 

Le 28 octobre est sortie une interview du président Ravalomanana dans «Le Monde», désastreuse. La communication, domaine très sensible, ne tolère pas l’improvisation. Celui qui lui a soufflé les réponses avait sans doute plus à coeur de se faire valoir que de soigner l’image du pays ou celui de son commanditaire.

 

Le sens de l’honneur indissociable de la fidélité à ses principes n’est pas une valeur en vogue à Madagascar. L’intérêt particulier prime toujours sur celui de la nation pour des politiciens prêts à se retourner autant de fois que nécessaire pour se maintenir. Cette incapacité à avoir une vision d’homme d’état qui pense d’abord aux générations futures avant ses avantages immédiats les a empêchés d’initier le moindre dialogue pour sortir de la crise.

 

Les premières rencontres entre les rivaux au Hintsy à Antananarivo fin février (voir article : «D’heure en heure vers l’échec»), porteuses d’espoir pour le peuple, n’étaient qu’une vilénie de plus. Jacques Sylla, responsable de la délégation de Marc Ravalomanana, était de connivence avec la partie adverse et a agi pour piéger son président. Le chef des médiateurs, Monseigneur Odon Marie Arsène Razanakolona, était lui aussi dans le complot. Trahissant à la fois son statut de négociateur et son éthique chrétienne, il mérite largement son surnom de Monseigneur Omar donné par un chroniqueur, en étant doublement traître. Il a détruit la crédibilité de la fédération des églises (FFKM), le seul recours moral qui restait encore aux malgaches. A l’époque, on parlait de la sympathie prononcée du pasteur Lala Rasendrahasina pour Ravalomanana, trop voyante pour qu’il puisse être impartial. Son collègue catholique au sein de la FFKM a été plus sournois.

 

Il n’est donc pas étonnant qu’il ait fallu l’intervention de la communauté internationale pour débloquer la situation. Le round suivant se déroule à Addis-Abeba du 3 au 5 novembre. Nul doute que les Malgaches vont y donner un spectacle lamentable, comme d’habitude. Sauf si… un petit grain de sable n’enraye la machine à descendre toujours plus bas. Depuis son arrivée à Antananarivo, Mamy Andriamasomanana (voir article : «Quitte ou double») travaille discrètement à une remise aux normes du processus et des objectifs des négociations. Il a su se faire apprécier au point qu’Andry Rajoelina lui a proposé de devenir son directeur de cabinet, offre qu’il a poliment déclinée. Mais il devrait être à Addis-Abeba en tant que conseiller technique. Connaissant parfaitement maintenant les deux principaux protagonistes, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana, et estimé par Didier Ratsiraka, il tentera l’impossible…

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

 

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24 octobre 2009 6 24 /10 /octobre /2009 17:33


Le Conseil d’état s’est donc défaussé ce 22 octobre. Il a refusé de trancher dans le différend opposant Andry Rajoelina à Roindefo Monja. La cour a argué de son «incompétence» à apporter une réponse sur le fond : qui était le plus illégal des deux ? Un président putschiste qui n’est pas encore reconnu officiellement comme dirigeant de la nouvelle transition consensuelle ? Ou son Premier ministre nommé sur la place du 13 mai le 7 février, tous les deux ayant ensuite entraîné la foule au massacre devant le palais présidentiel ?

 

Toujours est-il que le nouveau premier-ministre Eugène Mangalaza, adoubé par le GIC (Groupe de contact international) a repris aussitôt l’avion pour Paris dès que le conflit a éclaté entre les deux «amis». Ce qui a obligé Andry Rajoelina à nommer un premier-ministre par intérim en la personne de Cécile Manorohanta, la ministre de l’intérieur, nomination elle-même sujette à caution. Mais plus rien ne suit les normes légales et juridiques à Madagascar. Car si Roindefo Monja n’est plus premier ministre depuis le 10 octobre, son gouvernement aurait dû démissionner. De «l’extra-constitutionnel», on aboutit fatalement à «l’extra-juridique» qui débouche logiquement sur un aveu d’incompétence des magistrats désirant encore appliquer les lois. La ministre de la «justice» n’a pas manqué d’ailleurs de faire pression sur la cour.

 

La seule loi qui a conduit à cette situation, c’est celle des kalachnichovs de la partie mutinée de l’armée. Tout le reste n’est que sophisme ! Ce postulat explique pourquoi il est si difficile de retrouver les normes du droit international dans la gouvernance. Les militaires  qui occupent des fonctions ministérielles semblent certains de retrouver leurs postes et se paient maintenant le luxe de rester en retrait de cette bataille politique. Ce n’est pas le cas de tout le monde, et les ministres en sursis se démènent actuellement dans tous les sens.

 

Madagascar dispose donc de 3 Premier-ministres, plus ou moins «illégaux» selon la lecture qu’on veut faire de la loi. Le seul Premier-ministre légal, Manandafy Rakotonirina, nommé par Marc Ravalomanana quand ce dernier était encore le seul chef d’état reconnu par la communauté internationale, a été mis hors-jeu après sa mise en résidence surveillée.

 

On peut rendre justice, c’est le cas de le dire, à Roindefo Monja, d’avoir suivi la voie légale pour tenter de régler son problème avec Andry Rajoelina. Il s’est tout de même retranché à Mahazoarivo, le palais de la Primature, avec sa garde fortement armée et motivée en attendant le verdict. Cela a aidé les «autres» d’en face à jouer le jeu des joutes oratoires au lieu d’envoyer la FIS (Force d’intervention spéciale) comme à l’accoutumée. Une spirale vertueuse, le retour vers une normalité démocratique, a été enclenchée, à cause de (ou grâce à) la résistance de Monja. Le feuilleton n’est pas fini car l’ex-toujours Premier ministre, dès le lendemain 23 octobre, a fait part de son intention d’introduire un recours en annulation pour vice de procédure, tout en invoquant l’état de droit. Il ne quittera son poste qu’après la réunion d’Addis-Abeba prévue vers le 3 novembre où les 4 mouvances signifieront officiellement qui doit occuper la Présidence, la vice-présidence et la primature de la nouvelle transition consensuelle.

 

 Roindefo Monja s’est plaint amèrement des propos de certains journalistes. On n’est jamais mieux trahi que par les siens, et si la plupart des médias se sont contentés de rapporter leurs dissensions, le quotidien «La Vérité» et le site «Madagate» ont parlé de sa «trahison» en des termes très durs. Militants, ce sont plus des médias d’opinions que d’informations. La polémique entre Fox News et l’administration Obama a permis au grand public ce mois-ci de mieux appréhender la différence entre les deux. Barack Obama est Prix Nobel de la Paix depuis le 9 octobre 2009 «pour ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationales entre les peuples», dixit le jury. Cela n’empêche pas Fox News de le descendre consciencieusement à chaque édition. L’idéologie primant sur l’honnête analyse, la chaîne casse du Barack  tout en taisant pudiquement les faiblesses des Républicains.

 

Les propagandistes et les journalistes ne jouent pas dans la même cour. Si les premiers sont souvent polémiques, parfois haineux, les autres sont astreints à une certaine sobriété, d’autant qu’une carte de presse n’a jamais fait un bon gilet pare-balles. Quand une junte militaro-civile est au pouvoir, le reflexe est plus à l’auto-censure qu’aux grandes emphases. On a assez parlé des exploits du CAPSAT et de la FIS (force d’intervention spéciale). Madagascar a connu une chute vertigineuse dans le classement de Reporters sans frontières. Tous les critères de liberté sont au rouge : insécurité, menaces, censures, fermetures de médias, emprisonnements de journalistes voire meurtre. La Grande Ile passe de la 95ème place sur 173 en 2008 à la 134ème sur 175 en 2009.

 

Au niveau économique, la descente aux enfers continue. L’Ariary  a crevé le plafond de 3000 Ar pour 1 Euro officiellement depuis le 15 octobre (contre 2400 Ar pour 1 Euro avant la crise) et continue sa glissade. La raréfaction des devises fait les beaux jours du change parallèle. Le secteur touristique est totalement sinistré. Le pays avait reçu 400.000 visiteurs en 2008, chiffre qui aurait dû doubler dans les 3 ans. La HAT (Haute autorité de transition) table sur 150.000 touristes pour cette année, une prévision plus qu’optimiste, soit 3 fois moins que les projections d’avant crise. Cela signifie plusieurs dizaines de milliers d’emplois perdus. Le textile attend dans l’angoisse la fin des négociations. En cas d’échec et de maintien de l’embargo, ce sera des centaines de milliers de personnes, les employés des zones franches et leurs familles, qui seront touchées à court terme. Pour la première fois, ce mois-ci, les fonctionnaires ont un retard dans la perception de leurs salaires. Les seuls à ne pas se plaindre sont l’armée et la police : nouveaux équipements, primes et surprimes, promotions, augmentations des soldes, tout va bien.

 

Un motif d’optimisme dans cette sinistrose : Le haut débit (l’ADSL) arrivera enfin à Antananarivo, grâce à Orange, dans les prochains jours. L’opérateur français aura réussi son challenge lancé en mars 2008. Marc Ravalomanana savait mieux que personne ce qu’il doit à Internet, et depuis 2002, on annonçait une liaison par câble, toujours reportée. Ce temps perdu, dû à un manque évident de volonté politique, aurait peut-être permis à Tiko de prendre pied dans ce domaine. En attendant, les Malgaches accumulaient les retards sur le reste du monde. Le haut débit, c’est des plateformes d’appels, des délocalisations de services, une incitation pour les sociétés en pointe utilisant systématiquement les transferts de données et de fichiers à s’installer… Ce que l’état malgache n’a pas été capable de faire en 7 ans, une société française l’a fait en un peu plus d’un an et pour peanuts, une trentaine de millions d’Euros (35 exactement), à comparer avec les 60 millions de dollars qu’a coûté Force One II aux contribuables. Il aura fallu le sommet de l’Union Africaine prévu pour le mois de juillet dernier, le haut débit étant prévu pour cet événement, pour que la connexion devienne effective. Notons que 90% de l’équipe d’ingénieurs qui procède aux installations sont des Malagasy, 100% en ce qui concerne la société informatique prestataire.

 

L’ADSL (ou «liaison numérique à débit asymétrique» en français)  permettra une connexion moins onéreuse et beaucoup plus rapide au reste de la planète. Elle prendra aussi une autre dimension pour les Malgaches, internet étant un espace de liberté. Ils pourront s’évader plus facilement en esprit pour échapper à une situation politique et une insularité devenues étouffantes. En attendant la vraie libération… aux élections où ils pourront enfin dire ce qu’ils pensent à tous ces individus qui prétendent parler en leur nom…

 

Photo 1 : Roindefo Monja sur la tribune du 13 mai, le 7 février 2009

Photo 2 : Le câblage sous-marin qui relie Madagascar au reste du monde

 

 

Alain Rajaonarivony




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19 octobre 2009 1 19 /10 /octobre /2009 12:53


Le capitaine Moussa Dadis Camara devient infréquentable. Ce 16 octobre, le gouvernement français a invité ses 2500 ressortissants à quitter la Guinée car selon Alain Joyandet, secrétaire d’état à la coopération, «on ne sait plus qui peut assurer la sécurité des civils». Depuis le massacre du 28 septembre, où 50.000 contestataires réunis dans un stade ont été pris sous le feu de l’armée et de la police, faisant au moins 157 morts et un millier de blessés, la situation n’a cessé de se dégrader. Il est désormais impossible de circuler la nuit dans la capitale, des hommes en uniformes vous y dépouillent et vous agressent.

 

Le putschiste, qui avait pris le pouvoir à la mort du «président général» Lansana Conté le 22 décembre 2008, avait promis de ne pas se présenter aux élections présidentielles prévues pour janvier 2010 avant de se raviser. Sa volte-face a conduit à cette vague de protestations réprimées dans le sang. Quelques jours avant cet épisode tragique, Patrick Balkany, un proche de l’Elysée, affirmait que la candidature de l’officier «ne posait pas de problème» car c’était son droit comme  pour tout autre citoyen. Cette déclaration était en contradiction avec les positions officielles françaises.

 

Les atermoiements de la politique africaine de l’Hexagone ont été relevés par «Le Monde» dans un article en date du 16 octobre intitulé «L’ambiguïté française face aux régressions démocratiques sur le continent africain». L’ancienne puissance coloniale semble avoir la nostalgie des réseaux Foccart. Mais outre que 2009 n’est pas 1960 (remarque déjà valable en 2002 lors de la crise malgache de l’époque), il y a une différence psychologique de taille. De Gaulle était reconnaissant à l’Afrique de lui avoir donné la première capitale de la France Libre, Brazzaville, en 1940. Jacques Chirac adore le continent noir et y entretient des amitiés fortes. Nicolas Sarkozy a, le moins qu’on puisse dire, fourni relativement peu d’efforts pour y être apprécié. La France dispose de moins en moins de relais efficaces malgré la présence dans la cellule Afrique de quelques vieux baroudeurs. Les amitiés personnelles au plus haut niveau ont souvent sauvé les intérêts français.

 

La Guinée est un exemple caricatural du changement d’époque en Afrique. La France a voulu sauvegarder ses positions en rentrant dans les bonnes grâces de Dadis Camara. Avec la dégradation de la situation, elle se retrouve maintenant en porte-à-faux avec ses idéaux démocratiques partagés par ses partenaires européens. Il y a 30 ans, on aurait pu taire les informations et minimiser l’ampleur des répressions. C’est devenu impossible avec la globalisation, la multiplicité des sources et l’accélération de la transmission des données, y compris les vidéos prises par téléphone portable et diffusées par Internet. Au moins l’Afrique a avancé dans ce domaine, rendant caduque la formule si commode auparavant, «nous ne savions pas !». La Chine, moins regardante ou moins hypocrite en matière de droits de l’Homme, a signé un accord de partenariat dans le domaine minier pour 7 milliards de dollars avec la junte au pouvoir, le jour même où la France demandait à ses ressortissants de partir. Cela s’appelle perdre sur les deux tableaux, sa crédibilité de démocratie (comment donner des leçons après avoir fait preuve de complaisance) et son influence économique.

 

La dérive incontrôlable des putschistes guinéens devrait rendre la France beaucoup plus sensible dans le traitement du cas similaire de Madagascar. Certains décideurs français avaient soutenu Andry Rajoelina dans sa démarche. Ce dernier était bien parti, soutenu par une partie non négligeable de la population, excédée par les dérives autoritaristes de Marc Ravalomanana. Mais les Malgaches ne voulaient pas d’un coup d’état. Pour la plupart des contestataires, il s’agissait d’un rappel à l’ordre. Le président devait tout au peuple. Il avait l’obligation de prendre en considération ses desiderata, une démocratie et une justice sociale effectives. Ils exigeaient aussi la fin de ses abus, dont certains vraiment puérils, comme l’achat d’un Boeing 737 de luxe à 60 millions de dollars, juste pour frimer devant les collèges de l’Union Africaine lors d’un sommet prévu en juillet dernier, alors que le Smig demeure à 30 Euros. On était loin là du contrat passé avec la population, qui s’était sacrifiée pendant 6 mois de grève générale, en 2002.

 

La précipitation de l’ambassadeur français fraîchement nommé au palais présidentiel le lendemain du coup d’état a été interprétée comme l’officialisation d’un soutien aux putschistes (voir article : «ce n’est pas encore le mot de la fin»). Les membres de la HAT (Haute autorité de transition) ne se sont pas privés de s’en prévaloir. Depuis, les positions de l’ancienne puissance coloniale semblent osciller entre les valeurs de la France et celles, incompatibles, de la Françafrique, au gré des déclarations officielles ou officieuses. Du moins elles sont ressenties comme telles par des Malgaches dont beaucoup sont demeurés francophones et francophiles mais qui ne supportent plus l’ingérence, d’autant qu’elle n’est pas spécialement inspirée. Le meilleur moyen pour la France de ne pas commettre d’impair et de garder une certaine influence est d’accompagner les démocrates et la démocratie.

 

Andry Rajoelina a largement démontré ses limites et ses compatriotes ne l’éliront sûrement pas comme futur président. Sa popularité est en chute libre. Son épouse s’est fait huer par le public lors du match international de basket opposant la Grande Ile au Mali le 16 octobre. Même comme chef d’état transitoire, il a du mal à s’imposer dans son propre camp. Le recours déposé auprès du Conseil d’état par Roindefo Monja, le premier ministre de la HAT, a suspendu la nomination d’Eugène Mangalaza comme nouveau premier ministre. C’est une petite victoire psychologique pour ce compagnon de la première heure (du coup d’état), sacrifié au nom du partage du pouvoir nécessaire dans le cadre des accords de Maputo. Andry n’est pas le plus pourri, mais outre ses problèmes (réciproques) quasi-oedipiens avec Ravalomanana, les plus retors de son camp l’ont entraîné loin du chemin du dialogue dans lequel il tente désespérément de revenir. Andry Rajoelina n’apparaît plus comme le représentant incontournable de la HAT, et par conséquent ne devrait pas nécessairement être le nouveau président de la nouvelle transition.

 

Pauvres mais fiers, voire orgueilleux, les malgaches sont aussi très rancuniers. Ce qui se passe maintenant aura des conséquences dans quelques années. Les Français ont été pris de cours en 1972, après la réélection de Philibert Tsiranana, pro-français s’il en était. Ils ont été surpris de la résistance des Malagasy en 2002 alors que Didier Ratsiraka semblait tenir tous les leviers, y compris l’armée. Dans les deux cas, ils ont dû réviser en catastrophe leur analyse. Dans sa conférence de presse par téléphone le 18 octobre, Marc Ravalomanana a tendu la main à la France, après l’avoir mise en cause avec quelques raisons. «Ce n’est pas dans votre intérêt que Madagascar soit déstabilisé… on peut travailler ensemble mais il n’est plus question de domination» a-t-il déclaré, répondant à un journaliste. C’est une opportunité pour la diplomatie française de sortir du bourbier de la HAT et de retrouver des relations normalisées avec la Grande Ile.

 

Photo : Les présidents Jacques Chirac et Marc Ravalomanana à Madagascar en juillet 2005

 

 

Alain Rajaonarivony 

 

 

 

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12 octobre 2009 1 12 /10 /octobre /2009 22:28


Une fois de plus, Andry Rajoelina est resté dans la tradition du coup d’état. Pour se débarrasser de son «ami» et Premier ministre, Roindefo Monja, devenu très encombrant, il est passé en force, en violant la nécessité du consensus de l’esprit de Maputo. Alors que les accords d’Antananarivo du 6 octobre devaient être entérinés par les 4 chefs de mouvance (Albert Zafy, Didier Ratsiraka, Marc Ravalomanana et lui-même) pour pouvoir rentrer officiellement en vigueur, le jeune putschiste a nommé le samedi 10 octobre au soir le nouveau Premier ministre Eugène Mangalaza. Cette précipitation est due à la résistance imprévue de Roindefo Monja, ulcéré d’avoir été jeté comme un kleenex. Celui-ci s’arcboute à son poste et dans une déclaration le même jour, attaque le GIC (Groupe de contact international) qui aurait cherché à le démettre par un simple communiqué de presse. Monja a introduit un recours le lundi 12 auprès du conseil d’Etat pour «surseoir à l’exécution» du décret de nomination de son successeur.

 

Dans le même temps, toujours le 10, un groupe d’officiers de la gendarmerie de Fort Duchesne mettait en garde contre la division de l’armée si on l’obligeait à suivre des directives politiques contraires aux intérêts de la nation. En clair, une destitution du Premier ministre en place, dont la nomination jusqu’à la fin de la transition a été validée par la HCC (Haute cour constitutionnelle) serait considérée comme une atteinte à l’indépendance et à l’autonomie de décision du pays.  Rappelons que le 11 mars, juste avant la chute du président Ravalomanana, c’est cette même garnison qui avait dénoncé l’illégalité des opérations de maintien de l’ordre d’alors ayant entraîné la mort de manifestants, et cela juste après la mutinerie du Capsat. Ce sont les piliers de la HAT (Haute autorité de la transition) qui sont en train de désavouer Andry Rajoelina.

 

La veille, l’ex-président Ravalomanana avait rejeté la place d’Andry Rajoelina à la tête de la nouvelle transition et accusé nommément la France d’être à l’origine et du coup d’état et des dernières tractations visant à légitimer le jeune putschiste comme chef d’état transitoire de la Grande Ile. Il a lancé un appel à la résistance à l’ex-puissance coloniale qui reçoit un certain écho dans la population. Pour la signature des futurs accords, Ravalomanana propose Madagascar ou un pays d’Afrique et refuse catégoriquement Paris. «Qu’est-ce que j’irai y faire ?» a-t-il dit, «subir des pressions ?». Néanmoins, les 4 chefs de mouvance se sont convenus de se rencontrer bientôt pour examiner leurs points de divergence.

 

Andry Rajoelina, quant à lui, a justifié dans une émission télévisée dans la soirée du vendredi 9 son divorce d’avec son compagnon et complice. Ce serait l’intérêt supérieur de la nation, le désastre économique imminent, qui l’aurait poussé à prendre cette décision. C’est la condition sine qua non pour que le boycott international cesse. En fait, la vraie condition est un retour à l’état de droit. Le chef des putschistes est au moins aussi coupable que son bras droit. Ce dernier sert de fusible, rôle qu’il ne veut apparemment pas jouer. Comme l’a fait remarquer Marc Ravalomanana, pourquoi l’un plutôt que l’autre serait plus blâmable et écarté?

 

Madagascar commence à lasser la communauté internationale, y compris les nations les plus démocratiques. Si Roindefo Monja avait pris contact beaucoup plus tôt avec Marc Ravalomanana et engagé un véritable dialogue inter-malagasy, il aurait sans doute sauvé sa tête et évité au pays des mois de décadence sociale et économique. Les événements s’accélèrent et on aura encore droit à quelques coups de théâtre. Andry Rajoelina aimerait conjurer l’infamie de passer dans l’histoire comme le plus jeune putschiste d’Afrique. Déjà l’humiliation de New-York est très lourde à porter. Cette fois-ci, il ne veut pas louper le coche mais son co-équipier n'accepte pas d'endosser les habits du ripou dans la scène du règlement de compte final.

 

Dans le domaine social, le père Pedro Opeka a fêté les 20 ans du centre Akamasoa la semaine écoulée. Il a sauvé des dizaines de milliers d’enfants des rues et de sans-logis. Il a réussi à faire construire des logements décents, des écoles dont le niveau a permis à plusieurs élèves de décrocher le Bac et de poursuivre des études universitaires, des marchés, un stade….et même un cimetière pour permettre à ses protégés d’avoir une fin de vie digne. A la fin de l’année dernière, lors de mon passage dans le village qu’il a créé, je lui avais demandé à combien il estimait le nombre de SDF et de gosses obligés de survivre sur les trottoirs d’Antananarivo.

«Il doit y en avoir une dizaine de milliers» m’avait-il répondu.

«Pourrait-on les sauver tous ?»

 «Oui, il suffit de quelques millions d’Euros et d’une volonté politique».

Encore un étranger qui ose donner des leçons et qui ne connaît rien aux vrais problèmes de Madagascar, diront les pseudo-nationalistes bien-pensants.

 

Photo : le père Pedro Opeka en septembre 2008 à Akamasoa avec des enfants du centre

 

Alain Rajaonarivony

 


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9 octobre 2009 5 09 /10 /octobre /2009 12:13


Débloquer à tout prix la situation et effacer l’échec de Maputo II, tel était l’objectif de la réunion d’Antananarivo du 6 octobre. La communauté internationale n’a pas lésiné sur les moyens. Elle a déployé une équipe renforcée de médiateurs comportant une cinquantaine d’intervenants et de diplomates. Et parmi eux, des poids lourds comme Tiébelé Dramé, émissaire des Nations Unies, Philip Carter, responsable des affaires africaines au States Department, Alain Joyandet, secrétaire d’état français à la coopération, Jean Ping, président de la Commission de l’Union Africaine, les représentants de l’Union Européenne… Le Carlton devenait une annexe des Nations Unies avec aussi la présence des ambassadeurs de la Chine ou de la Russie.

 

Tout ce beau monde aurait été impuissant si le principal obstacle à la suite des négociations n’avait pas été levé. Les accords de Maputo stipulaient qu’il fallait un «premier ministre de consensus et neutre», conditions que Roindefo Monja ne pouvait remplir étant donné qu’il était impliqué au premier chef dans le coup d’état. Une porte de sortie honorable était nécessaire. L’intervention de Mamy Andriamasomanana semble avoir été décisive. Sachant ce que les promesses valent à Madagascar, seul ce dernier pouvait inspirer confiance à Roindefo Monja car les deux hommes se connaissent bien. La loyauté en amitié aura été plus efficace que les lieutenants-colonels Charl et Lilyson des FIS (Forces d’Intervention spéciale),  rentrés bredouilles après avoir tenté vainement de dissuader l’ancien premier ministre de la HAT (Haute autorité de transition) de renoncer à son poste. Roindefo Monja avait décidé quelques jours auparavant de nommer Mamy Andriamasomanana Vice premier ministre chargé des Affaires étrangères mais ce dernier avait refusé, estimant que c’était prématuré. 

 

Les négociations auront abouti à quelques progrès. Les principaux acteurs ont réussi à accoucher des noms des futurs responsables de la transition. Le Vice-président de la nouvelle entité sera Emmanuel Rakotovahiny, de la mouvance du professeur Albert Zafy. La primature, poste convoité, revient à Eugène Mangalaza, sur proposition de Didier Ratsiraka. Cet universitaire devra gérer un gouvernement de réconciliation nationale où les 4 mouvances (Rajoelina, Zafy, Ratsiraka, Ravalomanana) auront droit chacun à 5 postes ministériels et la société civile 8. Didier Ratsiraka avait réactivé les quotas ethniques et le clivage Merina/Côtiers pour emporter la décision. Si Andry Rajoelina, un Merina, demeurait chef de la transition, le Premier ministre devait être côtier.

 

Le(a) dirigeant(e) du Congrès de la transition sera désigné par la mouvance Ravalomanana, celui ou celle du Conseil supérieur par celle de Rajoelina. Le mouvement de Zafy aura la présidence du Conseil national de la réconciliation et la société civile héritera du Conseil économique et social.

 

Les Nations Unies et les organisations faisant partie des médiateurs se sont félicitées de ces avancées significatives. Ban Ki-moon demande des concessions réciproques aux dirigeants malgaches. «C’est un bilan super positif» estime pour sa part l'émissaire de l'Union africaine, Ablassé Ouedraogo. «Cet accord va permettre le retour de Madagascar dans la communauté des Nations respectant l'ordre constitutionnel», a déclaré Alain Joyandet. «Le grand gagnant, c’est d’abord le peuple malgache » dira un juriste autochtone interrogé par la Deutsche Welle. Les Américains, qui ont été très virulents à l’égard des putschistes, encouragent aussi à la poursuite des efforts. Cet accord, récusé pour l’instant par Marc Ravalomanana qui n’admet pas de voir Andry Rajoelina diriger la nouvelle transition, a le mérite d’exister. Albert Zafy l’a, quant à lui, validé.

 

La question qui peut venir à l’esprit après cette réunion est : pourquoi les Malgaches n’ont-ils pas été capables d’initier un dialogue national effectif en 7 mois de crise et qu’il ait fallu attendre l’arrivée d’étrangers pour pondre enfin quelque chose de constructif? Cela leur aurait évité de crier maintenant à l’ingérence, aussi bien du côté des putschistes que des légalistes.

 

Photo : Mamy Andriamasomanana au Carlton le 6 octobre en compagnie de médiateurs (Sobika)


Alain Rajaonarivony

 

 

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4 octobre 2009 7 04 /10 /octobre /2009 16:16


Après avoir rencontré à Paris différents protagonistes de la crise malgache, en particulier Andry Rajoelina (voir article précédent), Mamy Andriamasomanana a pris l’avion «à l’arrache» dans la nuit du 2 octobre pour Antananarivo. Sa présence semble être ardemment souhaitée par tout le monde lors ce round de négociations.

 

L’implosion de la HAT (Haute autorité de la transition) n’est plus un secret pour personne, pas plus que les tensions entre les deux têtes du mouvement. Dès son arrivée le samedi, Mamy Andriamasomanana s’est entretenu à plusieurs reprises avec Roindefo Monja, le premier ministre «de fait». Le dimanche matin, il était à la présidence, avec Andry Rajoelina. L’après-midi, il accueille Joaquim Chissano, ancien président du Mozambique et chef des médiateurs de la SADC qui débarque à Madagascar ce jour après avoir vu l’ex-président Ravalomanana en Afrique du Sud la veille.

 

L’agenda de Mamy Andriamasomanana est donc très chargé. Il représenterait une des dernières cartes pour sortir de l’impasse des négociations qualifiées de la dernière chance. Son atout est de connaître tous les acteurs, d’avoir la réputation d’une rigueur intellectuelle sans faille et d’une crédibilité auprès des instances internationales que très peu de malgaches possèdent. L’enjeu est vital. C’est tout simplement la levée de l’embargo économique et le retour à un minimum de consensus acceptable, donc l’arrêt des répressions et des actes arbitraires du pouvoir. S’il échoue, ce sera la mort économique, malgré les fanfaronnades de la HAT, et l’explosion sociale.

 

Sa présence fait donc l’unanimité ou presque. Après l’émission du 18 septembre sur TV5, le principe d’une rencontre a été arrêté entre lui et les responsables du GTT (Gasy Tia Tanindrazana) historique. L’objectif était de lever les ambiguïtés et de permettre, si possible, la synergie de toutes les énergies pour sauver la Grande Ile. Le rendez-vous a été décalé à cause de l’accélération des événements. Au même moment, le 24 septembre, l’aile dure dissidente du GTT menée par Hélian Ralison envoyait quelques personnes distribuer des tracts hostiles devant la mairie de Romainville. Mamy Andriamasomanana est directeur de cabinet du premier responsable de la ville.

 

Dans cette crise de 2009, Internet a encore montré ses capacités de réaction et d’information tout comme en 2002. L’épisode de l’ONU est symptomatique. Tandis que les Malgaches de l’intérieur étaient soumis au black-out, y compris les officiels, la diaspora et ceux qui avaient la chance de se connecter (une infime minorité dans la Grande ile) pouvaient suivre en direct la navigation hasardeuse de la délégation de la HAT au sein de l’immeuble des Nations Unies et les «empêchements» d’Andry Rajoelina le 24 et 25 septembre. Les propagandistes attitrés de la HAT en ont perdu la voix (et la plume) et oublié d’attaquer la diaspora comme à leur habitude

 

La toile est une véritable bouffée d’oxygène pour les Malgaches. En quelques mois, l’évolution a été spectaculaire. Les sites et les blogs se sont multipliés, avec une qualité rédactionnelle et technique, au niveau de l’interactivité (vidéos, audios, liens) par exemple, en amélioration constante. La confrontation permanente des idées et l’ouverture obligatoire sur le monde ont sans doute été le moteur de ce bond qualitatif (n’y voyez aucune malice ou une allusion à un autre événement), entraînant moins de manichéisme et plus d’approfondissement dans les sujets.

 

Les forums ou les commentaires sont maintenant indissociables de tout article. Ils font partie des normes appliquées par les médias démocratiques. Ils permettent l’expression libre du citoyen et son interaction avec l’auteur et les autres lecteurs. Les dérapages sont inévitables  d’où l’existence d’une modération que la loi impose. C’est la règle du jeu. Midi Madagasikara, une vieille dame de la presse malgache, s’y est mise en ce mois de septembre 2009 et ses articles peuvent désormais être commentés.

 

Tout ça pour dire que pour participer à cette convivialité et cet échange, j’ai décidé de mettre en lien Madkudeta et Reflexiums, deux blogs, entre autres, que je suis depuis un certain temps. Le premier accorde une place importante aux témoignages vidéos, le second aborde ses sujets sous un angle original, celui d’un membre d’une minorité. Car Achille est karana, paraît-il, et ses analyses intègrent parfois des éléments peu connus du grand public. C’est Solofo (qui a du mal à trouver du temps pour écrire) qui me l’a fait découvrir. Mais des blogs et des sites, il y en a beaucoup d’intéressants et leurs rédacteurs ne sont pas tous payés par Marc Ravalomanana ou un autre protagoniste malgré certaines affirmations. Détail remarquable, Madagate a fait le chemin inverse du mouvement général et supprimé ses forums. Allez savoir pourquoi…!

 

 

Alain Rajaonarivony



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1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 10:08


Il en est des villes comme des personnes : certaines laissent indifférentes, d’autres vous marquent. Paris fait partie indiscutablement de la seconde catégorie. Il se dégage d’elle une personnalité qui séduit les amoureux, les cœurs meurtris, les artistes et les idéalistes. Généreusement, elle accueille tout le monde au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité qu’elle défend depuis 1789. 

 

 

C’est ainsi qu’un jeune homme a débarqué de «Big apple» (New-York), le 27 septembre, l’amertume dans l’âme. Il pensait pourtant y faire un triomphe mais New-York n’est pas Paris. Il a pris une grosse claque et perdu toutes ses illusions, y compris sur ses «amis». Il ne devait que transiter par la capitale de la belle France. Il y est resté plusieurs jours, pour panser ses bleus, sans donner des nouvelles au pays dont il est sensé être le «président», suscitant les interrogations de tout le monde «là-bas». Ceux qui étaient à Paris, par contre, ont pu suivre pas-à-pas ses pérégrinations, via les forums et les fils infos. Ainsi, il a rencontré un de ses vieux compagnons, Didier Ratsiraka, avec qui il avait une petite brouille à propos d’une autre ville, Maputo. Il a pu parler aussi avec des médiateurs, qui aimeraient le réconcilier avec le reste du monde ainsi qu’avec Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée.


Et puis, il a eu une discussion de plus d’une heure le 29 septembre avec un certain Mamy Andriamasomanana qu’il ne connaissait que de réputation. Pour la première fois, ils se voyaient face-à-face. La discussion s’est bien déroulée. Sa nouvelle connaissance pourrait peut-être l’aider à ne plus se fâcher avec la terre entière en lui permettant d’appliquer enfin les accords de Maputo.


Toujours à Paris, Rinah Rakotomanga, qui tient décidément à se faire remarquer (voir l'article : «Y a-t-il un ambassadeur de Madagascar à Paris ?»), a encore envoyé ses sbires au foyer des étudiants à Arago dans la nuit du 28 au 29. Le but était de déloger le directeur Emile «Vazaha». Les vigiles africains et leurs chiens ont perturbé la vie des résidents. La police est venue et tout est à peu près rentré dans l’ordre. Il n’est pas certain que la réputation que Rinah est en train de se faire l’aidera à obtenir ce poste diplomatique tant désiré dans la ville-lumière.

 

 

Le jeune homme a repris l’avion le 30 septembre, un peu rasséréné, pour Antananarivo. Il devrait y convaincre certains «amis», en particulier un, de laisser leurs fauteuils auxquels ils sont désespérément accrochés, à d’autres invités. C’est une question de savoir-vivre qui, comme tout le monde le sait, est une grande qualité.

 

Photo :  La Tour Eiffel en août 2007 (photo personnelle)

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

 

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26 septembre 2009 6 26 /09 /septembre /2009 09:57


«Du jamais vu !» Tel est le commentaire de tous les analystes politiques, y compris les plus chevronnés. Le président de l’Assemblée lors de la 64ème session ordinaire de l’ONU, le libyen Ali Triki, ce 25 septembre en soirée, avait pourtant annoncé tranquillement la prise de parole de «Andry Nirina Rajoelina, président de la Haute autorité de transition». Mais le ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo, au nom de la SADC, avait demandé à apporter un point d’ordre.

 

Pour un point d’ordre, ce fut un point d'orgue ! «Avec votre autorisation… Monsieur le président, je prend la parole au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe, SADC, à savoir, l’Afrique du Sud, l’Angola, le Botswana, le Leshoto, le Malawi, Maurice, le Mozambique, la Namibie, les Seychelles, le Swaziland , la Tanzanie, la Zambie, Le Zimbabwe et mon pays la République démocratique du Congo. Les Comores s’associent également à la présente motion d’ordre. En vertu des articles 71 et 113 du règlement intérieur de l’Assemblée Générale, la SADC voudrait élever sa plus vive protestation face à la décision d’inviter Mr. Andry Nirina Rajoelina à prendre la parole au débat général de notre auguste assemblée, et la république de Madagascar à participer à la 64ème session ordinaire de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies… »

 

Il fut rappelé ensuite toutes les sanctions que la Grande Ile a déjà dû subir à cause du coup d’état, puis du refus d’appliquer les accords de Maputo. Le clou est enfoncé par ces mots : « Madagascar est  représenté à cette session de l’Assemblée par des personnes sans qualités issues d’un pouvoir putschiste».

 

La SADC demande à l’Assemblée de refuser la parole à Andry Rajoelina et au cas où ce dernier monterait quand même à la tribune, de quitter la salle. A partir de ce moment là, ce fut le capharnaüm. Ali Triki, complètement dépassé, demande un vote, procédure rarissime, des membres de l’Assemblée dont la plupart n’ont pas suivi le fond de l’affaire. Le cas de Madagascar va réveiller cette dernière, plutôt habituée à ronronner, mais les représentants qui ne maîtrisent pas le dossier refusent de se prononcer. Seule une trentaine de pays votent : 23 voix contre la prise de parole de Rajoelina, 4 pour et 6 abstentions.

 

Andry Rajoelina n’a pas pu faire son discours. Mais désormais, Madagascar est célèbre dans le monde entier.

 

La vidéo de cette réunion à l’ONU mise en ligne par Vatofototra sur Dailymotion

 

Photo : immeuble de l'ONU (Sobika)

 

Alain Rajaonarivony

 

 

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22 septembre 2009 2 22 /09 /septembre /2009 19:41


Le Gasy Tia Tanindrazana (Malagasy patriotes) avait réussi à se faire un nom et à acquérir une certaine crédibilité depuis la prestation de Vony Rambolamanana sur France 24 où elle avait défendu avec brio la thèse légaliste le 27 mars 2009. L’association continuait tranquillement son petit bonhomme de chemin, alternant manifestations et communiqués au grand dam des partisans du coup d’état. Son audience auprès des instances internationales provoquait une gêne considérable au point que la HAT (Haute autorité de transition) a cherché par tous les moyens à l’abattre. Elle l’a accusé en juillet d’être un repaire de terroristes à l’origine des «bombes» découvertes à Antananarivo, sans apporter la moindre preuve (voir article : «la fuite en avant») Cette campagne a tourné alors au fiasco, les allégations devenant par trop ridicules.

 

Et puis patatras ! une action violente à l’ambassade de Madagascar à Paris le 8 septembre montre une autre facette des légalistes. Un démenti des GTT qui nient être à l’origine de ces actions révèle l’existence d’une dissidence. Un «collectif GTT» serait la branche extrémiste dont Hélian Ralison, ex-premier conseiller viré de l’ambassade par la HAT serait un des investigateurs. L’intervention de la police ce jour là pour mettre fin à l’escalade (au propre comme au figuré), placera ce groupe sous les feux des projecteurs. Cela semblait être le but visé.

 

Néanmoins, si cette division permet à certains de se propulser en avant, elle affaiblit la capacité de mobilisation des légalistes de la diaspora. Pour les plus anciens, cela rappellera des épisodes de 2002 où les personnes se battant pour la reconnaissance internationale de Ravalomanana, après avoir accompli tout le travail, ont été doublées au moment de la victoire, par des spécialistes de la «lutte des places».

 

D’après un responsable des GTT historique, cette rupture serait due à l’interprétation des attitudes d’Emile Ratefinanahary dit «Vazaha», directeur du foyer des étudiants malgaches à Paris et un des animateurs du mouvement. Au mois de mai, le forcing de Rinah Rakotomanga pour essayer d’avoir sa place au soleil (voir article : «Y a-t-il un ambassadeur de Madagascar à Paris ?») a provoqué des tensions qui ont dégénéré en affrontements dans l’enceinte de l’Ambassade. La situation était telle qu’Emile «Vazaha» aurait été sollicité pour conclure une trêve avec la partie adverse et trouver un terrain d’entente. Mais après avoir accompli sa mission, il a été accusé par ceux-là même qui l’ont envoyé de trahison et de pactiser avec l’ennemi. En gros, il a été piégé et a joué le rôle du dindon de la farce. Cet épisode permettra de l’éliminer et de laisser la place à ceux dont les ambitions s’accommodaient mal de leur rôle mineur au sein de l’organisation.

 

Si ce genre de cabales est monnaie courante dans les milieux politiques de la Grande Ile, il ne l’est pas en Europe, où les mots «éthique» et «loyauté» ont un sens. Les simples citoyens, sympathisants du mouvement sont choqués par cet épisode. Des deux côtés, les bonnes volontés cherchent donc à se rapprocher. Finalement, cet épisode ne sera peut-être qu’une péripétie à intégrer plus tard dans la petite histoire des militants, la grande étant le désastre que la Grande Ile vit actuellement. Et si de plus, il permet à celui qui en est à l’origine de devenir ministre, comme on lui en prête le dessein, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

 

Vony Rambolamanana est, pour sa part, on ne peut plus dans la «légalité». En octobre, à 26 ans, elle va intégrer le barreau parisien. Elle a l’avenir devant elle et tout le temps d’apprendre qu’il ne faut pas faire trempette dans le marigot avec de vieux crocodiles.

 

Photo : Vony Rambolamanana, lors de la marche organisée à Paris en mai, avec un autre citoyen légaliste

 

 

Alain Rajaonarivony

 



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20 septembre 2009 7 20 /09 /septembre /2009 23:30



Le débat fut un peu tronqué. C’était d’autant plus dommageable qu’il est relativement rare de pouvoir parler en profondeur des problèmes de la Grande Ile sur des médias qui ont une couverture planétaire, TV5Monde et RFI (Radio France Internationale) en l’occurrence. Le Vice-premier ministre de la santé de la HAT (Haute autorité de la transition), Alain Tehindrazanarivelo, arrivé au dernier moment dans les studios, n’avait visiblement pas envie de faire des sourires aux autres orateurs. Il a démarré l’émission par un long plaidoyer pour tenter de justifier la position des auteurs du coup d’état. Sur un débat télévisé d’une demi-heure, c’est du temps perdu sans apport concret. Néanmoins, au fur et à mesure, des idées-forces sont quand même apparues.

 

Francis Soler, de «La lettre de l’Océan Indien», a relevé que ce n‘était pas une crise de la pauvreté, mais celle de la richesse. C’est à chaque fois que le pays connaît un décollage économique qu’il se produit un clash entre les dirigeants et une partie de la population. Le diagnostic, unanime, fut que la mauvaise répartition des fruits de cette croissance et son accaparement par une minorité sont les générateurs des tensions passées, actuelles et à venir. Denise Epoté, de TV5Monde, a souligné la similitude entre la crise de 2002 et celle de 2009. 

 

Mamy Andriamasomanana, consultant impliqué de manière discrète dans les accords de Maputo, a précisé quelques points saillants des accords signés dans la capitale mozambicaine par les protagonistes malgaches. Maputo I demandait un premier-ministre de consensus, et surtout «neutre», pour préparer les élections qui permettront un retour à la normalité. Il semble clair que le gouvernement Monja II ne répond pas à cette définition, d’où la condamnation de la communauté internationale ( UA, SADC, OIF, Nations Unies…)

 

L’effectivité du pouvoir de la HAT est reconnue, non sa légitimité, encore moins sa légalité. Il s’agit donc de ramener ce régime, par le biais du dialogue avec les autres forces politiques, sur des bases acceptables au niveau du droit international. Mais la «fluctuation» des positionnements personnels, doux euphémisme pour qualifier les retournements de veste et autres trahisons diverses et avariéss rend la tâche difficile. Le temps a manqué pour développer les scénarii de sorties de crise. Chacun pourra se faire sa propre analyse en visionnant le débat enregistré le 18 septembre sur le site de TV5Monde.

 

Cette émission, qui serait banale en Europe, a eu un impact considérable à Madagascar. Cela tendrait à prouver le déficit de dialogue constructif entre les différentes composantes de la vie publique. Le samedi 19, dans l’après-midi, le premier-ministre, Roindefo Monja, a parlé pendant près d’une heure au téléphone avec Mamy Andriamasomanana. Et dans la soirée, une trentaine d’officiers malgaches en formation en France, s’étaient retrouvés au domicile de ce dernier à Romainville, pour lui apporter leur soutien dans sa démarche de réconciliation et de remise aux normes de la gouvernance. La perspective de l’isolement total de Madagascar, avec en corollaire une catastrophe économique sans précédent rend urgente une solution.

 

 

Photo 1 : Mamy Andriamasomanana et Francis Soler échangent avant le début de l’émission.

Photo 2 : Les protagonistes sont plus détendus après le débat.

Photo 3 : Les officiers chez Mamy Amdriamasomanana à Romainville le 19 septembre. A leur demande, les visages sont floutés.

 

 

Alain Rajaonarivony

 

 

 

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